Intitulée « Diesel Sal », une enquête de l’Ong Public Eye dévoile comment certains Traders suisses écoulent du carburant toxique en Afrique.
L’enquête qui a duré trois ans, perce le mystère d’une distribution d’un carburant nocif en Afrique par certains géants suisses du négoce du pétrole. Elle tire la sonnette d’alarme : « les carburants écoulés en Afrique ont une teneur en soufre entre 200 et 1000 fois plus élevée qu’en Europe, mettant gravement en péril la santé de populations exposées aux particules fines et à d’autres substances chimiques cancérigènes ».
L’enquête concerne 8 pays africains, dont 2 d’Afrique centrale (Congo Brazzaville, Angola) et 6 pays d’Afrique l’Ouest (Bénin, Ghana, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal et Zambie). Les grandes villes africaines pâtissent déjà d’une mauvaise qualité d’air et d’une urbanisation préoccupante, dans un continent qui va tripler sa population urbaine d’ici à 2050, et augmenter le nombre de véhicules. Appelé « qualité africaine », ce pétrole est très rentable dans le marché parallèle et opaque.
L’objectif de ces traders est de « faire un paquet de dollars » sur le dos de l’Afrique.
Pour augmenter leurs profits, ils effectuent des mélanges avec des produits toxiques nocifs à la santé et à l’environnement. Ces opérations se font à quai des ports d’Amsterdam, Rotterdam et Anvers, sous le jargon ARA. Un hub d’où partent près de 50% de produits pétroliers exportés vers l’Afrique de l’Ouest, selon les Nations unies.
C’est un carburant invendable ailleurs qui est écoulé sur le continent africain depuis des années. Le transport se fait en général par des navires en fin de vie. Les grands manitous de ce « diesel sale » ont acquis une position dominante sur l’importation et la distribution de produits pétroliers. Leur empire est également doté d’infrastructures stratégiques de stockage et de réseaux de stations Essence.
Ces groupes, au nombre de trois, disent respecter les normes en vigueur, vantant les efforts fournis par l’ARA (Association des raffineurs africains), une organisation basée à Genève, dont ils sont membres, pour améliorer la qualité du carburant qu’ils importent, mélangent, avant de le revendre et le distribuer sur le continent.
Les raffineries africaines sont vieillissantes et insuffisantes ; la totalité de la production du pétrole continent est exportée en Europe et aux Etats-Unis. A l’inverse, la majorité des produits pétroliers raffinés est importée. Ce qui constitue un comble pour les pays comme le Nigeria, et l’Angola, les deux grands producteurs de l’or noir du continent. A Lagos, capitale économique du pays, les habitants respirent 13 fois plus de particules fines qu’à Londres.
Pour le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement (Unep), Erik Solheim, l’approvisionnement des Pays en développement en « carburants de piètre qualité est inacceptable ». Il appelle à « se débarrasser de vieilles et sales substances [en Afrique] ».
En matière de législation. Force est de reconnaître que les législations nationales restent souples, et le taux de soufre autorisé varie d’un pays à un autre, et les exigences réglementaires relèvent plutôt des décisions gouvernementales et non de sociétés d’approvisionnement.
Même si « ce n’est pas illégal, [ces mastodontes de l’or noir] en profitent pour industrialiser un processus de production de carburants hautement toxiques spécialement pour le continent africain », rétorque Public Eye.
Une feuille de route visant à améliorer la qualité de l’essence et du diesel en Afrique d’ici à 2030 serait établie par l’ARA en lien ave l’Unep et la Banque mondiale.