Le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, a invité, le 15 janvier à Brazzaville, les magistrats à combattre la lenteur qui « érode l’image de la justice, ronge sa notoriété et peut, si l’on n’y prend garde, ruiner sa crédibilité devant l’opinion ». Le président du Conseil supérieur de la magistrature s’exprimait à l’occasion de la rentrée judiciaire de la Cour suprême.
La Cour suprême a tenu, pour la première fois depuis sa création en 1962, son audience solennelle de rentrée judiciaire, en présence du chef de l’Etat qui a invité les juges à améliorer fondamentalement les délais de jugement. « Avec près d’un millier de magistrats en fonction dans les cours et tribunaux et en attendant l’arrivée de nouveaux auditeurs de justice, le pari de la célérité et de l’efficacité dans le traitement des affaires peut et doit être gagné. A l’évidence, je proscris sans réserve une justice hâtive et précipitée, souvent aux desseins inavoués. Ce n’est pas cette justice que l’Etat congolais attend pour son peuple et tous ceux qui ont choisi notre pays comme terre d’accueil », a précisé Denis Sassou N’Guesso, rappelant que le pouvoir judiciaire est consacré par la Constitution du 25 octobre 2015.
Selon le président de la République, la justice n’est ni un slogan ni une vue de l’esprit. Elle est plutôt, a-t-il expliqué, un réel besoin dont la satisfaction se mesure à partir de ce qu’en disent la cité et les parties impliquées dans les différents procès. « Une justice libre, indépendante, juste et équitable, rendue par des magistrats, à tous égards, dignes de confiance, demeure une quête permanente qui privilégie uniquement le triomphe de la règle de droit. Dès lors, la loi s’impose à vous, ce qui implique qu’elle doit être respectée de la manière la plus stricte. Respecter la loi est donc, pour le juge, un devoir sacré. Ainsi, je vous renvoie à vos devoirs de juge en matière de bonne gouvernance juridique et judiciaire et de bonne administration de la justice », a-t-il rappelé.
Il a également demandé à l’administration judiciaire d’inscrire l’éradication des antivaleurs au fronton des palais de justice, dans ses bureaux et d’en faire un point d’ordre du jour permanent de son travail quotidien. D’où la responsabilité des magistrats d’œuvrer à endiguer toutes formes de comportements déviants. Denis Sassou N’Guesso a, par ailleurs, rappelé que la justice est un régulateur pour l’économie dans la mesure où elle apporte aux investisseurs, entrepreneurs et partenaires au développement, la sécurité et la garantie juridique attendues et espérées au sein de l’Etat de droit.
« A ce propos, depuis l’antiquité, l’on considère que les magistrats sont toujours exposés au virus de la corruption… De nos jours, l’Etat perd systématiquement les procès qui engagent ses intérêts. Il en est de même des grandes entreprises », a averti le président de la République.
Veiller à amélioration du climat des affaires
Pour éradiquer tous ces dysfonctionnements, la Commission de discipline des magistrats devrait fonctionner, a-t-il souligné, pour être un véritable incitateur au devoir de probité, à l’exemplarité, au travail acharné et de qualité. Insistant sur les valeurs morales des magistrats telles que le désintéressement, l’impartialité et l’équité sont et doivent demeurer, de tout temps et en toutes circonstances, le crédo du juge. « Vous devez aussi vous approprier l’obligation que les dispositifs destinés à faire exécuter toutes les condamnations ou sentences prononcées, par ailleurs, par vous-mêmes, intègrent les préoccupations fondamentales de notre système judiciaire. La Cour suprême doit avoir une doctrine claire résultant de l’application et de l’interprétation conformes de nos lois. Elle doit publier ses arrêts afin que les juridictions d’instance et d’appel les connaissent, s’en imprègnent et s’en servent pour donner une image harmonisée et régulée de notre justice », a-t-il prescrit.
S’adressant aux huissiers de justice, il a réitéré que la mission de poursuivre l’exécution des décisions de justice ne peut s’accommoder de tout ce à quoi on assiste ces derniers temps. Denis Sassou N’Guesso a notamment épinglé des frais exorbitants que les huissiers de justice font payer aux parties perdantes. Il a aussi évoqué leur propension et leur acharnement à saisir les comptes en banque des parties perdantes, les rendant, a-t-il déploré, en totalité insusceptibles de tout mouvement. « Certains huissiers s’illustrent par ces pratiques éhontées qui anticipent ou n’attendent jamais ni les effets du pourvoi en cassation engagé, ni encore moins la fin de la procédure. De tels comportements, qui n’honorent guère le système judiciaire, ont conduit, sous d’autres cieux, à l’effondrement et à la ruine de pans entiers de l’économie nationale. Au Congo, les opérateurs économiques doivent se sentir en sécurité s’agissant de leurs activités, d’où la nécessité de toujours veiller à améliorer régulièrement le climat des affaires », a martelé le chef de l’Etat.
Quant aux avocats, il les a exhortés à donner le meilleur d’eux-mêmes afin que de la contradiction jaillisse des décisions dont la pertinence fera la fierté du système judiciaire national. S’agissant des greffiers et autres personnels de justice, il a rappelé qu’ils sont des collaborateurs des magistrats pour que la justice soit assurée de manière efficace.
Présentant la synthèse du rapport général des activités des années 2022 et 2023, le premier président de la Cour suprême, Henri Bouka, a parlé de 1154 arrêts rendus en toute matière, et plus de 1280 requêtes de pouvoir en cassation qui demeurent en cours d’instruction. « Nous travaillons à absorber tous ces retards et à faire que des pourvois en cassation soient instruits et jugés dans les délais », a-t-il promis.
Notons que cette audience a été marquée par les interventions du procureur général près la Cour suprême, Théophile Mbitsi, et du bâtonnier de l’Ordre national des avocats, Me Claude Coelho, en présence du président et du procureur général de la Cour de cassation de la République démocratique du Congo.