Industrialisation de la RDC : l'invention du mortier marque aussi l'implication de la femme

Jeudi, Mars 12, 2015 - 20:30

En inventant, avec la complicité de l’homme, le mortier, un récipient servant à broyer les aliments, et plus tard le moulin, la femme a marqué en des traces indélébiles son implication dans le processus d’industrialisation de la RDC. C’est en tout cas le gand débat qui a tenu en haleine la salle de spectacle du Centre Wallonie Bruxelles le 12 mars. 

Une masse compacte a investi le lieu pour suivre une conférence sur un thème bien évocateur : "Apport économique à la femme et de la femme dans un Congo émergeant ". Deux oratrices, toutes deux professeurs, ont développé leurs arguments. La première intervenante, Josée Ngalula, a évoqué le thème très sensible de "La lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes par leur réinsertion socio-économique ". Quant à la suivante, Marie Claire Yandju, elle s’est davantage appesantie sur le thème "Innover pour mieux entreprendre ". C’est à elle que l’on doit la révélation sur le mortier découvert par la femme. Cet outil donnera naissance au moulin. Au regard de cette évidence, il ne serait pas exagéré de reconnaître que la femme a aussi, à son niveau, contribué à l’industrialisation de la RDC.

Mais cette industrialisation n’a pas ouvert la voie au développement du pays qui ne manque pas de potentialités du reste inexploitées. Au contraire, l’on constate, a rappelé Marie Claire Yandju, un contraste entre les potentialités du pays et la productivité dont l’origine serait, à en croire l’oratrice, l’absence d’implication de la femme. Marie Claire Yandju, spécialiste en technologies alimentaires et bioindustrie, a avancé des chiffres qui mettent en exergue les défis futurs. Il s’agit, par exemple, du niveau d’industrialisation du pays. Il ne représente que 4% de l’ensemble des entreprises de la RDC. Faut-il évoquer également ce contraste entre des terres arables estimées à 80 millions d’hectares mais faiblement exploitées, à peine 4 millions exploitées ? L’on pourrait aussi s’interroger sur l’ampleur de l’informel (75% de l’activité économique) avec des femmes réunies au sein des ONG de développement et autres groupes associatifs et religieux fonctionnant comme des "entreprises en cagoule".  

Les femmes constituent au moins 52% de la population mais une majorité parmi elles est analphabète, et ne peut ainsi être utile au développement endogène de la RDC. Avec un appui à la base, la femme peut arriver à produire suffisamment de nourriture pour assurer l’auto-prise en charge alimentaire de toute la société. En effet, la femme représente 80% de la main d’œuvre qui réalise cette production alimentaire locale. L’idéal est d’aller au-delà d’une économie primaire qui ne se limite qu’à la production des produits de base. La RDC ne donne pas suffisamment d’alternative à la transformation des produits agricoles et miniers, a-t-elle martelé. Aussi la femme pratique-t-elle encore des procédés de production très artisanaux qui sont loin de garantir la qualité des produits. Pire, plus de 52% de la production post récolte sont détruits ou vendus localement à vil prix.

Il est important d’encourager les innovations pour accroître la production et veiller à la qualité des produits sur le marché. Il ne faut pas hésiter d’avoir les meilleures technologies. Le grand défi est d’arriver à ne pas entretenir la pauvreté. Certes, des politiques plus incitatives sont nécessaires, notamment la réduction des barrières douaniers, l’aide financière de l’État, la formation des paysanes, etc. Sur ce point, Josée Ngalula est restée intraitable. La femme doit devenir une actrice de développement pour son pays. Mais l’absence de revenus fait qu’elle reste vulnérable et s’expose aux violences sexuelles. Elle a besoin d’assurer son autonomie financière pour lutter contre ces violences qui constituent un frein au développement de la société.

Laurent Essolomwa
Légendes et crédits photo : 
De gauche à droite, Marie Claire Tandju et Josée Ngalula