Du 19 au 22 novembre, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) a célébré à N'Djamena, au Tchad, le cinquantième anniversaire de sa création. Une occasion pour cette institution financière de revisiter son passé, évaluer les réformes entreprises, fixer de nouveaux objectifs et envisager les perspectives à court, moyen et long terme.
Plusieurs activités dont une exposition sur l’histoire des signes monétaires en Afrique centrale ont permis aux générations actuelles et futures de se faire une idée sur la monnaie, notamment les billets émis dans cette sous-région depuis 1920 jusqu’à nos jours. Les cinquante ans d'existence de la BEAC coïncident avec la mise en circulation à compter du 15 décembre, selon la dernière décision du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac), de la nouvelle gamme 2020 des billets de la Banque centrale.
Cette nouvelle gamme présente, d’après le gouverneur de la BEAC, Abbas Mahamat Tolli, l’avantage d’être plus compacte, plus moderne et plus sécurisée. L’exposition présente aussi le cycle de vie des billets de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cémac) à partir de leur fabrication jusqu’à leur utilisation dans les transactions aux guichets des banques et à leur destruction. Les nouveaux billets, partant des coupures de 500, 1000, 2000, 5000 et 10000 FCFA tiennent compte des ressources naturelles de la région d’Afrique centrale. Ces caractéristiques et thématiques portent sur la protection de l’environnement, la santé, l’éducation et l’agriculture moderne.
A travers cette exposition, l’histoire de la monnaie émise en Afrique centrale depuis 1920 est racontée et illustrée par un tableau présentant les billets émis jusqu'en 2022, ainsi que dans un livre publié cette année pour le 50e anniversaire de la Banque.
La résilience des économies de la Cémac au cœur d’un symposium
Outre les manifestations culturelles et sportives diverses, le clou de la célébration du cinquantenaire de la BEAC a été la tenue d’un symposium sur le thème principal « Résilience des économies de la Cémac à l’aune des réformes monétaires et financières ». Ce thème a eu pour buts de passer en revue les différents chocs auxquels la sous-région a été confrontée au cours des deux dernières décennies, d’évaluer leurs impacts sur les économies de la Cémac, d’examiner les mesures de politiques économiques prises par les Etats, la Banque centrale et les régulateurs du secteur financier, dont la Commission banquaire de l'Afrique centrale, pour préserver la stabilité de la sous-région.
Le symposium a réuni dans la capitale tchadienne les professionnels du monde de la finance au rang desquels les gouverneurs des autres banques centrales, les responsables des institutions financières sous-régionales et internationales ainsi que les universitaires et représentants du secteur privé. Une occasion d’aborder les réformes structurelles mises en œuvre avec l’appui des partenaires au développement, les principaux goulots d’étranglement identifiés et les perspectives de diversification et de renforcement de la résilience des économies de la communauté. L’objectif étant de faire une analyse critique du dispositif en place de prévention, de traitement et de résolution des crises bancaires.
Ouvert par le ministre d’Etat, ministre de la Production et de la Transformation agricole du Tchad, Médard Laoukein Kourayo, en présence du gouverneur de la BEAC, Abbas Mahamat Tolli, ce symposium a été l’occasion pour les participants de faire une introspection sur les défis auxquels fait face cette institution depuis sa création avant de projeter l’avenir.
« Le cinquantenaire de la BEAC permet de jeter un regard restrospectif de notre institution, ainsi que sur ceux qui ont œuvré pour son développement », a indiqué en substance le gouverneur, soulignant qu’il est le lieu de se remémorer les valeurs de l’intégration.
Pour sa part, le ministre d’Etat tchadien, représentant le président Mahamat Idriss Deby Itno, a appelé l’institution émettrice de la monnaie à impulser la croissance économique des Etats membres de la Cémac. Il a, par ailleurs, salué le choix du thème du symposium.
« L’atteinte des objectifs des réformes monétaires et financières reste confrontée à certains défis à relever afin de maintenir la résilience et la dynamique macroéconomique de l’Afrique centrale », a précisé Médard Laoukein Kourayo, ouvrant les travaux du symposium. Selon lui, les défis actuels se résument, entre autres, à la diversification économique et à la résolution de différentes crises que connaît la sous-région.
Différentes thématiques du symposium s’inscrivant dans le cadre de la relance économique dans la Cémac, en vue du repositionnement stratégique de la BEAC, ont fait l’objet des débats et échanges à travers différents panels. Ces échanges ont porté, entre autres, sur les préoccupations de l’heure et leur impact sur les économies de la Cémac ; les chocs extérieurs et la résilience des économies de la Cémac ainsi que les apports des réformes monétaires et financières engagées au cours de la dernière décennie. Il s’est agi aussi du sujet concernant la coordination et la normalisation des politiques monétaire et budgétaire face à la résurgence des tensions inflationnistes.
L’actualité obligeant, les participants au symposium ont aussi parlé de l’impact de la crise russo-ukrainienne sur les économies africaines, particulièrement sur celles de la Cémac et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine en lien avec les mesures prises pour lutter contre la vie chère dans le contexte actuel de hausse des prix des produits alimentaires importés et des coûts des intrants.
D’autres échanges, inscrits dans les panels du symposium, ont concerné la lutte contre le terrorisme et le blanchiment des capitaux ; les perspectives de diversification des économies africaines ; le bilan des mesures prises dans le cadre de la riposte contre la crise sanitaire liée à la covid-19 ; l’approvisionnement des agglomérations en produits pétroliers, au moment où des pénuries se généralisent dans la sous-région ; la réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest et centrale et la place de l’Afrique dans la géopolitique mondiale dans le contexte de la crise russo-ukrainienne.
Apport des réformes financières sur les chocs extérieurs et la résilience des économies
Au regard des chocs économiques successifs qui continuent d’affecter l’économie mondiale et les perspectives macroéconomiques dans la Cémac, la question de la résilience des économies face aux chocs extérieurs se pose avec acuité. Les pays membres ont ainsi entrepris de nombreuses réformes économiques, monétaires et financières visant à instaurer un environnement sain et stable.
Concernant particulièrement le volet monétaire, la BEAC a entrepris les réformes de ses cadres institutionnel, stratégique, opérationnel et analytique de la politique monétaire à partir de 2011. Sur le plan financier, la Banque centrale conduit depuis février 2018 le projet de fusion des marchés financiers de la sous-région.
D’après l’institution financière, ces politiques accommodantes, renforcées par les appuis d’urgence fournis par les institutions de Brettons Woods, ont permis de juguler les crises. Concernant particulièrement la pandémie de la covid-19, les vastes campagnes de vaccination associées aux politiques de relance ont également contribué à réduire considérablement les effets de la crise sanitaire, favorisant un rebond des activités économiques en 2021, avec une reprise de la croissance.
Au sein de la Cémac, la question de la résilience des économies face aux chocs extérieurs se pose avec acuité. Les pays membres se sont engagés, dès 1972, dans un processus d’intégration économique et monétaire. Ils ont ainsi entrepris de nombreuses réformes économiques, monétaires et financières visant à instaurer un environnement sain et stable.
« Concernant particulièrement le volet monétaire, la BEAC a entrepris les réformes de ses cadres institutionnel, stratégique, opérationnel et analytique de la politique monétaire à partir de 2011. Sur le plan financier, la Banque centrale conduit depuis février 2018 le projet de fusion des marchés financiers de la sous-région ; la première phase s’est achevée avec succès en juillet 2019 avec les chocs économiques successifs qui continuent d’affecter l’économie mondiale et les perspectives macroéconomiques demeurent incertaines », a relevé Abbas Mahamat Tolli.
Pour faire face à ces chocs, a-t-il déclaré, les réponses apportées par les Etats et les banques centrales se sont traduites par d’importants plans de relance budgétaire, le sauvetage d’acteurs financiers clés, combiné avec la mise en place de mécanismes de soutien aux entreprises affectées et aux ménages vulnérables, la baisse des taux directeurs et la fourniture d’abondantes liquidités aux économies par le biais des politiques monétaires non conventionnelles.
Historique de la BEAC
Etablissement public international africain, la BEAC a été créée le 22 novembre 1972 à Brazzaville par les Etats membres de l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale (UDEAC), à travers la Convention de coopération monétaire conclue entre la République unie du Cameroun, la République centrafricaine (RCA), la République populaire du Congo, la République gabonaise et la République du Tchad.
Outre la création de l’Institut d’émission commun, cette coopération est fondée sur l’adoption d’une unité monétaire commune, le Franc de la coopération financière en Afrique centrale (FCFA) et la mise en commun des réserves de change des Etats signataires. Depuis le 1er janvier 1985, date de l’entrée de la Guinée équatoriale au sein de l’UDEAC, la BEAC est la Banque centrale commune à ces six Etats, à savoir le Cameroun, la RCA, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.
Le 1er juin 1999, l’UDEAC est devenue la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cémac). Conformément à l’article 1er de ses statuts, la BEAC a pour missions de définir et conduire la politique monétaire de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) ; émettre les billets de banque et les monnaies métalliques qui y ont cours légal et pouvoir libératoire ; conduire la politique de change de l’Umac; détenir et gérer les réserves officielles de change des Etats membres ; promouvoir les systèmes de paiement et de règlement et veiller à leur bon fonctionnement ; et enfin promouvoir la stabilité financière dans l’Union monétaire.
Ces missions confiées à la BEAC sont mises en œuvre avec le concours du partenaire français, dans le cadre de la Convention de coopération monétaire conclue avec les Etats membres de la Cémac et en vertu de laquelle la France garantit la convertibilité illimitée du FCFA.