Le directeur général de la société ATAMA-Plantations Reuban Ratnasingam a été interpellé récemment par une commission d’enquête mise en place par le ministère de l’Economie forestière sur les bois exportés sans Attestations de vérification à l’export (AVE) au Port autonome de Pointe-Noire
Dans une fiche d’information adressée au Premier-ministre, Clément Mouamba, la ministre de l’Economie forestière, Rosalie Matondo, a annoncé que l’interpellation a débouché sur des aveux d’une exportation frauduleuse du bois avec description du « modus operandi ». D’après le rapport de mission de la commission, la société ATAMA-Plantations qui a exporté près de 14.000 m3 dont une partie sans AVE, n’a payé aucune redevance à l’Etat congolais, avec la complicité des administrations forestière et douanière.
« En effet, suite à sa mise en demeure par le ministère de l’Agriculture, de la pêche et de l’élevage, l’administration forestière a suspendu non seulement son autorisation de coupe et de déboisement, mais également l’exportation du bois déjà stocké au port autonome de Pointe-Noire ayant fait l’objet d’une saisie administrative », écrit Mme Matondo au Premier-ministre, précisant que la séance de travail entre la mission d’enquête et le département des douanes du Kouilou a permis de déceler les dysfonctionnements des administrations respectives.
Après avoir contourné le Service de contrôle des produits forestiers à l’exportation (SCPFE), le sieur Reuban Ratnasingam a réussi à obtenir « l’embarquement du bois saisi grâce non seulement à une autorisation de coupe falsifiée, des feuilles de route irrégulières, mais également à une Autorisation d’embarquement par anticipation (AEA), délivrée par les agents des douanes, ayant permis à la Socomab de réaliser les opérations de manutention, soit nuitamment, soit les jours de week-end hors la présence des agents du SCPFE », poursuit le rapport.
Non-respect des textes en vigueur
Cette pratique est en violation de l’article 12 de l’arrêté n°461 du 19 février 2003 portant institution du programme de contrôle des produits forestiers à l’exportation. En effet, aux termes de la loi, «les exportations de produits forestiers de la République du Congo ne peuvent pas faire l’objet d’une déclaration en douane définitive si elles ne sont pas accompagnées d’une attestation de vérification à l’export».
« La violation des dispositions règlementaires citées supra ont eu pour conséquences, un énorme manque à gagner pour l’Etat congolais en ce que ATAMA-Plantations n’a payé ni la taxe de 1% de la valeur FOB, ni les taxes phytosanitaires, ni la redevance due au commerce extérieur, ni les redevances douanières à la sortie du port », a regretté la ministre de l'Economie forestière.
Elle a, par ailleurs, sollicité une descente sur les lieux et l’organisation d’une réunion conjointe avec toutes les administrations concernées (ministères de l’Economie forestière, des Finances, des Transports et la direction générale du Port autonome de Pointe-Noire). A cela, s’ajoute la poursuite de la procédure contentieuse ouverte contre la société ATAMA-Plantations pour la contraindre à payer les redevances dues au Trésor public.
Cette mission n’a pas également épargné le directeur départemental de l’économie forestière de la Sangha, le chef de brigade des eaux et forêts de Mokeko, le chef de bureau de la réglementation et de la planification des industries, le directeur de la valorisation des ressources forestières, le chef de bureau traitement des dossiers et le directeur du SCPFE, tous dans les irrégularités constatées. Sont également visés : les directeurs départementaux des douanes et droits indirects de la Sangha et de la Lékoumou ainsi que le directeur général de la société congolaise de courtage, transitaire d’ATAMA-Plantations.
De la plantation de palmiers à l’exportation du bois
Rappelons que la société ATAMA-Plantations avait bénéficié, courant 2012, du gouvernement congolais de la mise à disposition de 180.000 hectares dans le département de la Sangha. Cela dans le cadre de son projet d’implantation d’une palmeraie en vue de booster la filière huile de palme, susceptible de générer à terme 10.000 emplois. Ainsi, pour la mise en œuvre de son projet, cette société a obtenu du ministère de l’Economie forestière, une autorisation de déboisement avec exportation échelonnée dans le temps, à raison de 5.000 ha par tranche.
« Cinq ans après la signature de la convention, il appert que ATAMA-Plantations n’a réalisé que sept-cent ha de palmiers, alors qu’il a prélevé la ressource sur une étendue de 10.000 ha et s’est permise d’exporter environ 14.000 m3 de bois en grumes dont une partie a été exportée sans AVE, document de base pour fixer la taxe à l’exportation », a souligné Rosalie Matondo.
Selon une source proche du dossier, le responsable du ministère de l’Economie forestière impliqué dans cette situation, ainsi que ceux des douanes seraient déjà suspendus de leurs fonctions.