À l’origine de la décision que partagent experts et clients qui se disent "bluffés" et déçus par les services des opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d’accès internet, la mise en place d’une véritable plateforme de dialogue et de protection des intérêts des consommateurs des TIC.
Des réflexions et analyses sur la création d’une association de consommateurs des TIC se lèvent ces derniers mois. Les tumultes sur cette exigence ont commencé à franchir le cap des débats isolés pour prendre véritablement une ligne droite. Bien qu’il existe déjà un Observatoire congolais des droits des consommateurs (O2CD), l’association que visent des experts du secteur et des clients chevronnés devrait, dans un esprit partenaire, éveiller la conscience des consommateurs sur leurs droits et responsabilités en tant que consommateurs. Et surtout « voir clair dans la tarification et la régularité des services de télécommunications ».
Complexes, les services de la téléphonie mobile et d’Internet échappent à beaucoup de clients abusés mais sans défense. Entre le flou qui réside dans la facturation d’un méga d’internet et l’insuffisance d’explications claires dans la plupart des offres proposées par les opérateurs, les consommateurs se perdent. Les plaintes sont multiples : coupures intempestives de réseau et ponction de crédit sans explication, déduction de frais dans des services pourtant annoncés gratuits au départ…
La mauvaise qualité des réseaux ces derniers mois a accentué la crise de confiance entre les sociétés de services et les clients. Devant ces facteurs additionnés au mutisme et à la défaillance des Services clients, la faiblesse du système de gestion des plaintes et des mécanismes de recours, plusieurs clients du secteur estiment que l’une des solutions à la protection et à la formation des citoyens sur leur droit en tant que consommateurs réside dans la création d’une association vers laquelle devraient converger des acteurs rompus aux questions de TIC.
Une association de trop ?
La question avait été posée il y a quelques semaines à Jean Bruno Pissa, directeur général d'Aitech-Congo, qui intervenait lors d’un échange sur le centre d’écoute 5050 de l’Agence de régulation des postes et communications électroniques (Arpce), destiné aux consommateurs de la téléphonie mobile des FAI et des opérateurs postaux. «Il manque un interface réel entre l’État, représenté par l’Arpce, et les opérateurs. Il faut un troisième acteur au centre, mais nanti de connaissances, pour gérer les problèmes des consommateurs », suggérait-il au siège de la Fondation BantuHub.
« Les télécoms, c’est trop technique. Donc il faut une association qui présenterait les situations autrement et qui ferait un excellent contrepoids », assure pour sa part Alain Didier Ndalla, Directeur général de Megatel Système, une société spécialisée dans les services Cloud.
Actif depuis plusieurs années, l’O2CD reconnaît ne pas avoir les compétences nécessaires pour gérer efficacement le secteur des télécoms. L’un des freins à la mise à disposition d’une information certifiée aux consommateurs est sa particularité et la rétention de celle-ci par les opérateurs. « C’est un domaine technique qui nécessite des compétences professionnelles. Nous n’avons ni ce profil ni les outils nécessaires pour satisfaire les demandes », affirme, objectif, Mermans Babounga Ngondo, Secrétariat exécutif de l’O2CD. « Il n’y a pas de problème si une association se crée pour ce secteur spécifique. Mais nous ne travaillons pas avec des associations fantômes qui n’ont pas d’actions sur le terrain », met-il en garde.
La mise en garde du Secrétaire exécutif de l’O2CD s’adresse-t-il à l’Association congolaise des consommateurs des produits et services des technologiques de l’information et de la communication (ACCPSTIC) que dirige Wilfrid Ngoyi Nzamba ? Sans doute. En novembre 2013, en effet, cette association avait été présentée officiellement aux journalistes lors d’une conférence. Malgré des objectifs nobles de défendre les droits des consommateurs et utilisateurs, de faciliter l’accès aux produits et services de qualité, de disposer du conseil et l’orientation des consommateurs ainsi que le partenariat avec les autres acteurs du secteur pour une meilleure prise en charge des intérêts des consommateurs, l’association est quasiment invisible. « Nous avons appris l’existence d’une telle association mais jamais nous n’avons été contactés. Nous ne connaissons pas d’action de terrain de cette association », soutient Mermans Babounga Ngondo.
Des pistes de travail pour l’association envisagée
Selon plusieurs personnes ressources interrogées, l’association envisagée devrait conjointement travailler avec les consommateurs pour identifier les solutions appropriées qui ne doivent pas se limiter à la qualité du réseau mais également à une facturation transparente d’une part, et à une gestion efficace des plaintes des consommateurs d’autre part. « Si justement la partie qualité du réseau est de l’apanage strict des pouvoirs publics, la clarté dans les services proposés par les opérateurs et la gestion efficace des plaintes devront faire l’objet d’un enjeu de taille », appuie Kenan, patron d’une jeune start-up.
Pour justifier ce chapitre, experts et clients citent volontiers des cas de plaintes sans retour. « Plusieurs abonnés de MTN se sont vu être retirés 200 FCFA de leur crédit du service MTN Zik sans consommer le produit. Même chose pour le service de musique religieuse pour lequel la société soustrait 175FCFA sans mentionner que le service est payant », souligne un consommateur. « Chez Airtel, des clients ont perdu du crédit pour l’Internet Mobile. Une activation d’un forfait sans renouvellement est possible. Mais l’opérateur n’a rien prévu comme indication lorsque le forfait est à terme. Et le crédit voix est alors consommé. Parfois, une activation de forfait internet a été opérée mais sans l’utiliser à cause de la défectuosité du réseau. Et rien n’est remboursé », témoigne Christ, un client d’une trentaine d’années.
Dans un fichier des plaintes répertorié par l’O2CD au milieu de 2014, des clients incriminaient l’absence de compteur de traçabilité du débit de la connexion internet que les opérateurs offrent à l’envoi et au téléchargement des fichiers. Le même document envoyé à MTN mais resté sans suite, selon l’O2CD, fustigeait le refus de concertation de la société avec les associations de consommateurs.
À qui s’adresser finalement pour des réclamations ?
Une question souvent sans suite. Plusieurs experts s’accordent sur le fait que les services de gestion de plaintes, souvent confondus aux Services clients, sont inexistants chez les opérateurs. Mal connu des consommateurs, le 5050 de l’Arpce est loin de satisfaire les demandes, à en croire des clients interrogés le 13 mars dernier lors d’un échange à ce sujet.
L’association envisagée, estime-t-on, ne saurait prendre le rôle de l’État qui doit faire appliquer les textes. Pourtant, l’une des actions à mener serait, selon l’O2CD, de faire le plaidoyer pour la mise en place d’un vrai représentant des consommateurs au sein de l’Arpce. « Pour l’heure, c’est Paul Obambi qui représente les consommateurs selon un décret qui nomme les membres du Conseil de régulation. Et il y a vice de procédures car en tant que président de la Chambre de commerce, il ne peut pas représenter les consommateurs. Il faut une personne qui viendrait d’une association des consommateurs », explique Mermans Babounga Ngondo.
« Je crois qu’une telle association doit aussi sensibiliser aux différents dangers du secteur tels que la cybercriminalité, la pédophilie, le terrorisme, la pornographie mais surtout faire le plaidoyer pour qu’Internet mobile soit crypté chez les mineurs, car il y a trop de dérapages », suggère Roger, gestionnaire d'un cybercafé a Moungali.