Dans un entretien, le week-end dernier, avec Les Dépêches de Brazzaville, le député national, président du Parti écologiste congolais (Péco) et président en exercice de la Fédération des écologistes et verts d’Afrique centrale (Févac) a insisté sur les attentes de des assises qui vont se tenir, en décembre, à Paris et qui se résument sur le financement des politiques climatiques.
Les Dépêches de Brazzaville : Honorable, la RDC est le deuxième poumon vert mondial et Paris accueille, en décembre, le sommet sur le changement climatique. Quelles sont, selon vous, les attentes de la RDC de cette rencontre ?
Didace Pembe Bokiaga : Je vous remercie d’abord pour cette opportunité de m’adresser au monde à travers votre journal. L’espoir que fonde la RDC dans Cop21 est d’abord que le Congo et l’Afrique se retrouvent parce que nous sommes les premières victimes du réchauffement climatique. Se retrouver veut dire que nous avons besoins des moyens pour faire face à ce changement climatique. Nous sommes le deuxième poumon mondial, c’est vrai mais la RDC représente aussi 13% du potentiel hydro-électrique mondial, c’est-à-dire 13 % du courant hydro-électrique mondial se retrouve chez nous. Donc c’est un atout nécessaire que nous pouvons capitaliser à travers les discussions que nous aurons non seulement dans Cop21 mais aussi et surtout dans toutes les discussions orientées vers les énergies renouvelables.
LDB : Pourquoi considérez-vous Cop21 comme une rencontre de la dernière chance ?
DPB : Depuis que les États ont pris conscience du problème environnemental lors de la conférence de Stockholm, plusieurs rencontres internationales ont été organisées en vue de proposer des mesures visant à maintenir le réchauffement climatique en deçà de deux degrés Celsius. Malheureusement, la plupart de celles-ci n’ont pas pu rencontrer les préoccupations des défenseurs de la planète car, bien souvent, ces conférences n’accouchent que des documents non contraignants, mis à par le protocole de Kyoto, qui avait conduit trente-sept États développés à s’engager de manière contraignante à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu-clé, c’est le financement des politiques climatiques.
Par ailleurs, savez-vous que de 1880 à nos jours, il y a eu une augmentation de la température de 0,85°C ? Si nous ne prenons pas garde, en 2100, nous risquons de dépasser les 5 % et ça sera catastrophique pour nos pays. C’est pour cela que nous avons plus qu’aujourd’hui besoin d’avoir un accord contraignant de telle sorte que ceux-là qui polluent puissent s’engager de moins en moins, pour que nous puissions atteindre l’objectif de -2°C jusqu’à l’an 2100. Croyez-moi, c’est possible. Donc, notre espoir se fonde dans Cop21 pour que tous ces pays pollueurs, toutes ces grandes puissances, s’engagent fermement à orienter leurs technologies vers des énergies propres de telle sorte que nous puissions atteindre notre objectif et nous allons bien limiter les dégâts.
LDB : Pour la satisfaction de ses attentes, la RDC devra faire carrière solo ou devra-t-elle se liguer avec d’autres pays africains ?
DPB : Plus que jamais, la RDC ne doit mener son combat seule parce que cela n’a jamais été porteur. Nous devons créer une coalition. Donc, l’Afrique doit amener une et une seule préoccupation, pour l’intérêt des Africains et aussi conjuguer avec les pays de l’Amérique latine qui sont, économiquement et technologiquement, en avance par rapport aux pays africains mais, qui ont les mêmes problèmes du changement climatique si pas pires que nous. Et, je pense qu’ensemble, nous pouvons former un bloc revendicatif et qu’à travers ce bloc, notre cause pourrait être entendue.
LDB : Vous êtes le Président des Verts de la sous-région d’Afrique centrale, par rapport à la formation de ce bloc, vous vous êtes déjà rencontrés pour mettre vos forces en commun ?
DPB : Mettre les forces en commun, c’est une chose mais, réfléchir ensemble, c’en est une autre. Il faudrait, je pense, par rapport aux accords qui lient les pays africains à travers la charte de l’UA, inscrire en priorité que nous puissions mener une même et une seule politique écologique de telle sorte que notre cause soit entendue. Donc, il faudrait davantage renforcer les relations entre nos pays africains à travers l’UA, la Comifac, etc., donner des orientations et une politique cohérente à suivre pour porter nos revendications. Et, ce n’est qu’à ce titre là que notre cause sera entendue.
LDB : Sur le plan interne, pensez-vous que la RDC fait assez pour mériter les égards du monde dans le domaine de changement climatique ?
DPB : La RDC ne dort pas. Elle fait des efforts, c’est vrai. Mais, je trouve que cela est insuffisant. Parce que compte, tenu du bloc forestier qu’il y a chez nous et du potentiel hydro-électrique ainsi que du potentiel en eau douce que la RDC renferme, je pense que nous avons tout intérêt à revendiquer cela très haut parce que dans les décennies qui suivront, on connaîtra une grande migration du nord au sud du fait que l’eau douce va se raréfier. Comme vous le savez bien, l’eau est source de vie et, les gens vont migrer pour la chercher. La RDC aura donc un grand rôle à jouer et si aujourd’hui, nous ne mettons pas en place l’arsenal juridique et nos revendications en place, nous risquerons d’être envahis et, d’autre part, nous connaîtrons une guerre sans précédent au point que nous risquerions de perdre l’identité même de notre pays au profit des envahisseurs qui pourront nous le ravir. Et je suis très sérieux en vous disant cela parce que l’eau douce va représenter, demain, un enjeu stratégique énorme voire au-delà du pétrole.
LDB : En tant que député, président du Peco et de la Févac, avez-vous un message à lancer aux dirigeants et à la population pour que la RDC continue à jouer ce rôle et qu’elle bénéficie des avantages liés à ses efforts ?
DPB : Nous, écologistes, sollicitons du gouvernement que l’on puisse vulgariser l’écologie en RDC, que le gouvernement congolais puisse expliquer à la population locale et lui donner la possibilité de s’auto-prendre en charge pour que cette population, qui est à la base de la destruction de l’écologie, la destruction de l’environnement, puisse comprendre qu’elle est la première intéressée et qu’elle soit davantage impliquée afin de changer le mode d’utilisation d’énergie. Aujourd’hui, le charbon nous amène à la déforestation d’une part et à la pollution d'autre part. Il faudrait donc que nous puissions muter cette technologie du bois de chauffage vers une technologie propre telle que celle de l’énergie solaire, l’énergie des micro-barrages que nous devons coûte que coûte implanter dans chaque coin et recoin de la RDC pour que la population locale puisse muter de cette énergie fossile vers l’énergie propre. Cela fait partie de priorités que le gouvernement pourrait lancer.
D’autre part, il faudra rendre le cours d’écologie obligatoire de la maternelle jusqu’en sixième année des humanités de telle sorte que les décideurs de demain soient mieux outillés pour comprendre l’importance de l’écologie, parce que souvent on pollue plus par manque d’information. C’est par méconnaissance de l’importance de l’écologie. Il faut donc une action mieux coordonnée et suivie parce que ce ne sont pas des lois qui manquent en RDC, c’est leur application qui pose problème. Nous devons donc coordonner toutes les lois existantes en RDC et coordonner les actions écologiques de telle sorte que nous puissions conscientiser la population à pouvoir s’impliquer et aussi à avoir gain de cause de tout ce qui est dû à l’environnement.