Redonner la parole à l’homme, évoquer son œuvre et sa vie et poser les jalons pour sa reconnaissance nationale et internationale, tels étaient les objectifs de la soirée hommage à l’écrivain-poète-dramaturge congolais, Sony Labou Tansi, célébrée le 14 juin dernier à la Librairie-galerie Congo à Paris
Co-initiée par Rudy Malonga, cette soirée a bénéficié de la participation de Sami Tchack et Jean-Aimé Dibakana, tous admirateurs de Sony Labou Tansi.
La projection d’extraits du documentaire-entretien « Voir et entendre un auteur : Sony Labou Tansi par Sony Labou Tansi », réalisé à Brazzaville en 1990 par Daniel Kamwa, a structuré le débat selon cinq axes principaux : Sony qui êtes-vous ; Intemporalité et création ; L’homme engageant ; Sony le dramaturge ; Comptes d’auteurs et comptes d’éditeurs.
Cet aller-retour entre les images de Sony Labou Tansi, cheveux ébouriffés à l’écran avec son look traditionnel et sa parole libre, et l’analyse circonstanciée des intervenants de la table-ronde, a permis au public de découvrir ou de mieux appréhender l’homme et son œuvre. Un lien indéfectible avec le fleuve Congo, notamment : « Oui, je me sens ici chez moi », esquisse-t-il. Et, avec sa verve bouillonnante qui a inspiré et suscité tant de vocations d’écrivains au Congo, en Afrique et ailleurs, il explique comment son écriture jugée satyrique et son acuité à capter et retranscrire la société qui l’entoure, font de lui un spectateur engagé et, comme il l’espère, engageant. « Il a l’aisance d’un auteur d’une œuvre forte et protéiforme », témoigne Marie-Léontine Tshibinda, dans le documentaire, écrivaine et ancienne comédienne de la Troupe de Rocado Zulu Théâtre.
En 2013, et pour le modérateur Rudy-Pamphile Malonga, l’homme, le penseur Sony Labou Tansi mérite que l’on se souvienne de lui. « Ce jour anniversaire s’inscrit dans le cadre d’un travail de mémoire à effectuer avant le vingtième anniversaire en 2015 de la mort de Sony. Un souvenir où l’œuvre doit dépasser le cadre de l’écrivain qui prônait le personnage engagé et l’engageant qu’il était. Un souvenir où l’on doit inscrire Sony Labou Tansi dans l’universalisme au-delà du périmètre de la littérature africaine. »
Jean-Aimé Dibakana, écrivain-sociologue congolais, a quant à lui insisté sur la nécessité d’une analyse philosophique et psychanalyste de l’œuvre. Quand il se revendique homme engagé et engageant, « c’est un seul et même être issu des deux rives du fleuve Congo, respectueux des valeurs Kongo comme dans son livre Ante-peuple », précise-t-il.
Sami Tchak, au-delà de son admiration pour le style de l’écrivain, a témoigné de son incompréhension et de la nécessité à faire connaître et diffuser l’œuvre de Sony Labou Tansi. « Je déplore une méconnaissance absolue de Sony Labou Tansi dans son propre pays et ailleurs puisqu’il est quasi impossible de trouver ses ouvrages ici à Paris », confie-t-il. Et d’ajouter : « À Brazzaville, il m’a semblé que le Centre Sony Labou Tansi est un lieu vide de la substance essentielle, c’est-à-dire, un centre où l’on devrait retrouver les œuvres de l’écrivain et qu’il n’en est rien… »
Mais l’émotion était aussi au rendez-vous lorsque Ange Keta Nganga a lu l’un des textes de Sony et a témoigné de ses souvenirs d’enfance lors des répétitions menées par le maître.
Parmi l’auditoire, on peut signaler la présence de Jacques Chevrier, spécialiste de la littérature africaine qui a pris la parole pour soutenir cette initiative « bien structurée et universitaire ». Le membre du jury « Mokanda » a rappelé son attachement au souvenir et à l’homme. Il se souvient que lors de leur rencontre, Sony lui avait remis une carte où il était stipulé : Humain. Était également présent Nicolas Martin Granel, spécialiste des œuvres de Sony Labou Tansi.
Pour clôturer la soirée, des témoignages d’Alain Mabanckou et d’Emmanuel Dongala ont été lus, ainsi que celui de Monique Blin, spécialiste de l’auteur et pendant longtemps directrice du Festival de Limoges, qui a signalé l’existence de plusieurs manuscrits inédits. La rencontre s’est terminée autour d’un verre où la résonance du cri du cœur lancé par Sami Tchak circulait encore : « Sauvons l’œuvre de Sony en la rendant accessible dans tous les milieux littéraires. »