Sportissimo : le football africain malade de son inorganisation

Samedi, Juillet 28, 2018 - 12:17

Gianni Infantino,  président de la Fédération internationale de football association (Fifa), est le diagnostiqueur de cette maladie dont le virus vient d’être découvert au microscope électronique. Car à l’œil nu, les friands du ballon rond sont myopes pour bien se rendre compte de cette évidence. C’est ce que relève la fiche médicale établie de son centre de santé à partir de la 21e édition du Mondial Russie 2018.

Moralité douteuse des dirigeants sportifs africains

Le président de la Fifa n’a pas tapé le ballon à côté, visant juste la lucarne pour faire mouche et obtenir ce but marqué, la maladie du football africain. Les observateurs avertis de cette discipline en Afrique trouvent que cette maladie tire son origine dans la moralité des dirigeants sportifs perchés dans les différentes fédérations nationales. Ces messieurs, en venant aux commandes, donnent, pour la plupart, l’impression d’être au service de cette discipline sportive tant adulée dans le monde. Le constat fait est que peu d’entre eux pensent à la promotion et au développement de ce sport. Le gros lot se préoccupe plus des pieds des athlètes, acteurs principaux des spectacles  de football, en vue de se renflouer les poches dans le but de jouir des dividendes pour les intérêts et les prestiges personnels. Ils gèrent leurs fédérations comme s’il s’agissait de leurs patrimoines privés. La dilapidation et les détournements des fonds alloués aux besoins du football ne leur disent rien. Ils se complaisent de leur immunité d’impunité, voire de la Fifa ou des États de leurs pays respectifs, pourvoyeurs principaux de la dotation allouée au développement du football. Heureusement, pour une fois, la justice a frappé le président de la fédération du Ghana pour corruption. Cet exemple devra être suivi dans d’autres pays d’Afrique où les dirigeants, sans aucune moralité, corrompent et se laissent corrompre. Cette moralité douteuse impacte sur la gestion administrative, financière et technique des fédérations. Et le football est au rabais. Les textes fondamentaux sont bafoués et recadrés à la mesure de la taille des dirigeants fédéraux. Il en est de même des textes règlementaires de leurs pays qui ont accordé l’agrément à toutes ces fédérations et même des directives de la Fifa qui sont superbement ignorées à dessein.

Les clubs à la traîne

Les dirigeants sportifs sont à traiter comme étant le premier virus de la maladie du football africain, à quelques exceptions près. La contamination est disséminée au niveau des ligues, associations et clubs. Pourtant, les statuts et les règlements intérieurs de toutes ces structures de gestion de football insistent sur la bonne moralité parmi les critères d’éligibilité et, en soubassement, la compétence et la disponibilité.

Sous d’autres cieux, le football est géré par des personnes pétries de toutes ces valeurs insoupçonnées mais en Afrique, il l’est par des personnes qui succombent devant l’argent dans leur course effrénée à l’enrichissement illicite, de sorte à se frayer une marche dans la hiérarchie sociale, peu importe l’organisation du football  dans leurs pays respectifs. La moralité des dirigeants sportifs africains est dubitative.  Feignant affichés une moralité irréprochable, certains, perchés à un poste de responsabilité dans un club soit-il, se laissent emporter par le mercantilisme pour le besoin du lucre, n’en déplaise à l’organisation du football pour laquelle ils ont été élus. En Afrique, ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête ?

Jean Paul Sartre, dans les inégalités sociales, ne nous fait-il pas comprendre que l’homme est né bon mais c’est la nature qui le corrompt ? La maladie du football africain part de la moralité de ses dirigeants, protégés par les politiques au pouvoir par clientélisme et par la Fifa, elle-même à certains égards comme pour dire que les loups ne se mangent pas entre eux. Cette situation pousse à l’outrecuidance bon nombre des dirigeants  à l’abus de confiance sans vergogne.

Absence de construction du football à la base

La moralité douteuse des dirigeants  de certaines fédérations africaines de football a engendré la mauvaise gestion qui n’a pas permis la construction à la base de ce sport sur le continent. Si les Etats qui ont donné les agréments à toutes ces fédérations ont consenti de mettre à leurs dispositions leur jeunesse, installations sportives, équipements, cadres et moyens financiers, c’est pour qu’elles agissent techniquement par délégation de pouvoir. Entités subdélégataires, ces fédérations ne se contentent très souvent que de la participation à des compétitions continentales et internationales. Le football n’est perçu qu’au niveau du sommet de la pyramide. L’organisation des compétions à la base est le cadet de leurs soucis. Rares, en Afrique, sont les fédérations qui organisent des championnats  dignes des catégories d’âges comme ailleurs en Europe, par exemple. Or la pépinière pour la relève se constitue à ce niveau. L’Etat forme des cadres pour l’encadrement de la jeunesse à travers ces catégories d’âge mais au niveau des fédérations, cette besogne passe au second plan et est parfois même ignorée. Quand il s’agit des compétitions continentales des jeunes, les équipes se forment à la va-vite, parce qu’il y a les frais des missions et les voyages à l’étranger. En République du Congo, le ministre des Sports et de l’éducation physique, Hugues Ngouélondélé, vient de publier une circulaire fixant le déroulement des saisons sportives qui doivent aller du 1er octobre au 31 août de chaque année. Une façon de mettre un terme aux improvisations, un autre virus des sports en général et du football en particulier. Dans cette circulaire, le ministre a insisté sur la relève par l’obligation des championnats des catégories d’âge. Au niveau des clubs, cette maladie est loin d’être éradiquée. En principe, chacun d'eux devrait avoir ses équipes d’âge pour la relève au lieu de chercher à en recruter ailleurs, un siège et au moins un compte en banque. Mais ces clubs,  pour  certains vieux de plus d'un demi-siècle, manquent même de terrains appropriés pour les entraînements. Le problème d’encadreurs techniques formés se pose aussi avec acuité.

Amateurisme : une maladie anachronique

 Le football africain est tributaire du  carcan de l’amateurisme. Il doit passer du dilettantisme au professionnalisme. Les clubs devront devenir des sociétés à raison sportive au lieu de continuer à demeurer des associations. Si au niveau des clubs des mécènes se préoccupent de la promotion du football et de l’encadrement tant soit peu des athlètes, au niveau national la fédération doit avoir des partenaires et des sponsors pour une meilleure organisation  des compétitions car les installations sportives ne font plus défaut en Afrique, particulièrement en Républiques du Congo. Les Etats devront favoriser la politique de sponsorisation des clubs et des championnats à travers  les fédérations sportives nationales. Les supporters sont invités à s’organiser en comités et prendre en charge certaines tâches de gestion de leurs clubs comme cela se fait ailleurs, au lieu d’abandonner la tâche aux seuls dirigeants qui agissent en mécènes pour l’amour du pays, de la jeunesse  et du football. Mais pour  réussir cette révolution, le football africain doit se doter  des hommes qu’il faut à la place qu’il faut et bannir l’impunité des dirigeants véreux.

 

 

 

     

 

Pierre Albert Ntumba
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