Transfusion sanguine : une attente trop longue pour se procurer du sang au CHU de Brazzaville

Mardi, Octobre 7, 2014 - 21:00

La banque de sang du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville a du mal à satisfaire dans les délais les requêtes des demandeurs de produits sanguins. Le petit guichet souvent bandé de « clients » en fin de journée et où un seul agent sert tant bien que mal les ordonnances provenant du CHU et de différents hôpitaux, ne comble que peu les attentes de malades qui vivent parfois des suites désastreuses. 

Lundi, 17 heures. Des acheteurs de sang munis d’ordonnances se disputent le petit guichet du Centre national de transfusion sanguine du CHU. C’est la banque de sang la plus équipée de Brazzaville en nombre et semble-t-il en type de produits sanguin.

A l’intérieur, une seule femme en blouse blanche tente de satisfaire des demandes visiblement pressantes. Harcelé, elle rétorque qu’elle est seule et qu’elle sert à son rythme. Pour les clients, le plus souvent proche parent de malades et garde-malade, les minutes ne sont pas à perdre car les médecins prescripteurs ont totalement averti de se dépêcher pour amorcer une quelconque opération.

Dans le lot de demandeurs, un homme d’environ 50 ans qui vocifère devant le guichet et menace la dame en blouse de diligenter car, sa femme, qui vient de subir une « césarienne » à l’hôpital militaire Pierre Mobengo, où il n’existe pas de banque de sang, a besoin du sang. Les deux poches de sang qui lui ont coûté 15.000 FCFA lui sont servies 45 minutes après. Mais la suite n’est pas heureuse. La femme avait décédé quelques heures plus tard. Aucun éclaircissement n’a été donné à l’hôpital militaire Pierre Mobengo. La dame avait longuement saigné, explique-t-on brièvement. Et c’est certain que, rassure un  médecin forcé de dire un mot, les choses aurait pu être autrement si le sang avait été rendu disponible plus tôt.

Sécuriser et rendre disponible le produit sanguin, un défi

Les ruptures en réactifs et consommables, sources de pénuries de poches de sang dans les formations sanitaires, sont désormais légués au second rang des soucis qui revenaient souvent comme obstacles aux difficultés du CNTS. Depuis, les situations semblent s’améliorées en dépit des plaintes liées au faible budget. Et le nombre de donneur de sang a visiblement augmenté. Ce qui n’a pas changé, semble-t-il, est la centralisation des opérations de stockage et de délivrance des produits sanguins dans seulement quelques établissements hospitaliers.

Quelques hôpitaux, à l’instar de l’hôpital de base de Makélékélé, possèdent des annexes du CNTS. Des produits sanguins y sont stockés, mais généralement en nombre insuffisant. L’observation vient des demandes renvoyées au CHU le plus souvent où les différents types de produits sanguins sont disponibles. Mais, entre le temps d’atteindre le centre hospitalier et la livraison, plusieurs malades succombent par hémorragie. Même si les données fiables sur ce type de décès ne sont pas publiées, il est évident que de nombreuses personnes meurent chaque jour  par manque de sang.  Les femmes sont en tête des décès en raison de plusieurs hémorragies causées par des grossesses mal suivies ou dans le cadre des soins obstétricaux d’urgence.

D'après les estimations, sur 100.000 naissances au Congo, 420 femmes sont mortes en 2013, pour cause d’hémorragie de la  délivrance. Selon l’OMS, chaque jour, près de 800 femmes meurent de complications de la grossesse ou de l’accouchement. C’est pour cette raison d’ailleurs que l’organisation encourage les pays à élaborer un plan d’activité mettant l’accent sur l’importance d’un accès rapide à du sang et à des produits sanguins sécurisés pour prévenir les décès maternels.

Un hôpital, un centre de transfusion sanguine

Les centres de transfusion sanguine doivent être partout. Ils ont la mission d’approvisionner les hôpitaux régulièrement en sang sécurisé, fiable, pour améliorer la santé. Cette année, par exemple, dans le souci d’étendre le réseau de Pointe-Noire, un centre de transfusion sanguine a été réhabilité à l’hôpital de base de Loandjili, après 5 ans de fermeture. Une opération saluée et qui doit se poursuivre vers les autres arrondissements où il y a des hôpitaux qui ont également les mêmes besoins. 

La transfusion sanguine, si elle est accessible et partout, permettrait de sauver des vies et surtout la quasi-totalité des femmes qui saignent. Selon une étude publiée en mars dernier par un spécialiste français de gynécologie obstétrique, pour un hôpital de référence qui draine une population d’un million d’habitants et qui ne dispose pas de banque de sang, 50 000 femmes sont enceintes chaque année.

« Avec un ratio de mortalité maternelle de 600 décès pour 100 000 naissances, comme c'est par exemple le cas en Guinée, 300 femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse ou à l'accouchement, dont 100 suite à une hémorragie. Si ces 100 femmes avaient accès à l’hôpital de référence et que cet hôpital était doté d'une banque de sang, elles seraient sauvées », relève l’étude. 

Quentin Loubou