Selon le WWF Belgique qui a livré l'information, la quantité indiquée équivaudrait à la moitié de la production annuelle de viande bovine dans les pays de l’Union européenne.
Le WWF Belgique s'est exprimé à la suite de la diffusion, le 3 octobre, dans les émissions "Pano" de la chaîne flamande VRT et "On n’est pas des pigeons" de la RTBF, d' un reportage mettant en évidence le trafic illégal de viande de brousse, vendue principalement dans le quartier Matonge, à Bruxelles. Les équipes des deux chaînes, sous caméra cachée, y ont acheté de la viande de brousse et l’ont ensuite fait analyser par l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique. Résultat, selon les deux chaînes, cette viande, vendue comme de l’antilope, appartiendrait en réalité à l'espèce du singe à queue rouge qui bénéficie d’un programme de conservation et qui a donc été illégalement abattu. Le journaliste de la VRT, indique le quotidien belge "Le Soir", s'est également rendu à Kisangani, en République démocratique du Congo, où il a réussi à acheter du chimpanzé, une espèce protégée. Il est ensuite revenu avec cette viande dans ses bagages, sans être inquiété par les douanes belges.
Explosion de la consommation à l'échelle mondiale
Dans un communiqué rendu public le 4 octobre, WWF indique que la consommation de viande de brousse est en train d’exploser à l’échelle mondiale et que la chasse non durable contribue à vider les forêts et savanes africaines de leur faune sauvage à un rythme croissant. « Partout dans le monde, les effectifs d’animaux sauvages reculent dans des proportions sans cesse croissantes, en raison de la destruction de leur habitat et de la chasse non durable. Pour de nombreuses populations humaines, la consommation de viande de brousse constitue encore une partie importante des apports alimentaires. Mais la consommation de viande de brousse a désormais largement dépassé les limites de ces communautés locales », souligne le WWF. Selon Sofie Ruysschaert, chargée de politiques Vie sauvage au WWF-Belgique, l’accroissement démographique dans les campagnes et les villes ainsi que le désenclavement de territoires autrefois inaccessibles contribuent au développement du commerce de viande de brousse. Celui-ci est aussi stimulé par la demande croissante en Occident. « Bien que le commerce de viande soit soumis à des normes sanitaires strictes et que les espèces sauvages soient protégées par la loi, de grandes quantités de viande de brousse entrent illégalement en Europe chaque semaine, en provenance d’Afrique », explique-t-elle.
Menace sur la biodiversité
À en croire WWF Belgique, la viande de brousse constitue encore aujourd'hui jusqu’à 90 % des apports en protéines animales consommées localement et demeure une source de revenus pour les familles de régions rurales. « Mais la croissance de la population crée un déséquilibre entre l’offre et la demande. Par la construction de routes et l’établissement de camps de travailleurs, les exploitations forestières et minières contribuent à rendre plus accessibles des régions reculées de l’arrière-pays, de sorte que de nouvelles zones se trouvent exploitées par des chasseurs utilisant des techniques sophistiquées », indique l'institution dans son communiqué. En outre, poursuit le document, en l’absence d’une législation efficace et de sa mise en application effective, la chasse et le commerce de viande constituent désormais la principale menace pour 85 % des primates et des ongulés vulnérables. Mais, insiste le WWF Belgique, c’est toute la biodiversité qui en fait les frais dans les régions d’origine, avec le développement du syndrome des « forêts vides », conséquence de la disparition d’espèces clés dans les écosystèmes (par exemple, des espèces indispensables à la dispersion des graines).
Quarante-trois tonnes de viande saisies en quatre semaines
Par ailleurs, constate le WWF Belgique, de plus en plus de citadins en Afrique et ailleurs dans le monde sont prêts à consentir des dépenses supplémentaires pour s’offrir de la viande de brousse, considérée comme un mets délicat. Mais, renseigne l'institution, cette demande dope le commerce international, bien qu’il reste relativement limité en comparaison avec le marché local. Ainsi, informe le WWF, lors d’une opération internationale menée par Interpol en mai dernier contre le trafic de plantes et d’animaux sauvages, la viande de brousse a été la marchandise la plus confisquée, avec quarante-trois tonnes de viande saisies sur une période de quatre semaines. En outre, explique-t-on, une étude a estimé que deux cent soixante-treize tonnes de viande de brousse étaient importées à Paris chaque année (soit environ cinq tonnes par semaine) via l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et quarante tonnes en Suisse. « Les mêmes chercheurs soupçonnent l’aéroport de Zaventem d’être une plaque tournante pour l’importation de viande de brousse, en raison du nombre élevé de vols en provenance d’Afrique. Une enquête du gouvernement fédéral est actuellement en cours en vue d’estimer l’ampleur de ce trafic. Jusqu’à présent, le défaut d’application de la loi empêche d’enrayer cette tendance néfaste », déplore le WWF. Cette institution estime que les solutions doivent prendre en compte tous les niveaux de la chaîne commerciale, avec une meilleure application de la loi, par le biais de contrôles plus efficaces et de verbalisations (ayant un effet dissuasif) dans les aéroports et les commerces. En outre, propose le WWF Belgique, une collaboration doit être développée avec les communautés locales et la diaspora africaine, afin de faire progresser la prise de conscience parmi les consommateurs. Les 11 et 12 octobre, une conférence internationale importante concernant le commerce illégal des espèces menacées se tiendra à Londres. Au cours de celle-ci, il sera demandé aux gouvernements d’intensifier leurs actions contre ce trafic.