Enquête. Guangzhou : la face cachée de l’eldorado des Africains

Vendredi, Mars 16, 2018 - 18:15

Depuis une vingtaine d’années, la Chine est devenue, pour de nombreux Africains, un eldorado à l’instar des pays de l’Occident comme la France ou les États-Unis qui ont longtemps été les pays de prédilection des immigrés africains.

 

Des Africains de toutes les nationalités se sont installés à Canton (Guangzhou) pour y faire des affaires. Et jusqu’à présent, elles marchaient. Avec douze millions d’habitants, Guangzhou, dans le sud de la Chine, est la troisième ville la plus peuplée du pays, après Shanghaï et Pékin. Et depuis l’ouverture économique, il y a de plus en plus d’Africains, à Guangzhou comme dans le reste de la Chine.
La communauté africaine de Guangzhou s’est installée dans le quartier de Xiaobei (prononcer Siaobé) qui, avec cette forte communauté noire, a fini par être baptisée « Chocolate city » par certains locaux, qui ne regardent pas toujours d’un bon œil cette présence africaine. Et dans ce melting-pot, les Congolais ne sont pas en reste, ils sont une forte communauté aussi dans la ville, même si nombreux à la base s’y sont rendus pour les études et ont fini par se lancer dans les affaires.

Xiaobei, c’est l’Afrique en miniature. On y trouve restaurants, boîtes de nuit, salons de coiffure, nourriture, etc. Avec pour conséquence une cohabitation difficile entre les différentes nationalités et les Chinois. Bagarres à coup de barres de fer, émeutes, prisons, les tensions existent. Car même s’ils parlent couramment le mandarin et permettent aux Chinois de faire fructifier leur business, les Africains ne sont pas toujours les bienvenus à Guangzhou. Le nombre d’Africains à Guangzhou est sujet à toutes les élucubrations, la presse locale n’hésitant pas à les estimer à trois cent mille, additionnant allégrement toutes les entrées et sorties du territoire annuel. Au moment de l’épidémie d’Ebola de 2014, par exemple, la municipalité avait recensé seize mille Africains, dont quatre mille résidents de longue durée.

Un Congolais rencontré dans le vol Addis-Abeba – Guangzhou, qui dure près de dix heures, nous raconte : « Je suis installé en Chine depuis dix ans et jusqu’en 2016, les affaires marchaient bien, j’envoyais plus de cent conteneurs par mois en Afrique. Maintenant, c’est deux fois moins. Nous ressentons vraiment les effets de la crise économique qui secoue l’Afrique. En plus, le loyer de l’entrepôt a doublé en dix ans, les taxes augmentent. Quand je suis arrivé en Chine, les ouvriers chinois étaient payés cent euros, aujourd’hui c’est quatre cents minimum ».
Malgré ces quelques plaintes, la plupart des Africains qui se rendent à Guangzhou y trouvent leur compte. Les prix sont très bas, même si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Au détour d’un marché dédié aux vêtements, on croise une Africaine qui déambule l’air perdu. Après un petit échange, elle nous raconte qu’elle est propriétaire de salon de coiffure et que c’est son premier voyage en Chine. Elle a prévu rester quatorze jours mais en à peine trois jours, elle a déjà fini tout son budget de six mille dollars. Elle avoue que tout est si beau et tellement moins cher que l’on ne se rend pas compte de ce que l’on dépense. Elle est venue acheter des mèches et des tissages pour son salon de coiffure à Kinshasa. Satisfaite de son premier voyage, elle nous confie qu’elle continuera à revenir faire des affaires à Guangzhou, même si pour l’heure se retrouvant sans le sou, elle passe ses journées à traîner dans les marchés, essayant de repérer de bonnes opportunités en attendant qu’on lui envoie un transfert d’argent pour continuer ses courses.

La chute du prix du pétrole est un sujet récurrent dans les maquis lorsque les Africains se croisent. Car très peu travaillent pour des entreprises chinoises, ce sont les commandes passées par les sociétés et les individus en Afrique qui constituent leur gagne-pain. Alors nombreux disent être en phase d’observation. «Si les choses ne s’améliorent, j’envisage partir dans une autre province. Les clients sont rares.»,  avoue un Congolais qui sert de guide à ses compatriotes qui ne comprennent pas le mandarin
Quand on lui demande s’il compte rentrer dans son pays, il répond : « Le pays, ce n’est pas pour maintenant, je n’ai pas encore obtenu ce que je suis venu chercher. Une fois mon objectif atteint, je vais rentrer. De toute façon ici, malgré ce que tu fais, l’intégration est un combat. Les Chinois ne vous proposent rien, ni crédit à la banque, ni nationalité, ni permis de travail permanent. Même se marier avec une Chinoise est un problème. Donc tôt ou tard, je finirai par rentrer, de gré ou de force ». À l’heure ou l’Afrique et la Chine activent leurs liens diplomatiques et économiques, il serait important de trouver un équilibre à cette relation afin que les Africains de Chine ne puissent pas se sentir délaissés et livrés à un combat perdu d’avance.

 

Boris Kharl Ebaka
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