Couleurs de chez nous: veillée à la congolaise

Mercredi, Avril 11, 2018 - 13:30

D’hier à aujourd’hui, l’observation du deuil au Congo a pris des allures inquiétantes au point d’interpeller. Aux dépenses financières que le décès d’un être cher occasionne, s’ajoutent d’autres problèmes plus angoissants que le décès lui-même. Des problèmes qui laissent voir le délitement de la société congolaise en matière de déviances et de perte de valeurs.

La veillée à la congolaise a cessé d’être perçue comme un moment de recueillement et de compassion pour laisser place aux retrouvailles entre des personnes qui, au quotidien, peinent à se rencontrer. Elle est une occasion de visibilité pour des gens longtemps dans l’ombre ou pour celles et ceux qui sont éternellement en quête de gloriole. C’est ici que se nouent et se dénouent des relations amoureuses et autres alliances.

Téléphone collé à l’oreille ou braqué sur des cibles, certaines personnes n’hésitent pas de jouer les « espions » pour signaler à leurs correspondants la présence des personnalités ou des gens ciblés par elles. Car, faute de rencontrer certaines autorités à leurs bureaux ou résidences, elles les épient sur les lieux des veillées.

A côté des bars de fortune au sein et autour des veillées, il faut signaler ces barbecues et autres étals.  Ici on mange, on boit et on danse au nom du mort. Danser ? Plutôt on exhibe. Il n’est que de se référer aux images relayées via les réseaux sociaux sur les obscénités et polissonneries servies à satiété lors des veillées congolaises.

Mais il y a pire ! L’insécurité. Difficile d’organiser une veillée qui arrive à son terme sans que bagarre n’éclate. Accusation de sorcellerie ; règlement de comptes entre bandes rivales ; simple montée d’adrénaline avec volonté d’en découdre aveuglément chez certains jeunes : tel est le triste tableau, à moitié peint.

La veillée sert aussi de prétexte à certains pour découcher. Femmes comme hommes se cachent derrière des veillées pour laisser s’exprimer leurs vils desseins.  Pour les femmes, le stratagème est connu : laisser une natte ou un matelas, consigner la place et disparaître pour n’y revenir qu’aux premières heures de la matinée prendre les nouvelles et regagner le domicile. Pour les hommes, le jeu est des plus aisés.

Interrogez ces personnes qui veillent, nombreuses sont incapables de nommer le défunt ou de démontrer leurs liens avec la famille éprouvée. En réalité, la veillée a basculé. Un glissement avec la perte de cette substance qui permettait de lire un mode de vie d’une communauté ou un trait culturel d’un peuple. La mixture qui s’y dégage ne rime à rien sauf qu’elle exprime les déviances d’une société qui se meurt et qui a perdu tout respect pour ses défunts.

Avant, on venait à la veillée pour compatir. Puis découvrir des traditions : les pleurs continus et successifs des femmes tékés ; les processions des femmes Gangoulous et Mbochis, le rite bembé ou vili, etc.

C’était une époque ! Avec elle s’est peu à peu éteinte l’observation prolongée du deuil proprement dite. Celle-ci consistait à adopter une vie sobre : moins de sorties, tenue noire ou blanche jusqu’au jour où, devant parents, amis et connaissances, on décide de reprendre avec les plaisirs de la vie. /-

 

Van Francis Ntaloubi
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