Les immortelles chansons d’Afrique : « Bisalela » de Lutumba Simaro

Jeudi, Juin 27, 2024 - 17:30

Lutumba Simaro a marqué la culture de la République démocratique du Congo par la profondeur de ses textes philo-poétiques. Doté d’un indéniable talent qui lui a valu le sobriquet de poète, il signe en 1976 « Bisalela », un titre inoxydable.

C’est grâce aux éditions Populaires de Franco Luambo Makiadi que Simaro mettra sur le marché du disque ce morceau paru en format 45 tours référencé EP 010. De manière générale, cette mélopée est une satire à l’endroit des veuves qui ne respectent pas la mémoire de leurs époux. Spécifiquement, elle est adressée à « Bisalela », une veuve dont le mari vient à peine de mourir et qui se met à se chamailler à cause d’un homme marié. Pourtant, le de cujus lui a laissé un bel héritage. A cause de son mauvais comportement, toutes les femmes brunes comme elle ont été cataloguées.

Nous pouvons subdiviser cette pièce musicale en trois parties. La première débute par un chant exécuté en polyphonie où l’auteur insiste trois fois avec l’expression « Ba kokamwa » signifiant « ils seront étonnés » : «Oh o Ba kokamwa o, ba kokamwa o, ba kokamwa soki ba yoki sango yo zali kobundela mobali abala ». Ce qui peut se traduire par  « Ils seront étonnés, ils seront étonnés, ils seront étonnés s’ils apprenaient que tu te bats pour un homme marié ». La deuxième est un chant en forme de question-réponse avec refrain-couplet. Ici Youlou Mabiala assure le solo vocal. Dans le premier couplet on l’entend dire : « zala na soni mokuya ezali nde na nzoto na yo, banza moninga bozalaki nde libala », c’est-à-dire : « Aie honte, tu es encore en deuil, pense à celui avec qui tu étais mariée ». Ensuite, Josky Kiambukuta, Michel Boyibanda, Wuta Mayi et Youlou Mabiala exécutent le chœur polyphonique. Enfin, la troisième est une animation. Elle met en exergue le talent des instrumentistes. Luambo à la guitare solo, Michelino Mavatiku Visi au mi-solo, Lutumba Simaro à la rythmique, Ntoya Fwala, alias Pajos  à la batterie et Dupool aux tumbas. Il faut dire que dans cette dernière partie, les battements de la batterie de Pajos et les tumbas de Mpouela Dupool rappellent ceux du hip-hop.

Fils de Pierre Mbaki et de Marie Kitala, Lutumba Ndomanueno Simon est né le 19 mars 1938 à Kinshasa. Après ses études, il se marie à Hélène Nkélani avec qui il a eu six enfants dont trois garçons et trois filles. Il démarre sa carrière dans l’orchestre « Micra Jazz », ensuite avec Gérard Madiata, Raymond Brinc, il crée le « Congo Jazz » avant d’intégrer l’Ok Jazz en 1961 jusqu’à la mort de Franco Luambo, survenue en 1989. Il sera cofondateur de « Bana Ok ». Décédé le 30 mars 2019, Lutumba a enrichi le répertoire de la musique congolaise et à travers ses œuvres, plusieurs artistes ont été mis sur les feux des projecteurs. Il avait le flair de reconnaître quel timbre vocal correspondait à chacune de ses chansons.

Frédéric Mafina
Légendes et crédits photo : 
Lutumba Simaro
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