Interview. Niclette Mundabi : « L'Afrique devrait davantage s'affirmer à la table des négociations »

Lundi, Mai 28, 2018 - 16:00

Originaire de la RDC, Niclette Mundabi est la présidente directrice générale (PDG) de TheLuxe Africa, une société de facilitation d'affaires, basée à Atlanta, aux Etats-Unis. Elle a été sélectionnée cette année dans la catégorie « Business et entrepreneuriat » de l'organisation « Most influential people of african descent » qui récompense, chaque année, deux cents personnalités d'ascendance africaine de moins de 40 ans, les plus remarquables en raison de cent en Afrique et cent dans la diaspora. Elle est également membre du conseil d'administration de la Joe-Beasley Foundation.

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Pourriez-vous nous parler de votre parcours académique et professionnel ?

Niclette Mundabi (N.M.) : Je suis la PDG de TheLuxe Africa, une société de facilitation des affaires qui soutient les entreprises africaines avec les outils nécessaires pour développer leurs activités sur les marchés locaux, transnationaux et internationaux. Je suis née à Kinshasa où j'ai grandi jusqu'à l'âge de 6 ans. J'ai ensuite étudié dans plusieurs pays dont l'Afrique du Sud, les États-Unis et le Royaume-Uni. J'ai obtenu ma licence en arts à Cardiff, au Pays de Galles, en 2008, où j'ai également commencé ma carrière en tant que responsable de comptes pour une société de location d’appartements de luxe. C'était la première fois que je travaillais avec une clientèle multiculturelle. J'ai particulièrement aimé car elle m' a appris les différences culturelles et l'importance de trouver un terrain d'entente dans les affaires, surtout dans les négociations des contrats. J'ai ensuite effectué un court séjour chez Martindale-Hubbell, Lexis Nexis, une société d’information sur les professions juridiques à Londres avant d’occuper un poste dans une ONG de promotion des investissements en Afrique dans le secteur agribusiness chez EMRC, à Bruxelles, en 2010. Mon rôle m'a exposé au développement de l'Afrique et aux contributions que les agriculteurs, les exportateurs et les producteurs apportaient dans le secteur de l'agroalimentaire. J'ai finalement quitté EMRC et j'ai créé TheLuxe Africa en 2012. Cette proximité avec les entreprises africaines m’a poussée à découvrir ma réelle vocation et j’ai créé TheLuxe Africa pour contribuer au développement de mon continent. Au niveau académique, je suis actuellement sur le point de terminer un MBA au Birmingham business school, en Angleterre.

 

L.C.K. : En quoi consistent les activités de « TheLuxe Africa »  et quelle est sa particularité ?

N.M. : La structure de TheLuxe a changé ou plutôt évolué au fil des ans. Nous avons commencé en tant que conciergerie personnelle pour les cadres en Afrique en 2012. Elle a évolué car nous avons réalisé que les chefs d’entreprise étaient beaucoup plus intéressés par la croissance de leurs structures et de leurs activités. Nous avons décidé d’être un facilitateur d’affaires, en obtenant des équipements et matériaux ainsi qu'en négociant les termes de contrats au nom et pour le compte de nos clients. Dans certains cas, il peut être également nécessaire de gérer certains actifs pour eux. TheLuxe s'efforce de travailler avec tous les pays africains, nous avons eu plus d'opportunités au Nigeria et dans la région de l'Afrique de l'ouest mais nous espérons étendre nos activités dans toute l’Afrique.

L.C.K. : Quelles sont vos plus grandes réalisations sur le continent africain en général et particulièrement en RDC, votre pays d'origine ?

N.M. : C'est l'équilibre entre les affaires et le travail humanitaire qui fait l’essentiel dans ma relation avec le continent. Il est important d'être rentable, mais je me sens tout aussi satisfaite quand nous pouvons avoir un impact sur les petites communautés grâce au travail humanitaire ou la responsabilité sociale des entreprises. Ma plus grande réussite a été de mener à bien des investissements immobiliers au Nigeria. Je suis en train de négocier un accord d'investissement pour le secteur de l'électricité en RDC. Le projet viserait à électrifier certaines villes du Katanga. Je suis très enthousiasmée par la possibilité d’apporter l’électricité à cette population car l’électricité est à la base d’une bonne qualité de vie et une garantie de développement.

L.C.K. : Comment analysez-vous aujourd'hui les relations économiques entre les Etats-Unis et le continent africain ? Quels sont les enjeux ?

N.M. : Je suis panafricaniste, je ne pense pas que les relations économiques entre les États-Unis et l'Afrique soient à leur meilleur niveau. Elles pourraient être améliorées. J'aimerais voir l'Afrique s'affirmer davantage à la table des négociations et dicter les termes qui soutiennent nos économies. Nous avons beaucoup à offrir en tant que grand continent. J'aimerais voir des partenariats et des accords d'investissement qui stimulent une croissance réelle pour nos économies et nos peuples, peu importe qui se trouve de l'autre côté de la table. Nous devons être bien préparés pour les négociations et exiger le respect de tous nos homologues; ce qui n’est pas évident dans nos relations actuelles.

L.C.K. : Quelles sont les opportunités économiques que le marché africain offre aux investisseurs américains et vice-versa ?

N.M. : Il existe plusieurs opportunités en Afrique, en particulier dans les secteurs miniers et agricoles qui sont vitaux pour les progrès technologiques et permettraient au continent d’être un vivier alimentaire pour le monde. Cependant, je crois que le potentiel réside dans le fait que nous avons une grande population de jeunes qui devrait atteindre 1,3 milliard d'ici à 2030. Cela signifie que nous avons une potentielle main-d'œuvre qui pourrait rivaliser avec la Chine si nous investissions dans la formation de la jeunesse. Outre les apports évidents en capital, l'Amérique peut transférer son savoir technologique en Afrique qui pourrait créer ses propres Silicone Valley en quelques années.

L.C.K. : Quels sont, aujourd'hui, les secteurs où vos partenaires américains souhaitent le plus investir en Afrique et dans quels pays ?

N.M. : L'exploitation minière est généralement un secteur qui attire le monde, de même que l'infrastructure et le développement. L'Afrique anglophone (Nigeria, Kenya, Ghana et le Rwanda) attire habituellement le plus d'opportunités, parce qu'elle est généralement la plus engageante en matière de relations transcontinentales et de sollicitations d'investissement.

L.C.K. : Des entrepreneurs africains investissent-ils également aux Etats-Unis ?

N.M .: Absolument, les investisseurs africains s'intéressent aux États-Unis, principalement dans l'investissement immobilier et la technologie. L’Afrique francophone reste malheureusement en marge des investissements hors du continent.

L.C.K. : Comment avez-vous réagi à votre sélection dans la catégorie « Business et entrepreneuriat du « Most influential people of african descent » ?

N.M. : L'Afrique est l'avenir ! Je le crois, je le respire, je le vis et j'essaie de contribuer à cette vision à travers les affaires. Je les mène avec passion mais je reste au service de tout le monde. Je suis extrêmement honorée que mes pairs reconnaissent cela en moi et j'aimerais vraiment croire qu'ensemble, nous irons plus loin, parce que l'union fait la force.

L.C.K. : Vous êtres membre du board de la Fondation américaine Joe-Beasley qui opère également en Afrique. Pourriez-vous nous parler de ses activités en RDC, par exemple ?

N.M .: La Fondation Joe-Beasley a été créée par un grand homme, le Dr Joe Beasley, qui a lutté pendant toute sa vie pour l'égalité et la justice au profit des personnes d'ascendance africaine partout dans le monde. Nous travaillons pour promouvoir la paix et la médiation de conflit, l'autonomisation économique, la santé globale, l'éducation et le renforcement des capacités institutionnelles. En RDC, nous nous concentrons sur les soins de santé, nous travaillons avec une organisation locale ici à Atlanta pour nous assurer l'envoi de plusieurs conteneurs du matériel médical et d'équipement.

L.C.K. : Vos projet à court, moyen et long termes ?

N.M. : Mon projet à court terme est de conclure le contrat pour l’apport de l’électricité au Katanga ; à moyen terme, ouvrir quelques bureaux en Afrique et à long terme, changer l’image triste de l'Afrique en construisant un continent fort dans tous les domaines. Il serait temps que notre chère Afrique retrouve sa gloire.

 

 

Propos recueillis par Patrick Ndungidi
Légendes et crédits photo : 
Photo 1: Niclette Mundabi Photo2: Niclette Mundabi en compagnie du ministre du Commerce et de l'industrie du Ghana Photo3 :Niclette Mundabi et l'homme d'affaires nigerian Igho Sanomi Photo 4: Niclette Mundabi à l'US-Africa business summit Photo 5: Avec les membres de la Joe-Beasley Foundation
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