Partenariats public-privé: cinq pays africains concentrent 50 % des projets réussis

Dimanche, Avril 20, 2025 - 21:18

Alors que la majorité des pays africains peine à attirer les investissements dans les partenariats public-privé (PPP), quelques pays émergent en champions incontestés.

Au moment où l’Afrique cherche à combler son déficit infrastructurel estimé à plus de 100 milliards de dollars annuels, les PPP s’imposent comme un levier incontournable. Mais le continent présente un paysage contrasté, où une poignée de pays truste les réussites, tandis que d’autres peinent à concrétiser leurs ambitions. Ce paysage contrasté interroge. Dans la mondialisation des infrastructures, l’Afrique ne pourra rattraper son retard qu’en transformant ses cadres juridiques en projets bancables, portés par des institutions crédibles et une vision politique claire. La Banque mondiale  présente les résultats d’une étude de la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF). En effet, si quarante-deux pays africains sur cinquante-quatre disposent désormais d’une législation spécifique sur les PPP, seulement cinq nations, l’Égypte, le Ghana, le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud, concentrent plus de la moitié des projets aboutis. Une triste réalité et une hégémonie qui interpelle.

Les  piliers du succès 

« Adopter une loi PPP ne suffit pas. Il faut former des négociateurs, simplifier les procédures d’appels d’offres et créer des guichets uniques pour les investisseurs », rappelle l’ALSF. Les cadres juridiques hybrides et pragmatiques, les institutions spécialisées et l’expertise technique, les marchés porteurs et la diversification sectorielle, ainsi que la stabilité macroéconomique et la réforme des contrats constituent des leviers déterminants pour les cinq pays leaders. Si vingt-quatre pays africains de tradition civiliste ont adopté des lois PPP, le succès des leaders ne se résume pas à leur appartenance juridique. L’Afrique du Sud s’appuie sur un système de «common law» robuste et des politiques sectorielles claires. Le Maroc et l’Égypte, dotés de lois spécifiques, complètent leur cadre par des décrets d’application détaillés, réduisant les ambiguïtés. Au Ghana, le public investment division pilote l’évaluation des projets, combinant rigueur fiscale et analyse de risque. Le Nigeria a renforcé son Infrastructure concession regulatory commission, garantissant un suivi post-contractuel. Ces structures, souvent conseillées par des institutions financières internationales, maîtrisent les mécanismes de financement hybrides (prêts, garanties, fonds souverains). Pour  les quarante-neuf autres pays africains, la BM identifie quatre obstacles majeurs freinant l’essor des PPP: des cadres légaux inadaptés, des lacunes institutionnelles critiques, des risques politiques et macroéconomiques élevés, et une taille de marché perçue comme non rentable. Ces défis, souvent interconnectés, créent un cercle vicieux où l’absence de projets référents décourage les investisseurs, tandis que le manque de financements privés limite la modernisation des infrastructures.

Des exceptions prometteuses

Certains pays émergent grâce à des niches. Le Rwanda, sans loi PPP, a finalisé le Bugesera Airport via un contrat BOT structuré avec la Banque africaine de développement. La Côte d’Ivoire, avec sa loi de 2012, développe des PPP dans l’eau potable, soutenus par des subventions européennes. L’articulation entre ces obstacles et les réalités locales est frappante. Par exemple, l’inadéquation des cadres légaux se matérialise au Sénégal par des lois PPP trop rigides pour intégrer des garanties contre les fluctuations de devises, pourtant cruciales dans un contexte franc CFA arrimé à l’euro.

Vers une nouvelle génération de PPP africains

L’étude de l’ALSF souligne l’urgence d’adapter les PPP aux défis climatiques. Ainsi, le Ghana intègre désormais des clauses environnementales dans ses contrats miniers, le Nigeria explore des PPP verts dans l’hydrogène. Pour les autres pays, l’enjeu est de dépasser le mimétisme juridique. Ainsi, la Centrafrique a renforcé les capacités de plusieurs de ses cadres gouvernementaux sur la gestion et la restructuration de la detteAvec le soutien de l’ALSF, le Burundi explore les modalités de négociation et de gestion de ses contrats miniers. Pour conclure : si l’Égypte, le Ghana, le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud dominent les PPP, leur succès repose sur un mélange de politique, d’outils et de pragmatisme économique. Pour les autres, le chemin reste relativement long mais non infranchissable. Alors que le déficit annuel d’infrastructures routières en Afrique atteint 100 milliards de dollars, les PPP représentent moins une alternative qu’une obligation de survie économique.

Noël Ndong
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