Interview. Ismaëli Imoini Nzoba: "Le cinéma est une manière d’éduquer et de changer les mentalités"

Jeudi, Novembre 7, 2024 - 13:15

Auteur-réalisateur, scénariste et photographe, Ismaëli Imoini Nzoba, 23 ans, fait partie de la nouvelle génération qui contribue au rayonnement du septième art en Centrafrique et plus largement dans la sous-région Afrique centrale. À travers le cinéma, il veut conter sa nation et élargir les collaborations au sein du continent. Entretien avec un jeune passionné.  

 

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Qu’est-ce qui vous a emmené dans l’univers du cinéma et quel objectif poursuivez-vous ?

Ismaëli Imoini Nzoba (I.I.N.) : Le cinéma est une autre manière de raconter des histoires. L'amour  pour cet art est la première raison pour laquelle j'ai voulu le faire. Au fur et à mesure que j'ai appris, j’ai réalisé qu’à travers ce métier je pouvais donner mon point de vue en ce qui concerne l'environnement qui m'entoure. La République centrafricaine est un pays sur lequel on a pas assez d'informations et le peu qui en sort n'est que de la propagande sur un pays en crise et pourtant, il est une puissance avec beaucoup de diversités culturelles. Le cinéma est une manière d'exporter ma culture, en tout cas le côté que les gens ne connaissent pas. En plus de cela, le cinéma est une manière d’éduquer et de changer les mentalités, un moyen d'unir ou de transformer. 

L.D.B.C. : Et quelles sont donc les thématiques que vous abordez dans vos œuvres ? 

I.I.N. : Je prends pour base les réalités africaines que les gens ne voient pas. Au lieu de montrer une Afrique qui a faim ou en guerre, je parle plutôt des sujets qui touchent à nos traditions, les difficultés de la jeunesse, les contes de nos grands parents. Je voudrais montrer une Afrique qui avance. Pas les stéréotypes ou les histoires de sorcellerie ou de magie. L’objectif étant de montrer un continent qui s'en sort malgré toutes les difficultés rencontrées.

L.D.B.C. : Combien de films à votre actif? 

I.I.N. : Je compte deux films. Le premier, “Goura”, est un court métrage fiction de 20 min sorti en 2022 qui raconte l'histoire de Mima, une femme qui subit la spoliation de ses biens après la mort de son mari et un remariage forcé au petit frère de ce sernier. Goura, en République centrafricaine, désigne l'ensemble des rites et pratiques que doit faire la veuve ou le veuf après la mort du partenaire. Il a déjà obtenu le prix du meilleur film d'un réalisateur de moins de 25 ans au festival Phare, le prix du meilleur réalisateur de film dans la catégorie court métrage au Urusaru film festival, etc. 

Sorti en 2023, le second est également un court métrage mais du genre documentaire intitulé “ Regards”. D’une durée de 9 min, ce film a été réalisé sur la base de la question "Qu'est ce que tu penses que les gens peusent de toi ?". Inspiré par l'idée de filmer la pensée, j'ai mis en place un dispositif où le son et l'image sont désynchronisés, donnant lieu à un double portrait.

L.D.B.C. :  Avec quels pays africains avez-vous déjà collaboré? 

I.I.N. : Dans le cadre de mes projets, j'ai travaillé avec le Burkina Faso, les deux Congo, le Gabon, la France et d'autres encore. Collaborer avec d'autres pays ouvre des perspectives et beaucoup d'opportunités. Pour les pays d'Afrique centrale, je pense que nous avons presque les mêmes problèmes et s'associer peut permettre les échanges de connaissances et d'expériences permettant un réel progrès du cinéma sur le continent. On peut rehausser les chances de réussite et éviter les pièges. Je demeure ouvert à toutes collaborations permettant de faire développer les métiers du cinéma ou de la culture dans mon pays et ma région.

L.D.B.C. : Sur quels projets travaillez-vous actuellement? 

I.I.N. : A travers une organisation internationale qui est née au Brésil et qui est aujourd'hui dans plus de 50 pays appelée la Cufa,  je vais participer au G20 et à une autre rencontre internationale de Cufa. Je représenterai la RCA et présenterai nos projets qui peuvent profiter à court ou long terme à l'image du pays et à la jeunesse.

Par ailleurs, je travaille actuellement sur mon prochain court métrage qui a pour titre "Wandé" qui veut dire "étranger" en français. C'est l'histoire d'un jeune congolais qui arrive à Bangui à la recherche d'une vie meilleure, et le jour même où il est arrivé, il perd tout et se retrouve nu devant les réalités d'une ville dont il ignore tout. Il rencontre un jeune centrafricain qui veut partir en Europe et après avoir joué à l'insensible, il finit par lui prêter main forte. J'aimerais que le film mette en avant les points communs entre ces deux cultures.

L.D.B.C. : À quel niveau précisément ce projet connaîtra-t-il la participation du Congo? 

I.I.N. : Ce projet est l'un des multiples autres que je développe avec des frères du Congo. L'acteur principal va être un Brazzavillois. Il s’agit de Samuel Mansuaka, un jeune handicapé très doué mais pas encore connu que je souhaite mettre en lumière. Pour ce film, je suis actuellement à la recherche des moyens nécessaires pour sa réalisation.

Propos recueillis par Merveille Jessica Atipo
Légendes et crédits photo : 
Le cinéaste centrafricain Ismaëli Imoini Nzoba/DR
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