L’initiative de la Direction centrale des logements et bâtiments administratifs (DCLBA) vise à sécuriser et à préserver les biens du domaine de l’État qui, depuis quelques années, sont spoliés et aliénés par des Congolais dont certains occupent d’importantes fonctions au niveau de l’État
En lançant cette initiative, la direction de la DCLBA a avoué son impuissance et s’est dite limitée par son armature réglementaire. Les logements et bâtiments administratifs font partie du domaine de l’État, explique un fonctionnaire, et ils sont subdivisés en deux grandes composantes que sont le domaine public et le domaine privé. « Les biens publics sont sacrés et inaliénables et tout citoyen doit les respecter scrupuleusement et les protéger », souligne la constitution du 20 janvier 2002 en son article 47. L’article 48 de la même constitution oblige les citoyens élus ou nommés à une haute fonction publique à déclarer son patrimoine lors de sa prise de fonctions et à la cessation de celle-ci. Une disposition qui souffre de n’être pas respectée faute de texte d’application.
Ce manquement conduit à plusieurs excès souvent décriés. « Nous sommes conscients que plusieurs biens du domaine de l’État sont accaparés par des responsables et cela nous cause beaucoup de difficultés. Nous avons déjà commencé à faire un travail de fond. La ville de Pointe-Noire a constitué le département pilote de ces opérations domaniales dont le but est l’établissement des premiers titres fonciers au nom de l’État congolais. Ce travail a été réalisé en 2011, 2012 et 2013. Toutes les propriétés de l’État ont déjà été immatriculées en dehors de celles qui sont en litige avec des tierces personnes », a indiqué le chef de service du patrimoine immobilier et de l’équipement à la DCLBA, Mathieu Ngombé.
Selon lui, les premiers résultats de ces opérations domaniales sont déjà perceptibles. D’autres dossiers techniques en traitement concernent le bornage des propriétés qui n’ont pas été immatriculées. Ces dossiers, a-t-on appris, sont déjà transmis au tribunal de grande instance de Pointe-Noire afin d’obtenir des ordonnances d’immatriculation et permettre au conservateur national de signer des titres fonciers au nom de l’État congolais. Parmi ces biens du domaine public, il y a des propriétés abritant des écoles, des structures sanitaires et des administrations.
Quand les textes limitent les compétences de la DCLBA
Les services de la DCLBA reconnaissent que plusieurs cas d’accaparement des propriétés de l’État sont le fait des hauts cadres et membres du gouvernement. Certains, disent-ils, procèdent à leur gré à l’immatriculation des biens du domaine de l’État. Une violation des dispositions constitutionnelles. « Lorsque l’on fournit un logement à un ministre, il ne doit pas faire des calculs pour se l’approprier. L’article 73 de la constitution stipule que durant leurs fonctions, le président de la République et les ministres ne peuvent par eux-mêmes ou par un intermédiaire ni rien acheter, ni rien prendre en bail qui appartienne au domaine de l’État… », a précisé le chef de service du patrimoine immobilier et de l’équipement de la DCLBA.
La DCLBA dont les compétences se limitent à la gestion des logements et bâtiments administratifs ne peut pas agir devant ces situations. En effet, la gestion des biens de l’État relève de la Direction générale des impôts et des domaines. La DCLBA n’a qu’une délégation des compétences prévue par le décret numéro 85 -679 du 5 juin 1985 portant attribution et réorganisation de la direction centrale des logements et bâtiments administratifs. Ce décret indique en son article premier que la DCLBA est chargée de gérer, d’entretenir et de de meubler tous les logements et bâtiments de l’État.
De même, il existe une commission d’attribution des logements dont la présidence revient au directeur de cabinet du secrétaire général de la présidence la République. Elle est composée d’un certain nombre d’administrations impliquées dans la gestion et la protection du patrimoine de l’État. Il s’agit de l’Inspection générale de l’État, de la Direction générale du budget, de la Direction générale du contrôle budgétaire, de la Direction générale du domaine de l’État, de la Direction générale de la police (pour la ville de Brazzaville). Au niveau des départements, la présidence est assurée par les préfets.
Bien que limitée par certaines pesanteurs, la DCLBA a commencé à réaliser le premier volet du travail dans le département de Brazzaville, à savoir le recensement des propriétés qui font corps avec les logements et bâtiments administratifs. Selon le chef de service du patrimoine immobilier et de l’équipement, le travail serait déjà bouclé. Celui-ci a permis la préparation d’un fichier provisoire devant permettre la réalisation des opérations domaniales. Reste le deuxième volet du travail sur le terrain qui sera amorcé en août prochain.
Comment affecte-t-on des logements aux hauts cadres ?
L’affectation d’un logement de fonction au profit d’un membre du gouvernement ou d’un haut fonctionnaire est du ressort du secrétariat général de la présidence de la République. Il n’y a pas une durée d’occupation contrairement aux logements de service qui ont une durée de cinq ans ininterrompue. Il s’agit ici d’une affectation à titre précaire et révocable car, après avoir accompli les cinq ans, le contrat d’adhésion, qui donne accès à la fourniture de logement, est retiré pour céder la place à un préavis qui demande de libérer les lieux.
S’agissant des logements de fonction, le chef de service du patrimoine immobilier et de l’équipement de la DCLBA a rappelé que la durée d’occupation du logement va de pair avec les fonctions assumées. Pour le cas des membres du gouvernement qui cessent leur fonction ministérielle, ils perdent ipso facto le bénéfice du logement de fonction. Un délai leur est cependant accordé pour prendre toutes les dispositions nécessaires et libérer les lieux. « C’est ce que prévoit la règlementation. Mais dans la pratique ces dispositions ne sont pas souvent observées », reconnaît un cadre de la DCLBA.
Certaines dispositions de la réglementation de la DCLBA méritent d’être réaménagées au regard de la nouvelle organisation administrative. Le cas du décret numéro 87 -109 du 27 mars 1987 portant réglementation du logement des responsables politiques et administratifs. Ce texte pris en 1985 comporte des « parties mortes » selon Mathieu Ngombé. Ce décret vise par exemple des structures disparues avec l’avènement du multipartisme. Cela est valable pour le décret qui règlemente l’occupation du logement de service et l’arrêté 31-21. S’agissant de la réglementation de l’affectation des bâtiments administratifs, il manque de support juridique au point que la gestion des bâtiments administratifs échappe à la DCLBA. Un projet de texte relatif à l’affectation des bâtiments administratifs aux ministères et autres institutions est déjà élaboré et attend d’être signé.
La loi domaniale, boussole de la gestion des biens du domaine public
Le plan de travail du ministère des Affaires foncières et du domaine public avait inscrit, au cours de cette année 2014, plusieurs défis à relever. Parmi ceux-ci, la préservation et la reconstitution des biens du domaine de l’État. S’adressant au personnel sous tutelle, le 21 janvier 2014 à l’occasion de la cérémonie d’échange des vœux, le ministre Pierre Mabiala avait promis de châtier les « délinquants domaniaux et fonciers » qui se sont accaparés les biens de l’État. Il avait aussi rassuré que « les opérations de préservation et de reconstitution du domaine de l’État, engagées en 2013, se poursuivront et se renforceront. Le déguerpissement des récalcitrants se réalisera avec pertes et fracas en application des lois et règlements de la République afin de faire observer l’autorité inflexible de l’État ». Des engagements salués par tous même si, à ce jour, on en attend les effets.