Souvenir : Miriam Makeba, il y a sept ans déjà !

Vendredi, Novembre 13, 2015 - 10:00

Le 9 novembre 2008, celle que l’on surnommait Mama Africa est presque morte sur scène, à Castel Volturno en Italie, en s’effondrant après avoir chanté trente minutes lors d’un concert en soutien au réalisateur italien. Miriam Makeba avait alors 76 ans, laissant derrière elle un héritage musical et humain passionnant. Elle était l’une des plus grandes voix d’ethno-jazz et considérée comme une militante de première heure dans la lutte anti-apartheid.

Zenzile Makeba, de son vrai nom, est née en 1932 à Johannesburg. Son surnom Zenzi, traditionnellement donné pour l'encourager à lutter contre les difficultés de la vie signifie en Xhosa « Tu ne peux blâmer personne pour ce qu’il t’arrive à part toi », une ironie du sort pour cette vie rythmée d’injustices, de combats et de drames. L’enfant n’a que quelques jours lorsque sa mère est condamnée à six ans de prison pour avoir fabriqué illégalement de la bière. Son père meurt cinq ans plus tard. L’année de ses 16 ans, les nationalistes afrikaners gagnent les élections et marquent le début de l’apartheid. Zenzi connaît la misère et enchaine les petits boulots, de nourrice à laveuse de taxi. Elle n’oublie pas les cours de chants pris à Pretoria et les conjugue à l’éveil de sa conscience politique. Elle donne naissance à une fille Bongi avec son premier mari James Kubai à l’âge de 17 ans.

La jeune femme prend la mouvance du mbube et commence à chanter avec les Cuban Brothers, puis devient choriste pour les Manhattan Brothers qui lui donnent le nom de Miriam et l’emmène faire des tournées américains. La chanteuse gagne en notoriété et intègre parallèlement The Skylarks avec qui elle enregistre une centaine de titres. À mesure que Miriam Makeba chante, sa lutte s’affirme, son succès grandit et ses messages trouvent un écho. En 1956, Makeba écrit la chanson Pata Pata qui lui ouvrira un bon nom à nombre de frontières lors de sa sortie en 1962. Elle devient ainsi la première porte-parole de la musique africaine, jusqu’à devenir une icône du genre. Mais l’artiste militante dérange et son apparition dans le film anti-apartheïd « Come Back, Africa » du cinéaste américain Lionel Rogosin marque le coup de grâce. Nous sommes en 1959 et Miriam Makeba se fait exiler, elle ne pourra même pas assister aux obsèques de sa mère un an plus tard.

31 ans d’exil

La chanteuse vit son exil dans une dizaine de pays, aux États-Unis, en Europe et en Guinée et poursuit ses combats autant que son art. Miriam Makeba chante pour communiquer des valeurs de tolérance, de paix, d’unité et d’égalité, elle défend les droits civiques à la tribune des Nations Unies, chante à la télévision, aux célébrations d’indépendance du Kenya ou de la Côte d’Ivoire et se fait ambassadrice de la musique du continent.

En 1965, elle est la première femme noire à obtenir un Grammy Award, partagé avec le chanteur Harry Belafonte pour leur disque commun, « An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba ». En 1969, Miriam Makeba épouse Stokely Carmichael, l'un des chefs des Black Panther américain, figure contestée de la lutte pour les droits civiques. En résultent de nombreux démêlés avec la justice qui l’obligeront à s’exiler en Guinée. Miriam Makeba connait à cette époque un passage à vide : elle divorce, perd sa fille Bongi en 1985 et sombre dans la dépression. Cette année-là elle est faite Chevalier des Arts et Lettres par la France.

Makeba, titulaire d’une dizaine de passeports, s’installe en Belgique et connaît un nouveau succès mondial en 1987 en participant à l'album Graceland de Paul Simon. En 1990, Nelson Mandela est libéré de la prison et la convainc de revenir en Afrique du Sud, chose faite, avec un passeport français.

Elle continue à s’impliquer dans plusieurs causes et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture la désigne comme ambassadrice de bonne volonté. D’un point de vue artistique, elle jouera dans le film Sarafina! sur les émeutes de Soweito paru en 1992 et reviendra en studio d’enregistrement en 2000 pour livrer "Homeland", un album sur son retour au pays, célébration de ses racines.

En 2005, elle annonçait la fin de sa carrière tout en continuant à défendre ses causes. Parmi elles, son soutien à Roberto Saviano traqué par la mafia après son film Gomorra. 

Morgane de Capèle
Légendes et crédits photo : 
Photo 1: Décédée à l'age de 76 ans, Myriam Makeba a laissé derrière elle un héritage musical et humain passionnant. Photo 2: Miriam Makeba en studio dans les années 1960. Photo: Michael Ochs Archives/Getty Photo 3: "Homeland", son dernier album
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