Bamako : Retour sur la biennale de la photographie africaine

Vendredi, Décembre 18, 2015 - 17:00

Après 4 ans d’absence depuis sa dernière édition de 2011, la Biennale de la photographie africaine est de retour dans la capitale malienne sous le thème : « Telling time, Conter le temps».

Bamako est toujours sous le choc mais demeure extrêmement vivante et bouillonnante. Exceptés les jardins qui abritent le Musée national. Un vrai coin de paradis où l’on entend les oiseaux chantés. C’est ici que se retrouvent depuis 20 ans les meilleurs photographes du continent.  La biennale a été créé en 1994 par l`AFAA, une association qui, après plusieurs mutations a intégré l’Institut français à travers son programme Afrique et Caraïbes en création.

Pour cette édition, la nigériane Bisi Silva qui dirige le Centre for Contemporary Art, à Lagos, a été désignée Commissaire générale. A Lagos, cette passionnée, organise de nombreuses expositions visant à valoriser la scène artistique locale et internationale. Cette édition des Rencontres photographiques de Bamako explique-t-elle « explorent les relations complexes et protéiformes entre les images et le temps. S’inspirant à la fois de la riche tradition orale du Mali et des bouleversements récents de ce pays, elle interroge les procédés utilisés par les artistes pour raconter leurs expériences, réelles ou imaginaires, du temps. ». Ainsi, Telling Time, thème de cette édition offre ajoute-t-elle « une multiplicité de perspectives permettant de mesurer le rôle de convoyeur des pratiques photographiques en Afrique. Ici, les artistes s’emparent des liens imprévisibles et substantiels qui peuvent exister entre l’action politique, l’expérience sociale et l’expérience esthétique ».

En effet, ces rencontres considérées comme celle du retour, portent un projet artistique qui s’articule autour de la narration du Temps. « Les photographes sont invités à raconter l’Afrique non pas à travers une vision superficielle des choses mais dans une tentative d’aller, par l’image, dans la profondeur de la réalité de leurs temps. Cette approche permet de créer un lien entre le passé, le présent et le futur du continent. Elle s’adapte parfaitement aux bouleversements récents qu’ont connu le Mali ainsi que l’Afrique du Nord avec les Printemps arabes ou, plus récemment, le Burkina Faso ».

Ainsi, 39 photographes et vidéastes ont été invités pour la première fois à exposer  dans le musée. Une première pour la biennale qui s’achève ce 31 décembre.

Les organisateurs ont reçu un total de 800 dossiers de candidatures en provenance des 54 pays africains et de la diaspora soit quatre fois plus qu’en 2011.

L’exposition principale de la biennale, Telling Time, présente les travaux de trente-neuf artistes contemporains originaires de plus de quatorze pays, S’inspirant de la forte tradition culturelle du Mali en matière de récit, l’exposition examine comment les artistes d’aujourd’hui utilisent la photographie ou la vidéo pour rendre compte des concepts du temps, de leurs redéfinitions, et de leurs réinterprétations dans et au-delà des strictes distinctions entre passé, présent, et futur.

Grâce à des stratégies telles que : l’enquête sur l’archive, le reportage et l’exploration de l’histoire, la performance et la fiction ou encore l’architecture, les œuvres exposées offrent une multiplicité de perspectives permettant de s’interroger sur les raisons pour lesquelles ce concept de temps demeure aussi primordial pour agencer l’expérience humaine – et ce malgré les récents événements sociopolitiques qui rendent le temps lui-même si fragile et instable.

Cette année la Biennale se penche aussi sur la problématique de la préservation des archives de photographes en Afrique. Une rétrospective du photographe nigérian J.D. Okhai Ojeikere (1930-2014) reconnu internationalement pour ses éblouissantes photographies de coiffures nigérianes néo traditionnelles. Il est le photographe qui a produit d’abondantes archives photographiques durant une carrière qui s’est étendue sur plus de six décennies. De ses analyses, des modes et cultures capillaires à ses prises de vues d’architecture, cette exposition étudie les investigations photographiques d’Ojeikere au Nigéria par le biais de la subjectivité individuelle et des aspirations nationalistes à l’époque moderne.

Le fils du photographe et Bisi Silva ont fait un travail incroyable de préservation et classification de son archive.

La biennale a également rendu un hommage inédit au célèbre photographe nigérien Philippe Koudjina Ayi, lui aussi décédé en 2014. Célèbre chroniqueur des nuits “folles” à Niamey dans les années 70, Philippe Koudjina Ayi est l’auteur d’une œuvre remarquable qui explore les fêtes, le monde de la nuit, la vie quotidienne…Toutes les multiples facettes du Niger contemporain dont les archives sont malheureusement inexistantes.

Le prix Seydou Keita été décerné au photographe nigérian Uche Okpa-Iroha pour son oeuvre The Plantation Boy. L’œuvre La vie après la mort de George Semba de Lubumbashi a également reçu le prix Léon l’Africaine de Royal Air Maroc.

Membre du Collectif Elili, Jean Eloge Semba a exposé pour la première fois sa série de 15 photos sur les décombres de Mpila. Jean Eloge imagine une exposition à Brazzaville quand les sensibilités des proches des victimes le permettront.

 

 

 

Sasha Gankin
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