Diplomatie : le changement climatique et la COP 21 au centre d’une table ronde à la réunion de la zone franc de Bamako

Jeudi, Octobre 8, 2015 - 12:45

Le changement climatique et la COP21 ont fait l’objet d’une table ronde exceptionnelle qui a réuni,  récemment à Bamako, au Mali, plusieurs décideurs et spécialistes de la question, entre autres, le ministre  français des Finances et des comptes publics, Michel Sapin ; le porte-parole du Groupe des négociateurs africains de la COP, Seyni Nafo ;  la directrice exécutive du Fonds vert pour le climat, Hela Cheikhrouhou et le ministre gabonais de l’Economie, de la promotion des investissements et de la prospective Régis Immongault.

Michel Sapin a présenté le cadre général de la COP21 et les attentes de la réunion ; Seyni Nafo a expliqué la position africaine sur les négociations et les enjeux spécifiques à l’Afrique ; Hela Cheikhrouhou, a exposé son action et les ambitions du Fonds, ainsi que les règles d’allocation des ressources, et puis, elle a expliqué les apports du Fonds aux pays africains ; Régis Immongault a présenté l’expérience du Gabon dans la lutte contre le changement climatique.

Le cadre général de la COP21 et les attentes 

Michel Sapin a appelé chacun des pays et chaque continent à « prendre des engagements contraignants pour agir efficacement contre le réchauffement climatique ». Il a indiqué que la « France endosse une responsabilité particulière pour que ce rendez-vous soit un succès ». Plusieurs questions ont été posées, notamment la question du fonds vert qui « renvoie aux capacités à mettre en œuvre pour soutenir des projets pouvant déboucher immédiatement ». Des engagements à plus long terme, et en particulier à partir de 2020, ont présenté un autre enjeu central abordé à Copenhague. En outre, la question de la promotion des économies peu productrices de gaz à effets de serre (GES) a été soulevée. Les pays en développement (PED) ont  fait état d’un besoin d’appui extérieur, et des financements pour réaliser des projets.

« La COP21 ne pourra réussir qu’à la condition que nous ayons déjà avancé significativement sur cette question », a  reconnu Michel Sapin. Il a demandé que l’on définisse le contenu réel du montant de 100 milliards de dollars, la part de financements publics « indispensables », et privés. Il a ensuite appelé tous  les pays à se mobiliser autour de l’enjeu du financement privé, ainsi que les banques de développement. Il a souhaité qu’en marge de la réunion de Lima au Pérou (9-11 octobre 2015), que l’on aboutisse à un préaccord sur les questions de financement. Considérant que la question de financement privé représente l’autre volet de « la crédibilité de la lutte contre le changement climatique ».

Les attentes du Groupe africain sur l’accord de Paris

Sur la position africaine, Seyni Nafo a indiqué que l’évaluation du montant finance climat oscille entre 330 et 650 milliards de dollars, et plus de 80% des montants concernent la réduction des émissions GES, et seulement 20% représentent l’adaptation aux impacts du changement climatique. Sur l’ensemble de ces montants, l’Afrique reçoit à peine 5% du financement global.

Or le coût prévisionnel de l’adaptation se situe pour l’Afrique entre 7 et 15 milliards de dollars annuels. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) prévoit à l’horizon 2030, pour un réchauffement de 2°C, un montant annuel allant jusqu’à 35 milliards de dollars. Indépendamment des adaptations, l’impact représenterait jusqu’à 7% du Pib du continent, d’après Seyni Nafo. Le surcroît additionnel associé à un développement propre en carbone s’établirait de 22 à 30 milliards de dollars en 2015, avant d’augmenter à partir en 2030 pour se situer entre 50 et 60 milliards de dollars.

« Plus le réchauffement augmente, plus les coûts d’adaptation seront élevés », a souligné Seyni Nafo, avant de présenter les attentes du Groupe africain concernant l’accord de Paris. À savoir : « stabiliser le réchauffement de la planète à 1,5°C à l’horizon 2030 ; donner les moyens à l’Afrique de s’adapter aux impacts inévitables et d’exploiter son potentiel en matière d’énergies propres et renouvelables ; contribuer au développement durable du continent ».

Il a rappelé que l’engagement pris en 2009 à Copenhague d’un financement à hauteur de 100 milliards dollars à l’horizon 2020 représente un sujet de préoccupation pour l’Afrique. « Une question qui doit être traitée pour maintenir une confiance et garantir la crédibilité du dispositif », selon lui.

Sur la base de la cartographie des enjeux, l’Afrique a défini plusieurs propositions : « assurer une mobilisation effective et transparente des 100 milliards de dollars comme niveau plancher à partir de 2020 ; instaurer le fonds vert comme mécanisme de financement multilatéral prioritaire ou principal ; permettre un accès aux énergies renouvelables et propres ».

Le fonds vert pour le climat

Le fonds vert est une institution multilatérale dédiée au financement d’investissements sobres en carbone et l’adaptation au changement climatique. Il a donc pour rôle de fournir des sources d’investissement à partir d’une « gouvernance équilibrée ». Hela Cheikhrouhou a souhaité que l’erreur du mécanisme de développement propre ne se reproduise. Notant que très peu de financements avaient été dirigés vers l’Afrique. Elle a demandé que les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest soient par les premiers à proposer des projets, parce qu’ils ont été les moins dotés au sein du continent. Pour elle, le fonds vert représente « une opportunité unique pour le continent africain ».

L’expérience du Gabon dans la lutte contre le changement climatique

« En dehors des aspects financiers, le changement climatique renvoie à des enjeux de développement », a déclaré Régis Immongault, convaincu que les financements doivent contribuer à assurer un développement durable aux économies africaines. Il a exposé la stratégie mise en œuvre par le Gabon en 2009, considérant que le développement durable constitue l’un des fondements de la croissance du pays.

Il a souligné que tout projet doit inclure un volet lié au développement durable, une démarche qui permet « d’évaluer l’impact des projets sur la vie des populations ».  Par exemple, pour mettre fin au torchage, le Gabon a dû instaurer « un mécanisme ». Il a aussi fait état d’un besoin d’accompagnement pour soutenir ce type d’initiatives, et à invoqué «  une démarche commune avant le rendez-vous de Paris, compte des convergences d’intérêts qui peuvent exister entre les pays africains ».  

Il a suggéré une « stratégie globale » entre les pays d’Afrique centrale visant à attirer l’investissement direct étranger (Ide) et « accompagner le volet de la diversification de l’économie ». Il est aussi revenu sur l’enjeu des transferts de technologie, « des enjeux qui peuvent susciter une unification des approches africaines ».

La COP 21 qui se tiendra à Paris en décembre pourra constituer pour les pays africains un enjeu des mutations environnementales, et d’écoute de la part des pays occidentaux. À condition qu’ils soient unis.  

Noël Ndong
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