Hommage à Papa Wemba : L’épopée d’une légende

Vendredi, Mai 6, 2016 - 11:45

Nous sommes au plus chaud de la seconde guerre mondiale. La France est prit dans l’étau de la wehrmacht. Le maréchal  Pétain capitule et signe l’armistice de la France à Rethondes . Le général De Gaulle alors sous secrétaire d’état à la défense  s’enfuit en  Grande Bretagne.  Lorsque ce géant rencontre  Sir  Winston Churchill pour la première fois, l’échange n’est pas des plus courtois. Emmitouflé dans un costume à carreaux sur une chemise à raillures  et une cravate  rouge a pois,  le  général français dit ouvertement à son hôte, qu'il  ignorait que  Londres ressemblait à un grand cirque. Et monsieur le prime ministre de répondre « je n’aimerais pas m’habiller comme un soldat inconnu ». Voilà lancée le 16 juin 1940, la  problématique sur le code vestimentaire moderne.        

En effet, c'est 38 ans après qu'arrive la réponse. Ceci par l’émergence d'une société des ambianceurs et des personnes élégantes dit la sape. Ce phénomène prit corps dans les quartiers populaires de Brazzaville avec un fort enracinement à Bacongo et  de fil en aiguille se répand à Kinshasa précisément ,vers 1982. C'est   un natif du village tshombe, sur la terre des Atetela, dans le Sankuru au Kasai ,en République du Zaïre , qui prit rapidement la mesure de la chose et la porta très haut . C'est à juste titre que toutes les bouches sur les deux rives du fleuve congo s’accordent pour faire de lui le roi de la nouvelle religion. Seul son nom suffit pour mettre tout le monde d’accord. Ainsi, le code vestimentaire de la nouvelle élégance est lancé.  Désormais, en s habillera en y tenant compte. Il remit les pendules à l'heure.                    

Qui est donc ce monsieur ?          

De son vrai nom Shungu Wembadio Pene Kikumbi Jules, papa wemba est né le 14 juin 1949. Arrivé très jeune à Kinshasa avec sa mère maman Nyondo, le jeune garçon a effectué ses études primaires à l’école de matonge.  Fervent catholique, il intègre rapidement la chorale paroissiale de l’église  catholique saint Joseph de Matonge, où  le  « kid» fît ses premiers pas comme chantre et parfait sa technique de chant. Lorsqu'il atteint sa majorité, il effectue un bref passage à stukas auprès de Libeki Lita Bembo,  avant de créer en compagnie de ses compères   Pepe Manuaku  Waku et Roger Nyoka  Longo, l’orchestre  Zaiko Langa Langa en 1970. Ensemble musical dont il fît défection très vite.  Avec son copain Mavuele Somo, ils créeront Isifi Lokole et ensuite Yoka Lokole  avec Machakado Mbuta et Bozi Boziana.

De mésentente en mésentente, le groupe se disloque. C'est en 1976, qu'il créera son orchestre Viva la musica et, fit sa sortie officielle le 24 février 1977 sur la chaîne de la télévision nationale du  Zaïre. Cette dénomination lui viendrait du concert du musicien  haïtien  Coupé  Cloué , auteur du succès planétaire « allez, allez» qui lors d’un  show, dans l’allégresse et parfaite symbiose avec son public aurait lancé le cri « che viva la musica». C’est ce substantif que le dandy de Kinshasa adoptera comme raison sociale de son orchestre.                             

Dynosaure de la musique congolaise                                         

Aussi, ce chanteur a eu une carrière bien remplie, riche en tubes et en rebondissements. Sa prolificité a fait de lui l’un des artistes le plus prolifique de sa génération. Près de 100 albums à son actif.  Ce dinosaure a plusieurs facettes est un personnage absolument difficile à cerner.                   

 Abordant son côté humaniste, Grand Bokul a été sur tous les fronts. Il a fait chorus à toutes les causes nobles de son temps. Il a stigmatisé la traite négrière ainsi que l’apartheid qui sévissait encore en Afrique du Sud dans les années 80. Ces deux idéologies deshumanisante et ignobles dont l’humanité porte encore des séquelles n’ont pas échappé à sa voix dans son titre « liberté ». Il se présentait sur la pochette de  l’album les mains dans les fers , symbole de l’enfermement et de la souffrance de toute une race, mis sur le  compte de la bêtise humaine.

A la suite de Luambo Makiadi, il fit sienne la lutte contre le Sida. Il a participé activement à l’écriture du texte de la chanson et a également donné de la voix, en une prestation qui force le respect. Il a pris parti pour la lutte contre la fièvre hémorragique Ebola. Une pathologie virulente et dévastatrice qui par malheur, porte le nom d’un cour d’eau situé dans la région de l’équateur à quelques encablures de sa terre natale.

Le king Ekumany a valorisé les enfants de la rue et interpellé les parents à prendre conscience de ce fléau qui tire la société vers le bas. Il a valorisé les personnes avec handicap, les incitant au travail. Avec le programme national de la santé de la mère et de l’enfant de la Rdc, il a chanté pour exhorter les parents à respecter le planning familial. Les priant d’espacer les naissances des enfants de deux à trois ans, dans un esprit d’amour et de compréhension mutuelle.

Il a chanté aux côtés de Youssou  Ndour, Manu Dibango, Alpha  Blondi, Salif  Keita et autres  pour sensibiliser à la lutte contre la sécheresse et la famine en afrique avec le célèbre refrain « pourquoi la faim africa oh oh ». Il n’était pas du reste pendant le lancement  de la monnaie nationale le Franc congolais par Mzee Laurent Désiré  Kabila.  La monnaie nationale, symbole d’unité, d’indépendance et de fierté nationale vers les années 2000.

Wemba a chanté le grand congo qui va, de Lubumbshi à Pointe Noire, de Souanke à Mungbara. Ces deux pays à cheval sur l’équateur, baigné par le majestueux fleuve congo à travers sa chanson « ebale ya congo » insistant sur l’unité nationale l'amour de la patrie et l’amitié entre les peuples.

Il fût un grand séducteur, ce n’est un secret pour personne. Il tire sa révérence en laissant ainsi une progéniture de 33 enfants connus et plusieurs petits fils, en bon chef coutumier. Notant que le roi wemba avait adopté quelques uns . Certainement sur les traces de son père qui lui-même  avait quatre épouses et une belle cour d’école. Bon sang ne saurait jamais mentir.                                  

Il adorait presque sa mère. Sa chanson « mama » en est une parfaite illustration.  Jolie dédicace Et au-delà de sa mère , elle est devenue l »hymne par excellence des mamans, chanson  emblématique  de la journée du 8 mars dans les deux congo.                                                                        

Également, ce  personnage comptait parmi ses idoles,  Martin Luther King, Nelson  Madiba Mandela, E. P. Lumumba, Robert Marley, Mere Theresa, L abbe Pierre. Desmond Tutu,  Indira Ghandi ,Nkuame krumah et avait un profond respect pour la mama africa  Myriam  Makeba et adorait la façon de nouer la cravate  de Laurent Fabius. Dixit: «sa façon de nouer sa cravate, ça me  parle». Ce phénoménal homme -orchestre a su tailler sa place dans du roc. Il était fait de l’étoffe des grands.                                                                                             

Aussi, Il fut peintre, et a vendu quelques tableaux. Ces tableaux se situaient entre le surréalisme et le classicisme. Si le grand Picasso s’est inspiré lui-même de la sculpture et de la peinture de chez lui, de quoi aurait-il honte. « Qui n'a pas imité ne sera jamais original » avait dit Victor Hugo.  L’artiste en compte encore quelques-uns dans un coin de son atelier kinois, dans sa résidence de ma campagne.                                                                               

Acteur hors pair, il a donné une prestation au sommet de son art dans le film la vie est belle avec la jolie Brigitte krubi dit kabibi, dont ils ont partagé la vedette. Glorifiant la débrouillardise et cultivant le sens des objectifs. Ce film restera un classique de du cinéma Congolais. Il a su exporté tout un pays, sinon son art dans un pays lointain. Dernièrement encore, suivant Africanite, émission présentée par Amobe Mevegue sur tv5, l’artiste parlait de son expérience au pays du soleil levant. Et du « la» qu'il a donné pour faire aimer la musique congolaise aux japonais. C’était hallucinant de voir un nippon parlé kinois, et avoir sur sa carte de menus, le matembele, un légume très prisé en rdc.

La prestance, la force de caractère, son charme et son charisme planait comme une nuée dans le studio parisien. Dans un élément, un nippon parlait avec nostalgie de son séjour initiatique à la rumba congolaise aux village molokai. Son aura avait dépassé l’étendue de son pays. Ce fut une star planétaire et un musicien intergénérationnel.

L’annonce de sa mort et de ses obsèques sur la chaîne de télévision arabophone Al jaazeera  et la chaîne d'information américaine CNN en est un témoignage éloquent.    

Il sied de signaler que le kuru Yaka fut le créateur des idoles. A ses côtés, on a vu défilé de grandes stars dont il a accordé la chance et propulsé dans le domaine musical. On peut citer: Emeneya kester dit le king, Redy Amisi , Luciana,  Awilo, Djo Cataps, Maray, Lidjo kuempa, Asta Paola pour ne citer que ceux-là. C’ était le chef coutumier du village molokai. A ce titre il avait la charge d’orienter, guider, aider et encourager ses poulains. Un jour, ayant reçu un jeune étudiant venu passé un teste d’intégration dans le groupe. Après sa prestation. Il le prit à côté et le conseilla de repartir au campus. Pas parce qu'il n'avait pas de talon mais, il avait perçu quelque chose d’autre en lui. Poser la question au professeur luzolo bambi, il vous répondra à coup sûr.          

L’artiste africain le plus photographier  

Quant à sa discographie, elle est plus qu' abondant. Près de 100 albums, 1000 chansons et featuring. Il dirigeait à la fois viva la musica aile Kinshasa, viva international et papa wemba. Il a encouragé Felix Wazekua et Karmapa d’embrasser une carrière musicale. Sa musique de prédilection fut la rumba mais, ne manquait pas de faire un clin d oeil à la salsa, au slow, au Rhythm and blues, à la pop musique,au gospel sans oublier le folklore Tetela d où il puisait son énergie. Il a accordé plus de 1000 interviews aux journalistes à travers le monde et a participé à moult plateaux télévisions ou radio pour parler de la sape ou de sa musique. C'est l’artiste africain le plus photographier   de son temps et le troisième dans le monde après Michael Jackson et James Brown.

Bookul aimait chanter, c’était son job. Un jour répondant à un confrère ivoirien il disait: « je me sens bien sur scène. C'est comme si je plane. C'est peut-être l’énergie du public. Oui, je ne sais pas, peut-être que je partirai comme ça, devant mon public». C'est précisément dans ces conditions que le roi de la rumba s’en est allé.                                           

Ekumany était un homme de bon goût qui affectionnait Wolfgang amadeus Mozart, écoutait Julio Iglesias et Edith  Piaff, partageait la scène avec Peter Gabriel et savait imiter les voix de rochereau et  Tino Rossi et écoutait attentivement les chansons de Lutumba. Il adorait contempler les tableaux de Pablo Picasso, arborait les griffes de haute facture et s’intéressait au folklore tetela. La preuve, il a intégré le lokole dans la musique congolaise moderne.                                

Enfin, au delà de l'opulente discographie que la star lègue à la postérité et idéaux  qu'il a su partager aux générations qui l’ont  environnées, ce géant nous convie à pratiquer l’amour à l’instar de Martin luthier king, de Mandela et de Malcom x.  Il lègue aussi un caractère. « Ne jamais abdiqué, jusqu'au sacrifice  suprême. »       

C’est  ainsi qu'il a tiré sa révérence à Abidjan, sur scène, ce 24avril 2016 en plein exercice  de sa passion. Élevé à titre posthume par le raïs Kabila Kabange, au rang de  grand officier dans l’ordre national des héros nationaux , Jules presley a été inhumé ce mercredi 04 mai à Kinshasa,au cimetière du nécropole entre ciel et terre, après une  messe de requiem dite en la cathédrale notre dame de lingwala par l’archevêque de Kinshasa, monseigneur Laurent Mosengwo Pasinia.

Appelé au repos éternel, il gît aux Champs-Elysées prrès à prendre place au panthéon, aux côtés de James Brown, Dalida, Myriam Makeba , Elvis presley , Tabu  Ley, Franklin Boukaka ainsi que tout le beau monde .

Merci Papa  Wemba. Tu auras tout donné.  Ces hommages qui te sont rendus sont à hauteur de ta grandeur.  Que ton âme repose en paix.

Alain Zoka
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