Environnement: les espèces invasives, un vrai danger !

Jeudi, Octobre 2, 2014 - 13:58

Le réchauffement climatique ajouté à l’inconscience de l’homme fait proliférer des espèces animales et végétales loin de leur habitat. Risque,

L’affaire commence comme une banale conversation de salon. Deux membres de la diaspora devisent sur ce qu’il y aurait lieu de faire pour aider le pays. L’un propose : « je vais acheter des alevins de truites à Paris ;  j’irai les déverser dans une rivière comme le Djoué, à Brazzaville ». L’idée est généreuse, sauf que l’histoire fournit de nombreux exemples d’initiatives aussi bien intentionnées comme celle-là mais qui ont fini en véritable cauchemar écologique. Le plus souvent sans même que celui qui est allé au bout d’une telle lubie se sente coupable d’avoir causé un irréversible désastre environnemental !

 

Tout le monde se souvient du film « Cauchemar de Darwin » (1995) qui raconte comment la perche du Nil, un poisson à la chaire savoureuse, a fini par devenir une espèce régnante du Lac Victoria, en Ouganda, un pays qui n’a pas de bordure maritime. De véritables apprentis sorciers coloniaux l’y avaient transporté depuis l’Egypte. Entreprise tellement bien réussie aujourd’hui que le Lac ne fournit plus ni carpes ni silures mais seulement de la perche du Nil. Poisson dont l’Ouganda est presque devenu l’exportateur exclusif.

 

Il serait hasardeux de conclure que cette expérience ne s’est finalement pas trop mal passée puisque poisson pour poisson, la perche vaut bien un tilapia. Oui, sauf que la nature est une longue succession de chaînons s’interpénétrant. Les prédateurs se nourrissent de proies qui aèrent la forêt ou la savane où l’herbe et les feuilles sont la nourriture des herbivores etc… Forcer un lieu à devenir une zone de colonisation exclusive d’une espèce et d’une seule, c’est jouer au Dr Frankenstein là où la nature met des millions d’années à se constituer.

 

Cette question pourrait paraître théorique ; elle ne l’est absolument pas. Les dangers des espèces invasives ont des conséquences qui se calculent en milliards de dollars de pertes au niveau mondial. La lutte contre la méduse en Méditerranée coûte cher. La ville américaine de Chicago vient de prendre une position spectaculaire cette année en interdisant la carpe asiatique, une espèce de poisson invasive dont les ravages s’offrent à voir dans les cours d’eau et les lacs américains jusqu’au Canada. La moule zébrée, originaire des mers Noire, Caspienne et d'Aral, est arrivée dans les eaux américaines et canadiennes. Elle devient une vraie engeance en Australie, au Canada et en Nouvelle Zélande où elle constitue un réel danger pour… les centrales hydroélectriques dont elle obstrue les tuyaux d’évacuation des eaux !

 

Mais il n’y a pas que les exemples ‘exotiques’, lointains. Plus près de nous dans les deux Congo, les paysans se plaignent du surgissement dans leur paysage d’une variété de plante très invasive. Faute de familiarité avec les traditions, dans le Pool, on l’appelle « lantanier ». Mais c’est un nom par défaut. Car contrairement au lantanier aux belles fleurs de notre environnement habituel, cette espèce-ci croît en buissons denses, envahit son lieu de vie d’un nuage de fleurs cotonneuses qui voguent au gré des vents et finissent par reconstituer d’autres arbustes là où vont se fixer. Sous son épais feuillage, rien ne pousse. La forêt et la savane finissent par lui céder leur place.

 

Il en est de même pour la jacinthe d’eau que charrie le fleuve Congo. Il s’est trouvé des petits malins qui se sont amusés à la prélever la porter à consommer, loin de la ville, aux porcs qui en sont friands. Le résultat est qu’il a suffi de quelques pieds de jacinthes pour qu’une véritable « forêt » se recrée dans des environnements où on était loin de les imaginer. Et comme un tapis de jacinthe sur un étang ne laisse pas filtrer la lumière ; que les racines sont gloutonnes en oxygène, le résultat est que là où elle prolifère, il faut opérer un choix drastique : ou élever des porcs, ou élever des poissons . Car la jacinthe nourrit l’un mais tue l’autre.

Lucien Mpama