Les décennies 1970, 1980 et 1990 marquent un grand tournant dans la vie de l’Ok Jazz. Son patron, Luambo Makiadi Franco, est au sommet de la musique congolaise et vole de succès en succès, amassant biens matériels et gloire spirituelle. Il attire auprès de lui toute la crème des artistes musiciens kinois. Qualifié de sorcier de la guitare, chanteur, compositeur, grand maître de la musique zaïroise et de la rumba congolaise, son orchestre, l’Ok Jazz, devient au fil du temps le Tout Puissant Ok Jazz ‘’champion d’Afrique’’. Sa devise est " On entre OK on sort KO".
Des musiciens de renom au nombre desquels Sam Mangwana, Dizzy Mandjeku, Josky Kiambukuta, Ntesa Dalienst, Jo Poy, Ndombe Opetum, Lokombe, Nedule Papa Noël, Madilu Bialu, Dialungana alias Jerry, Mavatiku Michelino et tant d’autres sont achetés à prix d’or pour venir grossir les rangs de l’OK Jazz. S’ajoutent Youlou Mabiala, Michel Boyibanda, Isaac Musekiwa, Desoin, Decca, Simaro et autres pour former le grand Tout Puissant Ok Jazz, champion d’Afrique, qui terrasse tout sur son passage.
Désormais, l’orchestre est modelé à l’image de Franco qui en est l’inspirateur et le hisse au rang des plus grands orchestres populaires des deux rives du fleuve Congo et du continent. Des œuvres flamboyantes se succèdent à un rythme infernal. Un album de deux volumes produits par l’Ok Jazz, intitulé ‘’6 juin 1956, 6 juin 1976 20e anniversaire de l’Ok Jazz champion d’Afrique’’, comprenant onze titres, à savoir ‘’Liberté’’, ‘’Matata ya mwasi na mobali’’, ‘’Baninga to kola ba linga ka ngai té’’, ‘’Bokola bana ya mbanda’’, ‘’To sambi ba pesi yo raison na quartier’’ de Franco; ‘’Melou’’ de Wuta Mayi; "Voyage na Bandundu’’ de Ndombe Opetum; ‘’Kamikaze’’ de Youlou Mabiala; ‘’Nzeté esololaka té’’ de Michel Boyibanda; ‘’Salima’’ et ‘’Selija’’ connaissent un succès immense dans le paysage musical congolais, en Afrique et en Europe pendant plusieurs années.
Au fil des années, l’orchestre se structure sur le plan administratif, se transformant en une entreprise musicale. Cette métamorphose se remarque aussi dans l’appellation du groupe dont le nom est précédé d’un nouvel acronyme, devenu le TP Ok Jazz. Luambo Makiadi Franco étale sa puissance financière et la bonne santé discographique de son ensemble. En effet, il n’est plus conditionné par des pseudos producteurs et crée plusieurs marques pour produire les chansons de son groupe. Ainsi, les éditions Edipop, Epanza Makita, Boma Bango vont succéder à ‘’Visa 80’’ dont l’objectif est de produire aussi les orchestres des jeunes. Ses musiciens sont comme des employés qui évoluent dans une société. L’Ok Jazz compte au moins plus de cinquante musiciens, possède deux tonnes d’instruments de musique, une autocar pour les déplacements en provinces. Les contrats pleuvent, les invitations se multiplient, Luambo Franco est débordé. Homme d’affaires aguerri, il multiplie les investissements, les maisons de production, une maison de disques. Un investissement immobilier lui donne un charisme inégalable et crée son propre complexe appelé ‘’Un-Deux-Trois’’ dans la zone de Kasavubu, à Kinshasa, et y ajoute une aile qu’il baptisera ‘’Chez Mama Kulutu’’ aux deux palmiers.
Au plan artistique, les mélomanes et musicologues observent deux styles qui s’opposent sur l’échiquier musical congolais. L’un soutenu par l’African Jazz (Ecole Kalle) dont le fidèle disciple et continuateur sera Tabu Pascal seigneur Rochereau Tabu Ley, l’autre style émane de Franco. L’on assiste désormais à deux écoles, celle créée par Kalle et celle de Franco ponctuée par la rumba odemba qui sont deux styles qui prédominent dans le gotha musical des deux rives du fleuve Congo et qui s’imposent jusqu’aujourd’hui.
Il sied de noter que Luambo Makiadi Franco a contribué également à l’épanouissement de certaines artistes féminines aux voix veloutées qui ont fait partie du paysage discographique de l’Ok Jazz. L’on peut citer en 1984 Kola la sommité dans le titre ‘’Luzolo lua mama’’, puis en 1987 Jolie Detta, une jeune métisse de père grec et de mère congolaise qui chante ‘’Massu’’ et ‘’Layille’’. Enfin, Nana Akumu et Baniel Bosambo clôturent cette série avec ‘’Les on dit’’, ‘’C’est dur la vie d’une femme célibataire’’, ‘’Je vis avec le PDG’’ et ‘’Flora une femme difficile’’.
En 1988, Longomba Vicky tire sa révérence le 12 mars à Kinshasa après 36 ans de carrière musicale bien remplies dans l’Ok Jazz, l’African Jazz, le Négro succès et le Lovy du Zaïre. A cette date, Luambo Makiadi Franco et Bosuma Dessoin se trouvaient être les deux survivants kinois co-fondateurs de l’Ok Jazz en 1956. Notons qu’en 2020, il n’existe plus de co-fondateur de l’Ok Jazz du 6 juin 1956.
Avec Luambo Makiadi Franco, tous ces musiciens précités ont parcouru l’Afrique, l’Europe, l’Amérique, enregistrant des milliers de disques. Luambo Makiadi Franco, particulièrement, s’est révélé à travers toute l’œuvre de son orchestre un technicien extraordinaire qui a exploité les possibilités de sa guitare et de sa voix, générateur des plus merveilleuses acrobaties sonores. A suivre…