Interview. Isma Harvin Yengo : « L’amateurisme n'a pas de place au cinéma »

Vendredi, Mai 12, 2023 - 16:51

Depuis 2014 où il décide de faire du cinéma son métier, on ne compte plus le nombre de films dans lesquels il apparaît, imposant sa touche. Une passion de créer et une envie de transmettre qui le poussent à devenir, au fil des ans, un artiste à multiples casquettes (comédien, acteur, metteur en scène, formateur, coach). Il nous en dit un peu plus dans cet entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : D'emblée, quel  message apportez- vous dans vos films ? Et qu'elles en sont les raisons ?

Isma Harvin Bihani Yengo (I.H.B.Y.) : Mon message porte sur la conscientisation, je décrie des faits sociaux comme le banditisme, la délinquance, l'escroquerie, la polygamie. Repenser et conscientiser pour parvenir à la lumière tel est mon leitmov, et grâce à la fiction j'y arrive. Dans « Alicia », par exemple, film de sensibilisation, mon message s'adresse aux parents des enfants autistes, un handicap parfois difficile à cerner et donc compliqué à gérer par rapport à leur environnement. Dans Diboulou, la leçon à retenir est que nous récoltons ce que nous semons, le bien ou le mal, et dans Kundu qui a eu un joli succès dernièrement au Fespaco, il s'agit de la renaissance d'un nouveau monde que je vous recommande vivement.

L.D.B.C. : Pourquoi peu d'images des films congolais sur les chaînes locales alors que sur plan international, les Congolais sont de plus en plus sélectionnés dans les festivals ?

I.H.B.Y. : En général, le Congolais sous-estime ce qui se fait chez lui et cela à tous les niveaux. Notre lutte aujourd'hui est de prouver que nous vivons localement avant d'aller conquérir le monde. « Kundu » de Kayser Ori Uchi et d'Armelle Luzo était parmi les 188 films sélectionnés pour une subvention post production et nous avons raflé la deuxième place. C'est pour dire que le cinéma congolais s'exporte bien à l'extérieur et reçoit de plus en plus de récompenses. Dommage qu'il n'ait pas la même notoriété sur le plan national.

L.D.B.C. : Les quartiers populaires ont soif des réalisations produites ou Congo par des Congolais. Comment atteindre ces populations ?

I.H.B.Y.: C’est une question à laquelle nous réfléchissons, une partie a été résolue avec la programmation des projections des films dans les différents arrondissements de Pointe-Noire lors des festivals. La grosse question demeure les finances, car il faut de l'argent pour se déplacer de quartier en quartier mais aussi pour payer les cinéastes qui certes sont passionnés mais devraient pouvoir vivre de leur art. Ce qui fait que d'autres festivals n'ont pas survécu...Mais avant cela on a procédé à la vente de nos films à la criée dans les marchés et quartiers.... Un modèle de distribution que nous avons mis en place pour se faire connaître. Mais avec le temps, on s'est tourné vers les festivals qui nous permettent de faire le relais entre cinéastes et consommateurs en ce sens qu'acteurs, producteurs et réalisateurs ont l'opportunité de parler de leurs œuvres lors des projections. Et grâce à cela, on a réussi à remplir des salles de 500 places.

L.D.B.C. : Passer à la casserole pour obtenir un rôle est une pratique assez courante dans le milieu du cinéma. Comment mettre fin à cette pratique ?

I.H.B.Y.: C''est une plaie qu'on essaye tant bien que mal de soigner. Et s'il y a encore des échos par rapport à cette pratique, c’est que le sujet est toujours d'actualité. Il est donc primordial de sensibiliser nos jeunes sœurs qui arrivent nouvellement dans ce milieu. Pour remédier à cette pratique, je suggère aux victimes de briser le silence. Il faut organiser des sensibilisations pour mettre en garde nos sœurs.

L.D.B.C. : Vous avez participé à plusieurs projets cinématographiques, lequel vous a le plus marqué et pourquoi ?

I.H.B.Y : Chaque projet est un nouveau challenge en ce qui me concerne. J'y consacre toute mon énergie, ma passion et ma personne. Mais s'il faut que je fasse un choix, « Parcours » (2020) est certainement celui qui m'a valu le prix du meilleur acteur au festival international du cinéma de Kinshasa. Il y a aussi « In extremis » (2019), film pour lequel j'ai reçu plus de trois distinctions.

L.D.B.C. : Vous avez longtemps été au devant des projecteurs, êtes-vous prêt à passer derrière la caméra ?

I.H.B.Y. : C’est une question qui me taraude l'esprit, mais c'est le temps qui nous le dictera. Pour l'heure, j'ai encore beaucoup de projets en cours, mais ça ne saurait tarder.

 

 

Propos recueillis par Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
Le cinéaste congolais Isma Harvin Yengo/DR
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