Pollution lumineuse : On n’y prête pas attention !

Vendredi, Juin 16, 2017 - 13:45

De nos jours, les points lumineux ne cessent de se multiplier. Dans les villes les plus éclairées, le phénomène dit « photopollution » ou « pollution lumineuse » s’est amplifié en véritable nuisance. Attention : éteignons les lumières…

La pollution lumineuse est une forme de pollution assez peu évoquée car à priori peu néfaste pour la santé lorsqu'on la compare aux pollutions plus classiques : déchets, smog urbain, eaux souillées... Pourtant, la pollution lumineuse n'est pas sans conséquences sur le vivant et peut-être facilement réduite.

Allumer un réverbère sur deux les nuits de clair de lune : est l’une des solutions pour limiter ce type de pollution. Dans les pays en développement, cette pratique, certes involontaire, a vu le jour grâce aux délestages récurrents qui minent les grands centres urbains. Bien que cette absence d’électricité ne soit toujours pas salutaire pour les habitants, cette pratique est loin d’être une opération liée à des soucis d’économie, ni même à la pollution lumineuse.

C'est pourquoi en 1992, l'Unesco consacrait, dans sa déclaration des droits pour les générations futures, un volet spécifique au droit et à la conservation du ciel et de sa pureté : « les générations futures ont droit à une Terre et à un ciel non pollués ». En 2002, les Congrès de Venise et de Lucerne lançaient des appels aux gouvernements mondiaux pour la sauvegarde du ciel nocturne. Actuellement, l'ONU envisage de considérer le ciel étoilé comme « patrimoine commun de l'humanité ».

Identifier la pollution lumineuse

La pollution lumineuse est particulièrement visible lorsque le ciel est couvert par des nuages bas : ceux-ci réfléchissent et dispersent la lumière sur des kilomètres. Ainsi, le ciel semble rose / orange foncé. C'est particulièrement visible dans les villes et agglomérations. Normalement, le ciel devrait être entièrement noir, ou seulement éclairé par la Lune.

Par moment clair et hors de la ville (campagne, forêt...), le ciel est bien plus noir qu'en ville et l'on peut facilement repérer la présence, dans un coin de ciel, d'une grande ville par le changement de teinte du ciel qui devient rose pâle et s'éclaircit. Conclusion : la terre brille dans la nuit, mieux les villes sont visibles de l’espace.

Les effets sur la santé humaine

La quasi totalité des organismes ont une biologie dépendante de leur rythme circadien (cycle biochimique de 24 h) basé sur l'alternance jour / nuit. La présence de lumières dans la nuit perturbe ce rythme et peut affecter notre santé. De nombreuses études mettent en évidence des conséquences immédiates pour notre sommeil. Ainsi, l'effet le plus évident de la lumière nocturne est de troubler le sommeil. C'est pourquoi, il est essentiel de ne pas introduire de lumière dans les chambres pour bien s'endormir !

La présence ininterrompue de la lumière peut également entrainer une perte de densité osseuse et des muscles, l’obésité. Il est également à l’origine de l’augmentation actuelle des cancers…

Effets sur la faune et la flore

Le « suréclairage » est la cause première de la disparition d'espèces d'insectes. Ainsi, les populations d'insectes nocturnes et pollinisateurs sont décimées. Ce phénomène gêne et désoriente les oiseaux migrateurs : près d'un million d'entre eux en meurent chaque année selon Marc Théry, chercheur au laboratoire d'écologie générale. De nombreuses autres espèces sont victimes de la pollution lumineuse : chauve-souris, tortues marines, escargots (horloge interne déréglée) ; tandis que d'autres en profitent comme les pigeons et les moineaux.

Sur la végétation, la pollution lumineuse fait dégénérer de façon précoce les espèces. Briggs (2002), identifie plusieurs processus directement affectés par la lumière et donc pouvant être potentiellement perturbés par l'éclairage artificiel : la germination, la croissance, l'expansion des feuilles, la floraison, le développement des fruits et la sénescence.

Conséquences énergétiques et économiques : un véritable gouffre

Dans le monde, en 2013, selon le PNUE, l'électricité destinée à l'éclairage représente environ 15% de la consommation mondiale d'électricité et 5% des émissions de gaz à effet de serre. Plus de 50 pays ont rejoint « en.lighten », le programme de partenariat mondial pour un éclairage efficace, et accepté d'éliminer progressivement les lampes à incandescence inefficaces.

Plus de 35% de l'énergie lumineuse émise sur la Terre éclaire les nuages et illumine le ciel en altitude. C'est ce halos diffus qui dénature la voûte céleste de nos villes les baignant dans une nuit artificielle mauve pâle et qui gêne considérablement l'observation astronomique. Or, un lampadaire bien conçu devrait éclairer le sol autour de lui, plutôt à un point stratégique où la visibilité pour les automobilistes notamment est nécessaire et non le ciel, un espace vierge ou un endroit inaccessible... Tout comme les enseignes lumineuses qui sont trop agressives et n'intéressent que peu les citoyens.

Effets culturels de la pollution lumineuse

Enfin, dans un souci de sécurisation constant et souvent inefficace, chaque coin de rue est investi d'un réverbère de sorte que nous ne connaissons plus de vraies nuits qui ont pourtant une dimension culturelle importante. Rappelons que les civilisations ont fortement intégré dans leur développement la dimension mystique du ciel nocturne et que les découvertes récentes de centaines d'exoplanètes augurent de découvertes révolutionnaires. Laisser vagabonder notre esprit dans le ciel étoilé a toujours autant de sens qu'il y a des milliers d'années.

Comment lutter contre la pollution lumineuse

L'éclairage public participe à l'accentuation de l'îlot de chaleur urbain de manière significative. Ainsi, par rapport à une route non éclairée, une chaussée éclairée présente une température extérieure d'environ 1°C supérieure. Pour lutter contre ce phénomène, plusieurs pays s’y mettent afin d’obtenir des initiatives et faire en sorte que la réduction des nuisances lumineuses devienne un élément de qualité que des territoires pourraient ainsi promouvoir.

Force est de constater que les agglomérations urbaines sont devenues des environnements artificiels et stériles, même les étoiles sont difficilement perceptibles à cause de sources lumineuses bien trop nombreuses, parfois inutiles et souvent mal conçues. De plus, les effets supposés de la lumière artificielle sur notre santé sont assez préoccupants bien qu'encore peu relatés et confirmés. Ainsi, le citadin qui oublie et ne comprend plus la « nature » se trouve de surcroît dans l'incapacité d'observer le ciel et ses étoiles qui ont pourtant fait rêver d'innombrables civilisations et portent de plus en plus l'espoir de l'humanité.

Josiane Mambou Loukoula
Légendes et crédits photo : 
Photo1: Une vue de Tokyo, la ville la plus éclairée (DR) Photo2: Le ciel étoilé (DR) Photo3: le ciel étoilé (DR)
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