Les jumeaux ne laissent aucun peuple d’Afrique indifférent. Fêtés par les uns, redoutés par les autres, « leur naissance est exceptionnelle », selon Bernard Nantet dans ‘’Dictionnaire de l’Afrique Ed. Larousse 2006’’. Elle peut être considérée comme bénéfique (Afrique occidentale) ou gênante (Afrique orientale et australe). Les vrais jumeaux sont toutefois considérés avec suspicion.
La gémellité chez les Kongos a engendré un imaginaire populaire qu’on peut analyser à travers des berceuses que chantent les mères à leurs enfants. Leur analyse fait ressortir que « pour les Kongos, les jumeaux trouvent leur origine dans deux lieux différents définissant deux natures distinctes. Certains sont issus de l’eau, d’autres de la terre ; certains de la forêt d’autres des carrefours, d’autre encore ‘’des abîmes’’ formés dans les montagnes par l’érosion…» (Adolphe Tsiakaka in Fêter les jumeaux- les berceuses Kongo, Ed. L’Harmattan). ‘’Les Yombés, les Kongos septentrionaux attribuent la naissance des jumeaux au grand génie Pulu Bunzi, le maître des eaux en crue et des orages’’.
Quelle que soit leur provenance, tous ont un caractère sacré et « les origines exceptionnelles des enfants jumeaux - deux dans une même grossesse – leur confèrent des pouvoirs. Ils flairent le danger et possèdent une double vue qui leur permet de dépister les sorciers ou toutes les personnes qui médiraient.» Autre conséquence de leur mystérieuse nature, «leur patrie est créatrice et ce qu’ils disent s’accomplit. Ils peuvent donner la chance comme la malchance. »
Mieux vaut donc, selon Adolphe Tsiakaka, « tout mettre en œuvre pour les rendre heureux d’abord, maintenir une bonne ambiance familiale, les dorloter par les chants et les danses, leur offrir des cadeaux et organiser un repas ‘‘salaka’’ en leur honneur pour contenter les vivants et les ancêtres. »
Le caractère sacré de ces enfants impose à leurs ‘’honorables parents’’ et à leurs proches un certain nombre de contraintes, voire d’interdits. ‘’Les honorables parents, père et mère géniteurs’’, respectés pour les avoir mis au monde doivent vivre en harmonie, en cohésion et se supporter de façon irréprochable pour la survie de leurs enfants. Dans leur foyer ne doit régner que l’amour et nombre de berceuses kongo soulignent les tendres sentiments que se doivent mutuellement les parents. Par ailleurs, les parents des jumeaux sont eux-mêmes dotés de pouvoirs sacrés et respectés. Il est interdit de médire de l’honorable mère (Mâa Ngundi). ‘’Toute personne qui enfreint cette règle souffrira de maux de côtes ou de rein’’ (Adolphe Tsiakaka).