Yango Biennale de Kinshasa : l’art contemporain intrigue à Kitambo Magasin

Samedi, Juillet 23, 2022 - 16:53

Passants, chauffeurs, motards, marchands et clients, découvrant les peintures de Rodrigo Gukwikila, Catheris Mondombo et João Paolo Kabuanga installées dans le prolongement du parking de ce carrefour très fréquenté de la capitale, le 18 juillet, s’y arrêtaient cherchant à donner un sens à cette présence inhabituelle.

Rodrigo Gukwikila présentant son étendoir artistique (Adiac)Itinérante, l’exposition à ciel ouvert qui débutait son parcours à travers la ville au Parking Kintambo Magasin imposait l’art contemporain au regard de la population fréquentant le lieu. Ce premier vernissage a été opéré en début d’après-midi dans le dessein d’imposer l’art contemporain à la vue de tous. Les visiteurs pour la plupart de passage ou installés devant leurs commerces dans cet espace public n’avaient pas d’autre choix que d’y jeter un regard, ne fût-ce que par curiosité. Si tel était le cas pour plusieurs au départ, certains ont fini par réellement s’y intéresser allant jusqu’à questionner les artistes repérés sur le lieu. Quelques échanges ont eu lieu à la suite de ce contact occasionnel.

Venant de la voie asphaltée vers le parking non loin de la voie ferrée, l’on se retrouvait face au « Sèche-linge » de Rodrigo Gukwikila. L’œuvre qu’il a présenté comme étant un « étendoir artistique » n’arrêtait pas de retenir l’attention des passants et clients des commerces environnants. Y voir étalés des dessous masculins et féminins à côté de peintures peu ordinaires réalisées sur des bouts de treillis militaire ou des uniformes de cantonniers en pleine rue choquait. La vue de cet assemblage inattendu exposé de la sorte dans une rue si fréquentée rendait perplexe plusieurs. « La pensée derrière ce sèche-linge, c’est de mettre en lien ces articles intimes de la famille avec les toiles qui sont des objets intimes de l’artiste. En exposition dans les galeries et musées, les œuvres d’art ne sont pas à la portée de tous les regards à l’instar des vêtements que la famille expose chez soi à l’abri des regards indiscrets », a expliqué l’artiste au Courrier de Kinshasa.

Peinture sur de la toile moustiquaireCatheris Mondombo posant devant la « 8e étoile » (Adiac)

Venait ensuite l’installation « 8e étoile » de Catheris Mondombo. Trois personnages flottants peints sur une grande bâche en PVC bleue usée, récupérée auprès des petits commerçants de rue. S’expliquant sur l’aspect vieillot de ce support défraîchi, il nous a dit : « Je réalise mes œuvres d’art, peintures et installations sur des bâches qui ont servi d’abri contre le soleil et les intempéries aux petits commerçants ». Baptisée ironiquement « 8e étoile », l’œuvre de Catheris servait de devanture à un restaurant de fortune, un malewa, dont il cachait la façade principale d’ordinaire non couverte. «  Il arrive que l’on parle des restaurants 6 étoiles à Kinshasa, mon installation est la 8e étoile. J’ai pensé dans cette optique récupérer des bâches ayant servi aux restaurants comme on en trouve beaucoup qui couvrent les besoins alimentaires des Kinois. J’ai travaillé dessus et les remets dans leur cadre initial sous un nouvel aspect », nous a-t-il dit. Inspiré d’une histoire personnelle de l’artiste, 8e étoile a pour toile de fond « la quête de survie ». « J’ai créé une atmosphère autour de mes personnages flottants, des sortes d’astronautes à la quête de la survie, comme le sont les Kinois en quête de survie », a expliqué l’artiste.

João Kabuanga et ses toiles réalisées sur de la toile moustiquaire à mailles fines (Adiac)João Paolo Kabuanga lui, proposait deux tableaux que beaucoup ont trouvé bien surprenants considérant la matière improbable sur laquelle s’est aventuré l’artiste. De la peinture acrylique posée sur de la toile moustiquaire métallique à mailles fines, un travail juste impensable. Il fallait s’avancer assez près des deux pièces de dimensions presqu’égales exposées verticalement l’une après l’autre pour le constater. « Mon travail porte sur l’environnement. La nécessité d’en prendre soin vu l’impact qu’il a sur notre bien-être. Nous en payerons le prix si nous le laissons à l’abandon », a souligné le peintre. Pour lui, assainir est un geste capital : « Dans ces pièces sont peints des cantonniers, des outils et engins qui servent à l’assainissement de l’environnement que nous polluons nous-mêmes avec tous les déchets et emballages que nous jetons à terre. Nous vivons en Afrique, dans un pays tropical qui connaît souvent de fortes vagues de paludisme, si nous n’entretenons pas notre environnement nous en serons des victimes  ». João a fait un double usage de la toile moustiquaire comme protection anti-moustiques et support de conscientisation à vivre dans un environnement assaini.

Rappelons que l’exposition itinérante susmentionnée fait partie de la série réalisée dans le cadre de la seconde édition de la Biennale Yango. Elle sera reproduite dans d’autres espaces publics de la ville à l’instar de celles d’autres artistes participants dont la performance de Mega Mingiedi longeant la chaussée qui l’accompagnait.

 

 

 

Nioni Masela
Légendes et crédits photo : 
Photo 1 : Rodrigo Gukwikila présentant son étendoir artistique (Adiac) Photo 2 : Catheris Mondombo posant devant la « 8e étoile » (Adiac) Photo 3 : João Kabuanga et ses toiles réalisées sur de la toile moustiquaire à mailles fines (Adiac)
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