VIH/SIDA : le conflit entre le CNLS et le ministère de la Santé inquiète les malades

Mardi, Avril 7, 2015 - 19:00

La crise qui secoue les deux institutions depuis plusieurs mois commence à inquiéter les malades du Sida et des structures de santé habilitées à œuvrer dans la lutte contre la maladie. Plusieurs observateurs craignent désormais que les résultats positifs obtenus jusque-là par la riposte soient affaiblis par des malentendus entre deux structures de l’Etat qui ne parlent plus le même langage.

Ce n’est plus un secret. Au Conseil national de lutte contre le Sida (CNLS), structure mise en place par l’Etat pour assurer la coordination de la riposte contre la maladie, les agents sont sans salaire depuis 10 mois. Au cœur de ce désagrément qui est une source de plusieurs maux nait un différend entre le CNLS et le ministère de la Santé.

Si l’on s’en tient aux confidences publiées ouvertement dans la presse par les deux camps et celles obtenus de sources concordantes, il s’agirait d’un bras de fer sur l’achat des antirétroviraux et sur les contrariétés d’une ligne budgétaire affectée au CNLS par le ministère de la Santé qui exige, désormais, qu'une lumière soit faite sur le statut des salariés du Secrétariat exécutif permanent (Sep) du CNLS. Entre le Dr Marie Francke Puruehnce, secrétaire exécutif du Sep/CNLS et conseiller à la santé du Chef de l’Etat et le ministre François Ibovi, s’est finalement installé un dialogue de sourd, selon des proches.

Le quiproquo auquel aucun arrangement ne semble être trouvé pour l’heure tire désormais sur des versions multiples. Chez les Personnes vivant avec le VIH (PVVIH) pourtant, l’angoisse est à son zénith, au regard des faiblesses qui se dégagent maintenant. Elles gémissent constatant que le pire arrive, car leur survie reste suspendue aux engagements pris par l’Etat d’assurer une meilleure riposte contre la maladie, grâce à une coordination parfaite des institutions, et de rendre gratuit le traitement antirétroviral et les examens biologiques y afférents.

La lutte contre le Vih/sida est en berne

Au-delà des tensions de trésorerie qui peuvent exister à l’heure où les budgets sont sectionnés, la lutte contre la maladie souffre depuis quelques temps d’absence d’engagement, analysent des spécialistes. « La crise actuelle entre le CNLS et le ministère est un problème d’intérêt. Cet égoïsme risquera de faire reculer de plusieurs années les efforts consentis par différentes parties et les partenaires », souligne, sous anonymat, un médecin membre d’une ONG.

Sur le terrain, en effet, les activités de prévention ont disparu. Les associations affectées à la tâche grâce au partenariat avec le Sep/CNLS ne tiennent plus des opérations par manque de financement. « C’est par la prévention qu’on pose le premier acte de lutte contre la maladie. Mais plus rien ne se fait car nous n’avons pas d’argent », a  expliqué un formateur spécialiste de la prévention.

En l’absence d’activité de prévention, des experts craignent ainsi une montée de l’épidémie et de la séroprévalence de la maladie qui se situe à 3,2% selon les données publiées en 2009 suite à l’enquête sur les indicateurs du Sida (ESIS). Après cinq ans, selon les textes, une autre enquête du genre devrait être effectuée mais rien n’a été fait. L’absence de financement explique tout, à en croire un spécialiste du CNLS.

Chez les PVVIH l’heure est aux interrogations. Vendredi, l’Association des Jeunes Positifs du Congo (AJPC) montait au  créneau dénonçant « une distraction qui cache des anomalies dans la lutte contre le Vih/Sida ».

Elle s’insurgeait devant l’arrêt de traitement chez plusieurs patients à cause du manque de certaines molécules. Selon des patients interrogés à différents endroits, la chronique des ruptures de stocks impose encore des traitements de 5 ou 10 jours. Ils signalent par ailleurs un manque de réactifs pour le suivi biologique tel que prévu dans le dispositif de soins et de prise en charge. De même, depuis un an, les PVVIH ne font pas d’examen de comptage de la charge virale destiné à mesurer la quantité du virus dans le sang. Dans les hôpitaux et cliniques, il est également signalé l’absence, depuis bientôt une année, d’un examen nommé test PCR que l’on fait sur des nouveaux nés afin de savoir s’ils sont séropositifs ou séronégatifs.

Une autre anomalie qui risquerait d’ajouter de nouvelles contaminations est le manque de constance dans l’approvisionnement en réactifs pour effectuer des tests de dépistage. Ce qui pourrait constituer un frein à la fièvre des Congolais qui ont pris le courage et le plaisir de se faire dépister et de permettre aux structures opérationnelles d’actualiser les données pour une meilleure riposte.

« De 2011 à ce jour, nous sommes en train d’assister à un délabrement progressif du dispositif mis en place avec l’effort de tous et personne ne peut imaginer les lourdes conséquences que le pays court », fait remarquer Thierry Maba, vice-président de l’AJPC.

Confrontées déjà ces dernières années aux ruptures de traitement avec les conséquences inconcevables sur la réponse nationale de la maladie, les PVVIH évaluées à 18 000 qui sont sous ARV espèrent que des solutions adéquates seront trouvées pour éviter le pire car chaque année de nouvelles infections sont signalées.

 

 

 

Quentin Loubou
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