Représentée pour la première fois le 5 mars 1725, cette pièce de théâtre de style utopique est toujours d’actualité.
L’île des esclaves fait partie des classiques de la littérature dramatique française. C’est un récit divisé en onze scènes, qui se déroule dans une île imaginaire, autour de cinq principaux acteurs. Sur cette île, deux couples de maîtres et d’esclaves, rescapés d’un naufrage, échangent sur leur condition sociale suivant la norme dictée dans ces nouveaux lieux.
Durant trois ans, les serviteurs devenus des maîtres s’offrent le plaisir de corriger leurs anciens maîtres, par une leçon d’humanité qui fait prendre conscience de la dignité de chaque être humain, quel qu’il soit. Au bout de ces trois ans vécus dans leur nouvelle peau d’esclaves, les seigneurs d’hier découvrent avec amertume et confusion la laideur de leurs pratiques avilissantes qui consistaient à humilier sans vergogne leurs dévoués serviteurs. Cette expérience les aurait donc rendus plus empathiques, sensibles et généreux.
A propos, Euphrosine, une des héroïnes, promet de réparer ses erreurs du passé auprès de son ancienne servante, dès leur retour à Athènes : « La reconnaissance me laisse à peine la force de te répondre. Ne parle plus de ton esclavage, et ne songe plus désormais qu’à partager avec moi tous les biens que les dieux m’ont donnés, si nous retournons à Athènes » (Chute de la scène 10).
Ecrit longtemps avant la révolution française, ce récit dramatique interpelle par son originalité et place en effet Pierre Carlet de Marivaux parmi les précurseurs et les classiques de la comédie française anticonformiste. Le véritable art n’est-il pas celui qui se forge hors des sentiers battus ?