Spécialiste des questions de terrorisme, Yves Trotignon pense que le Sahel, à travers « Serval », est en passe de devenir un cas d’école de la lutte contre le terrorisme « regroupant tous les ingrédients d’un échec inévitable ».
Après avoir longtemps nié, ou du moins sous-évalué la militarisation de la menace djihadiste, la France a choisi, en janvier 2013, d’intervenir directement au Mali contre Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et ses alliés locaux afin de restaurer l’intégrité territoriale du pays, explique Yves Trotignon. Déclenchée dans l’urgence, l’opération « Serval » ne visait pas tant à éteindre une menace terroriste qu’à vaincre sur le champ de bataille une coalition de groupes de guérilla qui, quelques mois plus tôt, avait elle-même défait l’armée malienne.
Face à des djihadistes déterminés et aguerris, l’armée française, épaulée par des soldats tchadiens, parviendra en trois moins, à réduire les velléités de ces groupes et à contraindre les autres à passer dans la clandestinité ou à leur dispersion. Un succès salué par Yves Trotignon. Le président français, François Hollande, déclarera : « l’objectif n’était, ni plus ni moins, que de remporter une victoire nette ».
Yves Trotignon note toutefois de « réelles faiblesses » dès le déclenchement de l’intervention française. « La victoire militaire, en effet, ne vaut que si elle s’accompagne de la reconnaissance par l’adversaire de sa défaite et, partant, de l’ouverture de discussions politiques. Vaincus, AQMI et ses alliés le furent, et sèchement, mais allait-on discuter avec eux des termes de la paix ? ». « Serval » ne déboucha donc pas sur l’abdication des djihadistes », regrette-t-il.
La réponse politique à la crise fut finalement discutée à Alger, des accords discutés. Ceux-ci, avec raison, écartèrent les mouvements terroristes des discussions. Consciente du caractère régional de la menace, la France, en juillet 2014, transformera « Serval » en un dispositif militaire, Barkhane, couvrant cinq Etats du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad) afin d’y poursuivre la traque des éléments d’AQMI et de ses émanations.