Chronique « Renessence » : vitamines, vraiment ?

Jeudi, Septembre 12, 2024 - 10:45

La drépanocytose est une maladie à vie. Elle implique donc un traitement à vie et ce, aussitôt que la maladie se déclare, c'est-à-dire dans l'enfance. Comment expliquer à un enfant, en des termes d'enfant, qu'il doit se soumettre à un certain traitement ? " Oui, vous dira-t-il, mais pourquoi ? "


 

La drépanocytose est une maladie à vie. Elle implique donc un traitement à vie et ce, aussitôt que la maladie se déclare, c'est-à-dire dans l'enfance. Comment expliquer à un enfant, en des termes d'enfant, qu'il doit se soumettre à un certain traitement ? " Oui, vous dira-t-il, mais pourquoi ? "

La prise médicamenteuse, inhérente à toute maladie épisodique revêt un caractère rituel ou routinier dans la maladie chronique qui peut être très déstabilisant voire frustrant.

L'Homme, malgré sa finitude avérée et de tout temps prouvée par le départ de ses proches, l'un après l'autre, un jour ou l'autre, a en lui comme un sentiment d'immortalité et de toute puissance. Il sait que son jour viendra un jour. Mais tant que ce jour ne vient pas, il ne pense pas à la mort. Elle viendra quand elle viendra et quand elle viendra, il ne sera alors plus là.

Comment alors expliquer, de plus à un enfant, pour qui la mort est encore moins réelle, un concept lointain, un enfant pour qui la souffrance physique, la misère de la condition humaine, ne sont pas des sujets qui vont cristalliser son attention plus que nécessaire pourquoi il devrait se soumettre à un traitement médicamenteux et pourquoi le faire est important.

Les parents sont souvent très embarrassés au moment de tenir cette conversation cruciale. Ils sont entravés par leur sentiment de culpabilité. Et ils essaient naïvement de protéger leur enfant d'une dure réalité qu'ils n'ont peut-être pas encore digéré eux-mêmes.

Notre mère nous aura ainsi parlé de vitamines quelconques que nous devrions prendre sans nous expliquer le pourquoi du comment. Nous n'avions, évidemment pas cru le moindre mot de son discours. Elle n'avait pas été convaincante, son regard était fuyant. Pourtant nous n'avions pas posé la moindre question. Nous la savions particulièrement sensible et nerveuse sur les questions relatives à notre santé. Ce qui nous donnera d'ailleurs de silencieux indices de la gravité de notre état de santé.

Il aurait sans doute été plus facile que notre médecin traitant ou elle, notre mère, nous dise quelque chose comme : " les petits êtres dans ton sang ont besoin de ces petits comprimés jaunes pour être bien forts et pour donner à tout ton corps toute la force dont il a besoin pour t'aider à jouer, à danser, à travailler ou à continuer de faire la belle devant ton amoureux ". Bon, nous n'avions pas d'amoureux.

L'objectif d'une telle discussion et la nécessité de tenir cette conversation avec l'enfant est d'enlever le caractère de gravité de la drépanocytose, cette espèce de deuil avant le deuil, de défaitisme, de pessimisme. La drépanocytose est compatible avec la vie, bien qu'avec de nombreuses contraintes cliniques et médicamenteuses.

Si un enfant a besoin d'un médicament pour pouvoir rire ou jouer, il n'est pas pour autant en moins bonne santé qu'un autre enfant car, dit l'Organisation Mondiale de la Santé : " La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité. "

 

Princilia Pérès
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