La technosphère, vous connaissez ?

Jeudi, Décembre 8, 2016 - 12:00

L’atmosphère, la troposphère et la stratosphère sont des composantes naturelles de l’environnement de l’homme, mais la technosphère est son invention.

Il y a des données techniques qui se croisent et qui s’expliquent l’une par l’autre. Concernant l’environnement de l’homme, l’ONU qui se bat contre le réchauffement climatique vient de révéler qu’en seulement 20 ans, la terre a perdu 4 millions et demi de kilomètres carrés d’habitat naturel. L’équivalent des deux-tiers de l’Australie a été saccagé par l’activité de l’homme en 20 ans d’agression contre les formes naturelles de vie, étendues ou quantités. Forêts, fleuves, océans, montagnes, prairies naturelles reculent ou s’altèrent du fait de la frénétique activité de l’homme.

C’est à Cancún, au Mexique, où se tient la conférence de l’ONU sur la biodiversité que ces données ont été présentées avec angoisse cette semaine. La destruction de l’habitat naturel de l’homme, de la faune et de la flore, a désormais dépassé de loin la capacité de sa protection ou de sa régénération. L’homme détruit plus qu’il ne protège son environnement, et toutes les sociétés, des plus industrielles aux moins développées, sont absolument en cause. Toutes sont invitées à la lutte pour la conservation de ce que le pape François appelle « la maison commune ».

Soit. Mais, soulignent d’autres chercheurs - des Britanniques de l’université de Leicester - l’habitat de l’homme aujourd’hui est de moins en moins naturel, de plus en plus artificiel. L’homme vit dans la technosphère ! Ce concept lancé par l’écologiste (ingénieur des mines !) russe Vladimir Vernadsky dans la première moitié du 20e siècle reprend de la vigueur aujourd’hui et désigne tout ce qui est fabriqué par l’homme et qui l’entoure. Et, selon les chercheurs de Leicester, nous serions aujourd’hui dans un environnement composé de… 30.000 milliards de tonnes de matériaux artificiels !

Le calcul, selon eux, serait des plus simples. À partir de nos maisons jusqu’au smartphone, nous vivons avec ou dans un environnement qui n’est pas celui laissé par les premiers humains. À raison de 50 kg de matières artificielles tous les mètres-carrés de superficie terrestre, le compte est vite fait. Du matin jusqu’au coucher du soleil (qui lui est bien naturel, pour le moment !), l’homme ne vit que dans et avec ce qu’il a inventé lui-même au fil des siècles! «La technosphère, explique le Pr Jan Zalasiewicz, comprend toutes les structures que l’homme a construites pour rester en vie : des maisons, des usines, des mines, des routes, des aéroports, des systèmes informatiques et le tout avec leurs dérivés en déchets et rejets » !

Le poète Victor Hugo a écrit : « Dieu a créé la vigne, mais c’est l’homme qui a fait le vin ». Impertinence juste, qui s’applique bien à la réalité de la technosphère aujourd’hui. Car, estime le Pr Zalasiewicz, la technosphère pourrait être la mesure de comment l’homme a réussi à redessiner la planète, la faisant évoluer vers une autre véritable ère géologique nouvelle : l’anthropocène. Et tout comme les ères passées, glaciaire ou de la pierre taillée par exemple, celle-ci a déjà ses fossiles, « qu’on appellera dans ce cas des ‘technofossiles’ ».

La technosphère a produit une quantité énorme de matériaux qui, au fur et à mesure qu’ils sont délaissés ou ne correspondent plus aux besoins du moment, « pourraient être préservés pour représenter l’unité de mesure technofossile qui caractérisera et datera l’anthropocène », affirme le professeur. Ces fossiles vont du téléviseur à papa d’hier, à l’électrophone ou au walkman ; du stylo à bille à la machine à écrire. Le téléphone filaire en fait aussi partie, tout comme notre dernier modèle de I-Phone. Parce qu’il sera démodé et désuet dans moins de dix ans. Donc à jeter à la poubelle, parce qu’il aura autant de pertinence qu’une pellicule photo face aux pixels de notre appareil digital  du moment!

Lucien Mpama
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