Le Nigeria en février, la Sierra Leone en juin, le Liberia en octobre, Madagascar en novembre, la République démocratique du Congo (RDC) en décembre et le Gabon au second semestre, la Libye et le Soudan, huit pays africains connaîtront les urnes dans la perspective des élections présidentielles en 2023.
Le sujet a été évoqué en marge du sommet Afrique-Etats-Unis (13-15 décembre 2022), marquant l’importance que Washington accorde aux prochains scrutins. Les présidents Ali Bongo du Gabon, Muhammadu Buhari du Nigeria, George Weah du Liberia, Julius Maada Bio de la Sierra Leone, Andry Rajoelina de Madagascar et Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo de la RDC ont échangé en petit comité avec leur homologue américain, Joe Biden, lors de leur séjour. D’où cette phrase du conseiller à la sécurité nationale du président américain, Jake Sullivan, " les Etats-Unis veilleront à ce que ces élections soient libres, justes et crédibles ».
Excepté le Nigeria où le président sortant Muhammadu Buhari ne peut plus se représenter après deux mandats successifs, en Sierra Leone, au Liberia, à Madagascar et en RDC, les présidents sortants Julius Maada Bio, George Weah, Andry Rajoelina et Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo devraient briguer chacun un nouveau mandat. En Libye, l’impasse se poursuit, initialement prévues en décembre 2021, les élections sont attendues en fonction des évolutions positives. Concernant le Sud-Soudan, prévues en février 2023, elles ont à nouveau été reportées.
Au Nigeria, les élections du 25 février prochain ne sont en bonne voie, le président sortant, Muhammadu Buhari, ne peut plus se représenter après deux mandats consécutifs. Les quatre principaux challengers, Atiku Abubakar, du Parti démocratique populaire; Peter Obi, du Parti travailliste ; Rabiu Kwankwaso du New Nigerian Peoples Party ; et Bola Ahmed Tinubu, le candidat du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes, ont pacté contre toutes formes de violences jusqu’à la date du scrutin. Cependant, le pays est toujours en proie à une insécurité généralisée, avec en particulier le terrorisme de Boko Haram.
Au Gabon, les élection se tiendront au second semestre 2023. Peu de doutes subsistent sur la volonté du président Ali Bongo Ondimba de briguer un nouveau mandat au Gabon. En attendant, pouvoir et opposition se battent sur des questions liées à la révision des listes électorales, le nouveau centre gabonais des élections, avec en souvenir, les violences et contestations qui avaient émaillé la présidentielle de 2016. Dans la perspective du prochain scrutin, la présidente de l’Union nationale, Paulette Missambo, a lancé un appel à l’unité de l’opposition.
En Sierra Leone, l’élection présidentielle est prévue pour le 24 juin 2023. L’opposition a accusé le parti au pouvoir, du président sortant Julius Maada Bio, de tentative de viol de la Constitution. Elle le soupçonne de vouloir déplacer les élections en 2024, prétextant la pandémie de covid-19. L’annonce de la Commission électorale a mis fin à ces accusations. Face au président sortant, quinze partis d’opposition ont entamé des discussions en vue de créer une coalition susceptible de mettre fin au régime du président Julius Maada Bio.
La présidentielle au Liberia est prévue pour octobre 2023. La coalition au pouvoir au Liberia a annoncé sa volonté de reconduire le duo gagnant constitué en 2016 par le président sortant George Weah, et sa vice-présidente, Jewel Howard Taylor, l’ex-épouse de Charles Taylor. Mais, des tensions sont évoquées entre les deux. Quant à l’opposition, elle accuse George Weah de ne rien faire face à la dégradation des conditions de vie de la population et de multiplier des déplacements à l’étranger. Réunie au sein d’une coalition, la Collaborating political parties, l’opposition conduite par Alexander Cummings, le leader de l’Alternative national congress, s’annonce comme l’un des principaux adversaires de George Weah.
A Madagascar, l’élection présidentielle aura lieu en novembre 2023. Le chef de l’Etat, Andry Rajoelina, ne s’est toujours pas officiellement déclaré candidat. Elu en décembre 2018, Andry Rajoelina devra faire face à la délicate épreuve du bilan. Il avait promis de rattraper en cinq ans le retard accumulé par son pays depuis l’indépendance en 1960. Il pourrait aussi faire face au renversement du président Marc Ravalomanana lors d'un coup d'Etat mené avec le soutien de l’armée en 2009. L’opposition Panorama, une plateforme constituée de dix-sept partis politiques, peine à se structurer et à s’imposer sur la scène politique locale.
« Des élections prévues en temps et en heure »
En RDC, on votera à la présidentielle le 20 décembre 2023. Le président sortant, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, affiche son intention de briguer un nouveau mandat. Ses partisans s’organisent déjà. Le Rassemblement des Tshisekedistes, un appendice de l’Union pour la démocratie et le progrès social, le parti au pouvoir, a tenu son premier congrès le 15 décembre dernier, désignant le président sortant comme candidat à un second mandat. Dans ce pays de plus de 90 millions d’habitants, vaste comme l’Europe occidentale, les élections sont une véritable gageure. La Commission électorale nationale indépendante et la présidence congolaise affirment que les élections auront lieu en temps et en heure. Mais la question sécuritaire pèse dans l’Est de la RDC.
Malgré tout, les annonces de candidature se succèdent. La dernière en date est celle de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga. Pourtant son parti, Ensemble pour la République, appartenait à l’Union sacrée, la coalition qui soutient le président Félix Tshisekedi. Investi par son parti, Engagement pour la citoyenneté et le développement, l’opposant Martin Fayulu, qui continue de revendiquer la victoire lors du scrutin présidentiel de 2018, fait également figure de candidat sérieux. Dans l’hypothèse d’un report du scrutin en 2024, il appelle le président Félix Tshisekedi à quitter le pouvoir dans les délais constitutionnels, afin qu’un président de transition organise les élections présidentielle et législatives dans un délai maximum de quatre mois.
Au Soudan du Sud, initialement prévues en février 2023, les élections ont été reportées. En août 2022, le gouvernement d’union nationale annonçait qu’il resterait en place jusqu’en février 2025. Et le 7 décembre dernier, le parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération du Soudan, a approuvé la candidature du président Salva Kiir pour un nouveau mandat lors des élections prévues fin 2024. Salva Kiir a accepté. Ces élections devaient mettre un terme à la transition. Mais les prérequis aux élections contenus dans l’accord de paix de 2018 tardent à être mis en œuvre, notamment le recensement de la population, le retour des réfugiés et déplacés internes, l’unification des forces armées, la rédaction de la Constitution. Si l’opposition ne s’est pas encore prononcée, Riek Machar sera sans doute le seul rival à s’opposer au président Salva Kiir.
Avec la Libye, l’impasse fait légion. Le 16 décembre dernier, le chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye, Abdoulaye Bathily, a déclaré dans son rapport que les rivalités politiques ne peuvent plus servir de justification pour prendre en otage tout un pays. Sur le terrain, des signes d’une partition sont déjà visibles, « deux gouvernements, des appareils sécuritaires distincts, une banque centrale divisée, une répartition inégale des revenus pétroliers et gaziers… », « le Conseil de sécurité devrait tenir responsables toutes les personnes et entités qui compromettent, directement ou indirectement, la tenue d’élections ». Depuis 2011, la Libye a connu un cycle de violences armées et de confrontation entre camps rivaux, avec du côté de la capitale, Tripoli, le gouvernement d’unité nationale mis sur pied début 2021, et qui résulte du processus de médiation de l’Organisation des Nations unies, et à Tobrouk, dans l’Est du pays, le Parlement et les forces du maréchal Khalifar Haftar s’opposent à ce gouvernement.