Merjeline Ndombi Bouya est chef de service à la direction départementale de la Promotion de la femme dans le Kouilou. Elle fait l’état sur la situation de la jeune fille dans ce département.
Les Dépêches de Brazzaville : Quelles sont vos différentes missions en qualité de chef de service promotion de la femme ? Est-ce que votre travail consiste seulement à faire connaître aux femmes du Kouilou leurs droits ?
Merjeline Ndombi Bouya : Nous parlons des droits de la femme oui. Mais nous prenons en compte également tout ce qui concerne la femme et la jeune fille en zone rurale, particulièrement dans le Kouilou.
L.D.B. : Vous vous intéressez aux jeunes filles rurales ? quel est le message que vous leur apportez.
M.N.B. : Le message que nous apportons aux jeunes filles du Kouilou est de ne pas se lancer dans les mariages précoces et à la sexualité. Mais elles doivent plutôt chercher à se former en vue de se prendre en charge dans l’avenir. »
L.D.B. : Actuellement vous organisez des descentes dans différents villages de ce département pour éduquer les jeunes filles. Quelle lecture faites-vous de la vie de la jeune fille du Kouilou.
M.N.B. : La vie de la jeune fille rurale est très menacée. Dans ce sens que la plupart ne sont pas scolarisées. Faute des moyens financiers et du manque de soutien, à telle enseigne qu’elles se lancent très tôt dans la sexualité dont les conséquences sont très désagréables comme des grossesses précoces. Et certaines, à cause de la pauvreté, deviennent des agents dans les maisons de passe dont elles sont employées nuit et jour.
L.D.B. : Vous venez de dire que la jeune fille au Kouilou a une vie sexuelle accélérée. Pouvez-vous justifier cette information ?
M.N.B. : Lors de nos descentes dans ces villages, nous avons rencontré des jeunes filles dont l’âge varie entre 13 à 20 ans qui ont trois enfants. Nous avons cherché à savoir la cause de ces grossesses en cascades et des naissances accélérées. C’est la méconnaissance du planning familial et des méthodes contraceptives. Ces filles ne sont pas encadrées dans le domaine sexuel et elles ont personne pour les en parler.
L.D.B. : Que fait l’État pour remédier à cette situation ?
M.N.B. : Nous organisons des formations, des sensibilisations, des causeries débats sur la planification familiale et nous interpellons les adolescentes à l’abstinence. Chose qui n’est pas toujours facile. Du fait qu’elles se disent au cas où elles s'abstenaient, elles n’auront rien à manger. La commercialisation du sexe prend de plus en plus de l’ampleur dans certains villages du Kouilou.
L.D.B. : Ces multiples sensibilisations ont-elles changé la conduite de ces jeunes filles ?
M.N.B. : Vraiment, c’est avec beaucoup de désolation que je le dis. La situation perdure. Bien que nous fassions des efforts, les jeunes filles qui se sont lancées dans cette vie sont devenues les maîtresses de leurs cadettes et de leurs sœurs. Elles incitent ces dernières à suivre leur pas. Du coup le poids de la sensibilisation, les fruits que nous attendions nous ne les avons pas encore obtenus pour l’heure.
L.D.B. : Que faut-il faire pour arrêter définitivement cette hémorragie ?
M.N.B. : Nous sollicitons de l’État la création des centres de formation dans ces villages ou dans les différentes sous-préfectures, de telle sorte que les jeunes filles puissent être occupées, qu'elles puissent prendre un peu leur avenir en main. Que l’État crée des ateliers de couture, de coiffure, de savonnerie ou de fumage de poissons. Pourvu que la jeune fille puisse se former et demain qu’elle soit capable d’exercer une activité génératrice de revenu. Cela l'empêchera de se lancer à la commercialisation de son sexe.