Un rapport parlementaire épingle le "manque de connaissance" de la France en Afrique, qui pâtit d’un sentiment défavorable dans les zones francophones.
A Paris un rapport parlementaire épingle la relation de la France avec l'Afrique. Une confiance dégradée entre l’Afrique et la France doit être rétablie "d’urgence", pour éviter que la défiance ne se propage sur le continent africain, de plus en plus courtisé. C’est la préconisation d’un rapport parlementaire français publié le 8 novembre sur les relations entre la France et l’Afrique, mené par le député du MoDem Bruno Fuchs, et la députée Les Républicains, Michèle Tabarot. Les rapporteurs dressent un constat sévère : la France a du mal à "s’adapter" aux mutations africaines, est "privée d’une connaissance fine du continent, et elle refuse désormais de se doter d’une véritable politique africaine". Les auteurs du rapport pointent du doigt une stratégie souvent "illisible". “Une trop grande méconnaissance du terrain”, “des décisions soit fausses, soit hasardeuses, en tout cas mal comprises”. Ce rapport est le résultat de plusieurs mois de travail en France et en Afrique, de rencontres avec des acteurs politiques, diplomatiques et militaires. Il "peut être lu comme un guide de survie en temps de crise”, alors que la relation avec la France est de plus en plus contestée dans une grande partie de l’Afrique francophone.
"Soucieuse de renouveler ses liens avec l'Afrique et d'éviter les erreurs du passé, privée d’une connaissance fine du continent et dépendante de choix politiques incertains, (la France) refuse désormais de se doter d'une véritable "politique africaine'". Les Africains, affirment-ils, "demandent une autre politique à la France" et il "faut agir d'urgence pour éviter un risque de contagion et de perte de confiance". Depuis sa première élection, Emmanuel Macron a tenté un changement de cap en Afrique, déjà annoncé dans le discours de Ouagadougou en 2017 puis réitéré en février 2023, esquissant une approche moins militaire et centrée sur les relations avec la société civile et le "soft power". "La Françafrique est morte", a-t-il encore insisté en septembre. Entretemps, des coups d'Etat au Mali (2020, 2021), au Burkina Faso (2022) puis au Niger (2023) ont précipité le divorce avec Paris. Les juntes militaires parvenues au pouvoir dans ces pays ont poussé dehors l'armée française, marquant la fin d'une ère, après une décennie d'intervention anti-djihadiste dans une région où la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Paris s'est aussi vu reprocher ses incohérences. S'il a condamné le coup d'Etat au Niger, il s'était accommodé du premier putsch au Mali en 2020, et avait adoubé l'année suivante Mahamat Idriss Déby Itno, qui avait succédé à son père à la tête du Tchad sans processus constitutionnel. L’image d’Emmanuel Macron aux obsèques d’Idriss Déby Itno ont laissé des traces...
Propositions
Les auteurs du rapport préconisent un "changement de style": "Arrêter les grands discours, souvent porteurs d'attentes finalement déçues, et leur préférer des actions concrètes". Ils proposent aussi notamment de réformer "en profondeur" l'aide publique au développement, pour mieux l'adapter aux besoins locaux avec plus de dons, moins de prêts. Les députés suggèrent une importante refonte de l’Agence française de développement, le “bras armé” de la coopération française en Afrique. Mais rien de bien révolutionnaire, au contraire : “La refonte de l’AFD que demandent les députés, proposant au passage de la rebaptiser « France Partenariat », ne débouche pas cependant sur des propositions novatrices, mais s’inscrit dans une approche conservatrice de l’aide comme outil d’influence et de rayonnement de la France”. Le rapport propose ainsi la restauration d’un ministère de la coopération pourtant dissous en 1999... Autre point épineux évoqué : la politique des visas. Le sujet est au centre des critiques adressées à la France. Les députés proposent de mettre fin aux "incohérences" et "situations vexatoires" quotidiennes tandis que la France "se prive de nombreux talents".