L’euphorie qui suit le couronnement d’une miss mène parfois à plusieurs dérives. Ambassadrices de beauté pour une année, plusieurs jeunes filles ont su lier l’utile et l’agréable en épiçant leur projet de vie là où d’autres, malheureusement, se sont laissées emporter par les apparences.
Entre 2004, date à laquelle le nouveau Comité miss Congo a pris les rênes de l’élection de l’ambassadrice de beauté, et 2015, 12 miss ont été élues. Elles sont au total plus d’une trentaine si l’on considère les dauphines, miss charme et élégance, élues au cours des mêmes soirées.
Que sont-elles devenues ? Difficile de savoir avec exactitude, en raison d’absence d’informations. Ce qui est sûr, certaines ont trouvé d’emploi sur place, à l’instar de la société aérienne ECair où elles exercent en tant qu’hôtesses et chefs de cabine, d’autres, par contre, ont immigré vers d’horizons divers. Mères, célibataires et mariées pour certaines, les miss Congo ont eu un parcours mitigé de leur mandat en raison d’absence de moyens du Comité qui gère l’élection et les préjugés faits autour de ce concours.
Miss Congo 2004, Marina Kolambi avait choisi de vivre en Afrique du Sud, juste après son mandat. L’on se rappelle de sa confession dans laquelle elle s’excusait de son mauvais comportement face au comité. Georgina Maguy Akondzo, miss 2005, vit en France et, est mère d’une petite fille. Aucune information sur sa vie professionnelle. En ligne, l’on se contente d’une seule photo d’elle, publiée sur Myspace. Blanda Eboundit est la miss 2006. Mariée, elle est mère d’un petit garçon et, travaille à ECair. En 2007, la miss Congo fut Katissia Kouta. Installée aux Etats Unis, en Floride, elle est mariée et mère d’un petit garçon. La couronne 2008 avait été remportée par Alicia Malanda, elle est aussi hôtesse à Ecair , mère d’un garçon. Avec Blanda, elles sont d’ailleurs en formation en Europe pour le compte de la compagnie aérienne. Grâce Obelo, hôtesse à Ecair, est miss 2009. Elle est mère de deux garçons. Miss Congo 2010, Bel-Benoit Boudzoumou n’est plus visible depuis. Le Comité n’a aucune nouvelle de l’ex- reine de beauté. Eliane Mitsouba, qui avait remporté la couronne en 2011, est sur place mais prépare un voyage pour s’installer en Europe, selon des sources proches du comité.
Difficile d’être miss
Le titre de miss peut faire rêver mais au quotidien, ce n’est pas forcément une vie de princesse qui attend la lauréate. Les fameux voyages, beauté, strass et paillettes sont au rendez-vous, mais le retour à la vie normale se révèle quelquefois insipide pour celles qui ont gâché leur réputation et perdu du temps. Surtout celles qui ont mal saisi le véritable rôle d’une ambassadrice de beauté.
« Il y a une confusion totale pour elles et même pour leurs parents. Être miss c’est être une star, pour nombreux. D’autres s’attendent de vivre une vie de paillette et la réalité est tout autre après. Non pas parce que nous ne voulons pas faire des choses, mais parce que parfois la mentalité des personnes blesse », explique Pupuce Ngalla Mouetoukouenda Ibata, présidente du comité miss Congo.
Depuis peu, en effet, à cause du comportement peu élogieux de certaines filles retrouvées dans des postures contraires aux engagements signés avec le comité, des langues se sont déliées pour médire le concours de beauté qui, selon des témoignages, « déprave » les filles. Faux ! rétorque le Comité miss Congo qui regrette « trop de préjugés » à l’égard de l’élection, mais reconnait quand même des dérives de la part de certaines lauréates.
« Nous sommes tous congolais et nous savons que les jeunes filles d’aujourd’hui courent derrière la vie et sont prêtes à tout », souligne-t-elle.
Deux miss, 2008 et 2014, ont d’ailleurs été dessaisies de leur couronne pour comportement indécents. Si en 2008 la première dauphine avait pris la première place selon le règlement, en 2014 aucun remplacement n' a été opérée. Motif : La première dauphine était également dans le collimateur du Comité, se servant, comme la miss, grossièrement de son charme.
Des pressions de la part de certains sponsors et mécènes vicieux peuvent influencer la décision des filles, reconnaissent quelques ex-dauphines interrogées. Mais rien ne sert de brader sa réputation et celle de l’élection, conseille Grâce Obelo, miss Congo 2009.
« La génération d’aujourd’hui ne comprend pas comment lier l’utile à l’agréable. On peut avoir toutes les portes ouvertes, rencontrer autant de personnalités. Mais ces occasions-là ne devraient pas influencer la façon dont on rêve sa vie. Si on se laisse influencer par l’argent, et qu’on soit épaulé par sa famille, c’est preuve d’une bassesse d’esprit et d’une mauvaise éducation », commente l’ex- miss, pour qui « la vie ne s’arrête pas à une année de mandat ».
Des Mandats bâclés
Le Comité miss Congo a, depuis, mis les bouchées doubles pour que les jeunes filles admettent le véritable rôle qui les attend, et assurer une visibilité de ces ambassadrices. Il s’agit de défendre les couleurs du pays ainsi que certaines causes et valeurs. Cependant, la tâche n’est pas facile, à la fois, pour le Comité qui jongle pour trouver des moyens à travers sponsors et mécènes, et également pour les jeunes filles qui perdent la tête devant des promesses de tout bord.
Pour tenter de soutenir les lauréates à s’insérer dans la vie professionnelle après une année de mandat, le Comité miss Congo, soucieux de ne pas laisser les filles être victimes de leur succès, a prévu de suivre les miss durant 4 ans après. Si certaines peuvent être réutilisées dans le cercle du concours de beauté, d’autres sont assistées à trouver de l’emploi. C’est dans ce cadre que se situe la collaboration entre la compagnie ECair et le Comité miss Congo.
Bonne résolution mais pas suffisant, estiment des observateurs qui pensent que la faiblesse des programmes d’activités lors du mandat des lauréates peuvent expliquer la dépravation décriée par certains. De 2004 à 2015, excepté l’année 2005 où la miss Georgina Maguy Akondzo avait conduit un riche programme de soutien aux enfants démunis, rien de consistant n’a été observé. Les miss se contentent des voyages et de quelques cadeaux sont un vrai programme a défendre.
« Nous essayons tant bien que mal de faire de la miss une véritable ambassadrice, mais il faut des moyens pour cela. Une activité comme celle-là, suivi par la moitié des congolais, n’est pas subventionné. Elle vit au jour le jour grâce aux sponsors. Pour les congolais l’activité s’arrête à des filles en maillot de bain, alors qu’elle est une vitrine culturelle qui peut booster le tourisme et plusieurs arts», explique Pupuce Ngalla Mouetoukouenda Ibata.
Il faut environ 105 millions de FCFA pour organiser l’élection Miss Congo y compris dans les élections départementales. Grâce à la SNPC et quelques sponsors, le comité se contente d’un budget qui n’atteint pas les 50 millions chaque année.
Institutionnalisé dans plusieurs pays, le concours de beauté le plus prestigieux devrait bénéficier du soutien de l’Etat pour lui donner plus de légitimité, soutient-on. Au Tchad, par exemple, l’activité bénéficie d’une subvention d’environ 50 millions de FCFA, moins que le budget accordé par le gouvernement équato-guinéen à l’activité d’un peu plus de 100 millions.