Kigali va commémorer, le 7 avril, l'anniversaire du génocide à l'origine d'un quart de siècle de tensions avec Paris. Mais leurs relations tendent à se réchauffer depuis quelques mois.
« Le président Macron a, en effet, été invité à la vingt-cinquième commémoration du génocide de 1994 contre les Tutsis », a déclaré le secrétaire d'Etat rwandais aux Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe.
En visite en Afrique de l'est (Djibouti, Ethiopie et Kenya), le chef de l'État français n'a pas encore fait connaître officiellement sa décision. En acceptant l'invitation, Emmanuel Macron sera le deuxième président français à se déplacer à Kigali depuis le génocide. Avant lui, son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, s'y était rendu en février 2010, où il avait admis publiquement des « erreurs d'appréciation » de la France à l'époque du génocide, mais sans présenter d'excuses formelles du gouvernement français.
Même un quart de siècle après, le rôle joué par la France au Rwanda reste un sujet hautement polémique et controversé, cristallisant des tensions entre Paris et Kigali. le président rwandais, Paul Kagame, continue d'accuser les autorités françaises d'avoir soutenu le pouvoir hutu et d'avoir été un acteur des tueries ayant fait, selon l'ONU, quelque huit cent mille morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsie, mais aussi chez les Hutus modérés.
Paris a toujours démenti toute implication dans les massacres. La visite de Nicolas Sarkozy avait scellé le rapprochement entre les deux pays, après une rupture diplomatique entre 2006 et 2009, liée à une enquête judiciaire en France sur les événements en rapport avec le début du génocide. Mais en 2014, les relations entre les deux pays s'étaient à nouveau dégradées sous la présidence de François Hollande, le Rwanda déplorant que la justice française ne parvienne pas à condamner de présumés génocidaires. Paris avait donc décidé d'annuler sa participation aux cérémonies du vingtième anniversaire, après que Paul Kagame avait accusé la France d'avoir pris une part active au génocide, ce qu'elle a toujours nié.
Chargé finalement de représenter le gouvernement français, l'ambassadeur d'alors, Michel Flesch, s'était vu retirer au dernier moment son accréditation. Lors de la cérémonie, Paul Kagame avait ouvertement accusé la France de « vouloir changer les faits ». Le centre culturel français de Kigali ferma ses portes jusqu'aujourd'hui.
L'élection d’Emmanuel Macron, en 2017, aurait impulsé une nouvelle dynamique. Paul Kagame et son homologue français se sont rencontrés à plusieurs reprises. Ils devraient à nouveau se croiser ce 14 mars à Nairobi, au sommet pour le climat "One Planet Summit". Emmanuel Macron a été l'un des meilleurs soutiens à l'élection en octobre 2018 à la tête de la Francophonie de l'ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. Suite à cette élection, Paul Kagame a déclaré vouloir donner "un nouveau départ" à la relation bilatérale, n'écartant pas l'éventualité d'un retour à Kigali d'un ambassadeur français, un poste vacant depuis octobre 2015.
La justice française, quant à elle, aura finalement décidé, en décembre 2018, d'abandonner définitivement des poursuites contre des proches du président Paul Kagame dans l'enquête sur l'attentat contre le président rwandais d'alors, Juvénal Habyarimana, épisode déclencheur du génocide. La participation d'Emmanuel Macron au 25e anniversaire du génocide serait « un bon geste, un geste important », selon le gouvernement rwandais.