Amour Sauveur : « On a compris qu’il ne fallait plus espérer, mais agir pour exister »

Vendredi, Mars 13, 2015 - 14:00

Premier cinéaste à avoir relancé le cinéma congolais après les deux conflits sociopolitiques que le Congo a connus, Amour Sauveur est un acteur incontournable dans le paysage cinématographique congolais. Réalisateur et producteur, Amour, qui n'a pas sa langue dans la poche, nous parle du cinéma, sa passion, sa raison de vivre

Les Dépêches de Brazzaville : Pionnier du cinéma congolais après les deux conflits sociopolitiques que le Congo a connus, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Amour Sauveur : Cela me fait plaisir d’être considéré ainsi. Pour moi, tout l’honneur revient au Congo.

As-tu reçu une formation avant de te lancer dans le cinéma ?
Avant de faire mon premier film, je suis allé voir Sébastien Kamba, le doyen du cinéma congolais qui nous a coachés, mon équipe et moi, du début jusqu’à la fin de la réalisation. Après ce premier essai, j'ai suivi plusieurs formations, et la plus importante est  sans conteste celle d’ Africa Doc au Sénégal.     

Tu filmes et produis tes films. Est-ce un choix personnel ou n’as-tu pas d’autres alternatives ?
Je me considère comme un enfant du cinéma indépendant, et ce cinéma ne devrait pas dépendre des circuits de production. Dans mon cas, c’est plus un choix qu’autre chose vu que je déteste dépendre des gens. Et au Congo, il n'y a pas vraiment de réelles maisons de production.

Après les courts métrages de fiction, tu passes aux séries télévisées. Quel a été le déclic ?
Une histoire banale. Lors d'une réunion avec des cinéastes de la place, ceux-ci me font observer que mes œuvres ne sont pas visibles sur la scène nationale, vu que mes films sont en majorité destinés à des circuits extérieurs. À partir de là, je me suis décidé à faire un travail 100% congolais. D'ou Les Boulistes, une série qui m’a ouvert les portes de plusieurs festivals, et notamment celui de Rotterdam, dont je garde un excellent souvenir, car il m’a permis de réaliser avec sept autres cinéastes africains un film (nommé Zut !) en Chine, et plus précisément à Pékin.

Qu’est-ce qui te motive pour faire le métier de producteur, quand on sait que ce n’est pas un métier rentable en Afrique ?
Mon premier souci est de faire connaître le cinéma du Congo hors de nos frontières. Ce n’est pas d’abord le gain qui compte, sinon j’aurais depuis longtemps abandonné ce métier. Nous désirons que le Congo existe comme le Burkina Faso, mais le seul regret est qu’on le fait sans être accompagnés. 

Ton regard sur le cinéma congolais ?
Un regard très optimiste, au-delà de toutes les difficultés. On a compris qu’il ne fallait plus espérer, mais agir pour exister.  

Un dernier mot ?
Tous les deux ans, officiellement, nous sommes absents à la grande réunion du septième art du continent. Donc délibérément, on choisit de ne pas exister dans un domaine qui par ailleurs permet à un pays d’être connu. Je demande au gouvernement de nous aider à aller en 2015 au Fespaco, car comme a su le dire Nelson Mandela : « Ce qui se fait sans nous se fait contre nous ! » Nous devons participer à ces assises pour être plus visibles.

Propos recueillis par Berna Marty