Dans un rapport diffusé pour la Journée internationale de la francophonie, célébrée le 20 mars de chaque année, ses auteurs avancent que le nombre de francophones dans le monde pourrait doubler d’ici à cinquante ans grâce au boom de l’Afrique, en attendant de relever le défi de la scolarisation au sud du Sahara.
Le texte quadriennal de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), publié chez Gallimard sous le titre « La langue française dans le monde », note qu’avec trois cents millions de locuteurs, soit une progression de 10% depuis 2014, le français conforte sa place de cinquième langue la plus parlée dans le monde, après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Il soutient que la part des francophones dans le monde reste « très stable », faisant mentir la pensée selon laquelle la langue de Molière perd le combat face à celle de Shakespeare. Et même en tant que langue de l’internet, le français maintient sa place de quatrième, derrière l’anglais, le chinois et l’espagnol, précise-t-on.
Pour Alexandre Wolff, coordinateur du rapport et responsable de l’Observatoire de la langue française à l’OIF, basée à Paris, le dynamisme du français va s’amplifier. D’ici à cinquante ans, cette langue sera parlée par 477 à 747 millions de personnes dans le monde, le faisant « peut-être » passer devant l’espagnol, grâce au dynamisme « fulgurant » de la francophonie en Afrique, explique-t-il.
En 2015, l’Afrique était encore le deuxième continent francophone derrière l’Europe, abritant un peu plus de 40% des locuteurs du français. Selon des prévisions, près de 80% des francophones vivront en Afrique en 2070. Par ailleurs, si la croissance se poursuit au même rythme en Europe (+11% de francophones d’usage quotidien entre 2014 et 2018), elle s’accélère en Afrique : +17%, soit deux points de plus qu’entre 2010 et 2014.
Les auteurs du document affirment que la croissance francophone est « beaucoup plus rapide » que la démographie. La population du Bénin, du Mali et du Niger a ainsi été multipliée par cinq en quarante ans (1960-2000) mais le nombre de francophones a été multiplié par quarante-cinq, « en raison d’un meilleur accès à l’éducation », expliquent-ils. Malgré cela, Alexandre Wolff estime que pour réaliser les projections les plus optimistes, il faut relever le défi « énorme » de la scolarisation.
" L’anglais ne remplacera pas le français en Afrique"
« Pour l’instant, le niveau est loin d’être atteint », avertit l’expert, selon lequel 71% des enfants en deuxième année du primaire en Afrique subsaharienne francophone ne maîtrisent pas le français. « Très clairement, nous ne sommes pas actuellement dans une situation où se réalisera le scénario optimiste, qui prévoit 747 millions de francophones d’ici à 2070 (…). En revanche, une hypothèque est levée : l’anglais ne remplacera pas le français en Afrique », ajoute-t-il.
Convaincu qu’« aucun pays ne laisse à penser qu’il va passer à l’anglais comme langue d’enseignement, au lieu du français », le coordonnateur du rapport a dit qu’il est « peu probable » que les langues nationales africaines se substituent au français. « Même dans les pays africains où les langues nationales progressent, les études révèlent que le nombre de francophones progressent également : on a besoin du français pour communiquer entre Africains francophones n’ayant pas la même langue nationale », poursuit-il.
L’étude relève, en outre, que le problème du français est plutôt qu’il est victime de son succès puisqu’en Afrique et surtout au Moyen-Orient, il existe une « demande non satisfaite » de personnes voulant apprendre la langue, comme le montre l’engouement pour les universités francophones au Maghreb. Dans le monde, le nombre d’apprenants du français a augmenté de 8% en quatre ans, à plus de cinquante millions, signale le texte, ajoutant que l’Afrique a le vent en poupe, avec un bond de plus de 50%.
Le dynamisme touche aussi l’Europe, souligne le rapport, précisant que là où deux langues étrangères sont apprises, le français reste très souvent en deuxième position, quand il est en concurrence avec l’anglais, et en troisième en Europe centrale du fait de la concurrence du russe. « L’anglais a atteint son seuil : il est très souvent langue obligatoire et à des stades de plus en plus précoces : donc les marges de progression sont assez faibles. L’anglais a fait le plein », commente Alexandre Wolff.