Interview. Moyindo Mpongo : «Je me suis fixé des seuils, tracé des limites à ne pas franchir»

Samedi, Mai 13, 2023 - 15:31

L’acteur natif de Kinshasa, domicilié aux Etats-Unis depuis quelques mois, passe pour le plus populaire du cinéma congolais. De nombreux prix internationaux témoignent de la brillante carrière d’un homme pourtant attaché à des principes. Moyindo Mpongo en parle sans langue de bois dans cet entretien exclusif avec Le Courrier de Kinshasa.

Moyindo MPongo, acteur congolais à la brillante carrière (DR)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Que faut-il pour être reconnu comme un bon acteur de cinéma comme vous l’êtes  ?

Moyindo Mpongo (M.M.) : Il y a déjà un point à éclaircir, faire la différence entre un acteur et un comédien. C’est un point qui sème la confusion, perturbe plusieurs esprits lorsqu’il est question de parler du cinéma ou du jeu d’un acteur ou d’une actrice. Généralement, en se présentant aux gens comme étant acteur, ils pensent que c’est pareil qu’être comédien. Pourtant, c’est plutôt quand vous êtes comédien que vous pouvez être acteur. Et, les acteurs, on en trouve dans divers domaines, il y a les acteurs politiques, socio-culturels, notamment. C’est tout comme la confusion qui règne dans certains esprits à propos d’un docteur et d’un médecin. Être docteur ne signifie pas forcément que vous pratiquez la chirurgie ou soignez des malades, car il existe des docteurs en droit, politique, sociologie, dans des secteurs aussi variés que multiples mais pas nécessairement en médecine. Donc, il faut déjà, au départ, faire une différence entre le comédien et l’acteur, savoir que n’importe qui peut être un acteur. L’on peut demander à un quidam dans la rue, le solliciter pour tourner une scène dans un film. S’il accepte de le faire, c’est un acteur sur le moment. Mais est-il pour cela forcément comédien ? Non,  car ce n’est pas sa profession. Face à la caméra, ce qui fait qu’un acteur ou actrice soit bon (ne), c’est son naturel, il se comporte comme il le ferait dans la vie réelle.

L.C.K. : Moyindo est-il prêt à jouer tous les rôles qui lui sont proposés ou a-t-il un genre de personnages qu’il préfère plus que d’autres, un rôle de prédilection ?

M.M. : En réalité ou en principe non.  Je n’ai pas un rôle de prédilection mais seulement je suis exigeant dans certaines circonstances et sur certains points. Nous ne sommes pas tous appelés à faire ce que les autres font. En tant qu’acteur, comédien, je me suis fixé des seuils, tracé des limites à ne pas franchir. 

L.C.K. : Quel est ce seuil à ne pas franchir ? Pourriez-vous nous éclairer là-dessus ? Cela vous dirait de jouer un rôle comme celui de Patsha Bay dans Viva Riva ?

M.M. : Absolument pas. Je ne tournerai pas, je laisserai le contrat à terre, je ne prendrai pas un rôle de ce genre. Si je devrais le jouer, alors il y aurait pas mal de choses à censurer. Le réalisateur devrait se plier à mes exigences, sinon je n’accepterai pas ce rôle. Il y aura certainement plein de gens qui sauteraient sur l’occasion mais moi, en tout cas non.

L.C.K. : Jusqu’où Moyindo peut aller dans une scène d’amour ? Jouerait-il dans un film érotique ?Moyindo MPongo en pleine séance de sport (DR)

M.M. : Je peux faire une scène d’amour et même simuler une relation intime mais tout dépend de la manière de présenter la scène. L’amour n’est pas mauvais, c’est une bonne chose mais l’on n’est pas censé tout montrer dans les films qui ne sont pas pornos. Il faut se démarquer des films qui sont faits pour cela, la pornographie. Il existe des films érotiques qui ne sont pas forcément pornographiques. Avant tout, je suis chrétien, j’ai des principes de vie, je suis enseignant, formateur et je pense à l’avenir, je serai un jour grand-père, cela fera partie de mon histoire. Du reste, j’ai des références dans le cinéma, il y a de grands acteurs à l’instar notamment de Denzel Washington que je n’ai jamais vu nu à l’écran. Il figure parmi les plus grands acteurs de l’histoire du septième art, mais il n’a jamais visiblement fait de rapports intimes dans un film et cela ne l’a pas empêché d’être parmi les acteurs les plus riches du monde. Sidney Poitier, qui est le tout premier Noir de l’histoire à avoir franchi la porte d’Hollywood et a réalisé une carrière digne de la légende qu’il était, n’a jamais joué tout dévêtu. Et donc, cela signifie que je ne suis pas obligé de faire comme les autres. J’ai mes modèles. J’ai des principes et des limites auxquels je m’accroche.

L.C.K. : Face à une proposition, quel est l’élément qui vous décide à prendre un rôle ou le refuser  ?

M.M. : C’est l’histoire que raconte le film ou son récit. Toute histoire n’est pas une bonne histoire et n’inspire pas le bien. Je peux, certes, avoir le rôle d’un méchant, c’est le cas dans Ima, mais l’histoire en gros racontée peut être très belle. Elle peut prôner la justice, la liberté d’expression, des femmes, l’indépendance des femmes, etc. Je peux être l’antagoniste dans un film s’il emmène les gens à la positivité ou au bien. Il existe des films destructeurs qui incitent les jeunes à se droguer ou à devenir des délinquants, brigands, moi je n’y jouerai pas. Si l’objectif du film est d’induire les gens en erreur, ne leur présente pas une piste, un accès vers une vie meilleure ou ne propose aux jeunes de désirer une meilleure éducation, je choisirai de ne pas faire ce film pour ne pas contribuer à la dépravation des mœurs. Pour moi, jouer dans un film ne se limite pas à son budget, la somme qui m’est proposée mais c’est aussi à quoi ou vers quoi il nous mène. Dans le film de Dadju, Ima, par exemple, j’étais l’antagoniste, l’homme de main du plus mauvais, le plus méchant, nous étions les méchants du film mais, au fond, il raconte une belle histoire d’amour. C’est aussi une histoire qui met en avant la femme, parle de la liberté des femmes, leur liberté d’expression. La question de la violence faite à la femme est aussi évoquée. C’est un film inspirant qui parle de l’amour, la force de l’amour, bien qu’il y ait des antagonistes, des méchants dans l’histoire.

Moyindo MPongo et Dadju en plein tournage du film Ima (DR)L.C.K. : Moyindo est bâti comme il faut pour jouer des rôles assez physiques, il va en salle de gym pour se forger et garder ce physique d’athlète, est-ce fait exprès  ?

M.M. : Depuis mon enfance, je suis un sportif, cela fait très longtemps que je pratique du sport. Notre père nous avait inculqué cette culture du sport sachant que c’est important pour le maintien de la santé physique et même mentale. En étant sportif, l’on a plus de maîtrise que les non sportifs face à des obstacles et différentes circonstances. Les rôles que j’ai interprétés, où je suis plutôt très physique, je ne les ai pas choisis, c'est la distribution. Du reste, au cinéma on choisit les personnages selon leur profil. Ainsi, si l’on a besoin d’un homme mince, peu importe que vous soyez beau comme un ange, si vous n’êtes pas mince, vous ne serez pas pris pour jouer le rôle. Le physique joue aussi sur la présentation de l’acteur dans une production. Les réalisateurs sont assez regardants sur le physique de chaque participant, intervenant afin de distribuer les rôles aux personnes appropriées. Moi, je ne choisis rien, je les prends comme ça vient. Des fois, j’ai joué des rôles où ce n’était pas important d’avoir des muscles. Dans la série Ndakisa, le commandant Elombe avait plus à faire jouer sa tête que ses biceps, sa loyauté, son intégrité, faire prévaloir la justice pour laquelle il se battait. Plus que ses muscles, c’est sa cervelle qui importait le plus. Ayant choisi le métier d’acteur, je dois être comme l’eau qui se contente de prendre la forme du récipient qui le contient.

L.C.K. : Y a-t-il un rôle qui fait rêver Moyindo, un personnage auquel il aimerait s’identifier après en avoir joué déjà plusieurs différents  ?

M.M. : J’aimerai bien jouer le rôle d’un Africain qui a marqué l’histoire, son temps. Mieux encore, jouer un éminent personnage noir, pas forcément un Africain, qui s’est distingué dans la vraie vie. Notamment Kimbangu et Lumumba qui ont marqué l’histoire du Congo, Mandela qui a marqué notre époque ou Martin Luther King, Malcolm X, Mohamed Ali aux États-Unis, il y en a beaucoup dans le monde. Du reste, les films font des remake, ce n’est pas parce que Will Smith a joué Ali que plus personne ne peut faire ce film. Il y a Mike Tyson qui a marqué l’histoire de la boxe à l’échelle mondiale, les présidents Mobutu, Joseph Kabila, Tshisekedi, peu importe.  Il suffira juste que mon physique cadre avec la physionomie ou se rapproche du héros africain ou noir de l’histoire de l’humanité que j’aimerai bien incarner.

 

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela
Légendes et crédits photo : 
1-Moyindo MPongo, acteur congolais à la brillante carrière /DR 2- L'acteur lors d'une séance de sport /DR 3-Moyindo MPongo et Dadju en plein tournage du film Ima /DR
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