Aujourd’hui ancrée dans les mœurs, la tradition occidentale exportée vers l’Afrique à l’époque coloniale a fait son entrée de manière assez particulière, faut le dire.
Mine de rien, si pour les enfants de ce XXIe siècle Noël fait partie des fêtes célébrées normalement, cela n’a pas toujours été le cas, il y a à peine quelques décennies. Apparue dans les dix à vingt ans avant les Indépendances par la voie du colonialisme, cette célébration prenait parfois des formes grotesques, ainsi que le souligne Pips Patroons. Ce Belge qui a passé son enfance au Congo évoque à ce sujet la découverte qu’il a faite dans un livre de Peter Verlinden. Il parle notamment d’une photo, qui n’est pas datée, mais où l’on reconnait une sorte de « Père Noël distribuant des cadeaux aux enfants des policiers (noirs) du camp Lufungula », précise-t-il. À l’époque de cette photo, il est clair que la capitale ne portait pas encore le nom de Kinshasa, elle s’appelait Léopoldville.
Il faut croire qu’il ne pouvait se trouver aucun Blanc pour faire office de Père Noël pour des Noirs. Il n’est donc pas étonnant de constater que celui de la photo soit Noir. L’on aurait peut-être pu compléter le tableau en l’habillant du costume traditionnel du Père Noël, question de faire plus vraisemblable. Car qui a dit qu’il ne pouvait pas exister un Père Noël noir, à la peau jaune ou même 
rouge vêtu de l’assortiment longue robe, capeline et capuche du Père Noël européen ? Cela aurait peut-être suffit à jouer le jeu, mais non ! L’on remarque plutôt que le fameux Père Noël « assis devant un arbre de Noël paré de quelques touffes d’ouate en guise de neige » porte plutôt « un costume civil sombre, un mitre qui ressemble à un sac en papier brun, ses mains sont noires et il porte… un masque blanc ! », s’offusque le Belge. Et ce n’est pas tout. Le comble de cette parodie un peu sournoise c’est qu’on l’aperçoit offrant un sac de pommes de terre à la jeune fille devant lui. Ceci se passe de tout commentaire. Mais Pips Patroons ne peut s’empêcher de commenter la photo de la sorte : « Le masque blanc du Père Noël noir m’a fait penser au livre Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon, le psychiatre martiniquais anticolonialiste et qui avait choisi de lutter avec FLN algérien contre le colonialisme de sa “patrie“, l’ancienne Gaulle ».
Le Père Noël est blanc
Pips Patroons parle, par ailleurs, d’une autre photo encore qui, elle, par contre, fait l’effort de « lier les traditions congolaises aux traditions belges ». Il est difficile de distinguer la couleur de la peau du Père Noël qui y apparaît habillé en évêque. Au Belge de commenter alors : « …mais contre toute l’idée de Walt Disney et de Coca-Cola, il vient de descendre d’un hélicoptère Sikorski et est assis sur un tshipoyi ». Le tshipoyi est un fauteuil suspendu entre deux brancards supportés par deux couples de porteurs, un à l’avant, un à l’arrière. Mais comme on sait le voir dans la photo de ce Père Noël, il est plutôt constitué d’une chaise portée par six personnes. Pieds nus, ces six porteurs ont pour tout vêtement le "lingbanda", une sorte de caleçon traditionnel, souvent un bout d’étoffe large, un pagne noué autour des reins et passé entre les jambes.
Mais après ces tentatives, il y en a peut-être bien eu d’autres du genre, peut-on vraiment dire qu’il existe un Père Noël congolais ? Non, à proprement parler. L’on a plutôt fini par se faire à l’idée que Père Noël rime avec blanc. Les enfants d’ici le savent, les films et dessins animés contribuent à imprégner cette idée dans leur imaginaire. A la limite, le Père Noël, c’est cette poupée qui gigote, plutôt danse à la devanture de certains magasins, à l’entrée des supermarchés ou entre deux rayons de jouets. L’aspect festif, lui est toujours de mise mais c’est rare de voir le Père Noël 
noir faire une incursion dans une école. De toute façon, les enfants savent que c’est un faux. Donc, la magie de ce Noël-là, à l’occidentale, ils ne la connaissent pas.