Changement climatique : l’aviation civile en pâtit

Vendredi, Septembre 1, 2017 - 15:30

La hausse des températures entraînera allègements, retards ou annulations de vols. Ces contraintes pourront se traduire par une inflation des tarifs du transport aérien. Déjà connu en Afrique, ce problème sera plus accentué dans les décennies à venir.

Un groupe de chercheurs mettent en lumière l’impact du réchauffement climatique sur le transport aérien. L'Afrique, où ce secteur connaît des difficultés importantes, pourrait en pâtir. Ainsi, du fait du réchauffement climatique, les avions seront amenés dans les décennies à venir à réduire de 0,5% à 4% leur charge utile au décollage, en période de fortes températures. Cette réduction de la charge utile peut s’appliquer aussi bien au nombre de passagers qu'au volume du fret ou à la quantité du carburant transporté. Il est à craindre que ces contraintes futures se répercutent sur les tarifs du transport aérien. Car « si l’avion doit décoller avec moins de passagers, cela peut effectivement entraîner une augmentation du coût du billet d’avion », entrevoit Joshua Osih, un expert en aviation.

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont étudié le comportement de cinq des avions les plus utilisés du moment (Boeing 737-800, Boeing 737-300, Boeing 787-8, Airbus A320 et Airbus A380) dans 19 aéroports situés en Amérique, en Europe et en Asie. Et ils en déduisent que ces modifications s’appliqueront à 10 voire 30% des vols programmés au moment des températures maximales quotidiennes.

Présentée dans la plupart des études comme le continent le plus vulnérable aux effets du changement climatique, l’Afrique n’est pas nécessairement la plus touchée par ces restrictions, à en croire Ethan Coffel, chercheur spécialiste de l'impact du changement climatique à l’université de Columbia et auteur principal de l'étude. Dans cette étude, les chercheurs n'ont pas analysé d'aéroports en Afrique, mais en général ceux qui sont situés à haute altitude et avec des pistes courtes verraient vraisemblablement les plus grands changements dans les restrictions de poids, en particulier pour les vols long-courriers.

Cependant, ni l’étude, ni son principal auteur n’indiquent un seuil de température à partir duquel lesdites restrictions pourront être observées. Ethan Coffel se contente de rappeler qu'il n'y a « pas de seuil qui cause une restriction de poids ; il varie selon les aéronefs et l'aéroport. Mais, en général, ce sont les jours les plus chauds de l'année qui sont concernés. » Doug Alder, porte-parole de Boeing, explique pour sa part que « du fait de la faible densité de l'air lorsque la température dépasse 120°F (48,8°C), il est plus difficile pour les avions de prendre rapidement de l’altitude ».

Quoi qu’il en soit, la situation décrite par cette étude ne sera pas tout à fait nouvelle pour les professionnels de l’aviation civile en Afrique. Pierre Tankam, ingénieur de l’aviation civile hors échelle et ancien directeur général de l’autorité de l’aviation civile au Cameroun, souligne qu'il est « de notoriété aéronautique que la chaleur, mesurée par la température, impacte directement les performances opérationnelles des aéronefs au décollage et à l’atterrissage. » et de confirmer : « Lorsque la longueur de la piste est une contrainte d’exploitation, la forte chaleur affecte directement la charge de l’avion ; et le non-respect de cette donne peut compromettre la sécurité aérienne ». Ce problème est fréquent dans les aéroports de Nairobi au Kenya et de Johannesburg en Afrique du Sud.

Même si les perturbations du transport aérien causées par les changements climatiques sont légion en Afrique, l’organisation du trafic aérien sur le continent essaie d’ores et déjà de contourner ce problème, en planifiant les activités aéroportuaires en dehors des tranches horaires de la journée où la chaleur est excessivement élevée, dans les régions à très fortes températures. Face à ce problème, il serait également possible d'allonger les pistes des aéroports, une mesure coûteuse et difficile à mettre au œuvre du point de vue logistique.

En attendant, les avionneurs aussi cherchent des solutions. Boeing a conçu un pack optionnel intitulé « high and hot » pour permettre à l’avion d’avoir un peu plus de poussée et l’équipe de gouvernes légèrement plus larges sur les ailes - pour permettre à un avion de décoller sous des températures plus chaudes et à des altitudes plus élevées. S’ils se félicitent déjà de ce que le réchauffement climatique soit pris en compte par les acteurs de l’aviation civile, les chercheurs invitent les avionneurs à penser également à améliorer la performance des moteurs d’avions.

Josiane Mambou Loukoula
Légendes et crédits photo : 
Un avion en plein décollage (DR)
Notification: 
Non