Washington soupçonne les enquêteurs de la juridiction internationale de renseigner sur des militaires américains, notamment en Afghanistan.
"J'annonce aujourd'hui une politique de restrictions de visas américains contre les personnes directement responsables pour toute enquête de la CPI contre des militaires américains", a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, devant la presse. "Cela inclut des personnes qui prennent ou ont pris des mesures pour demander ou mettre en oeuvre une telle enquête", a-t-il ajouté. Des interdictions de visa avaient déjà été prononcées, sans en dévoiler le nombre ni les cibles, mais ces mesures punitives semblent pouvoir concerner notamment Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).
En novembre 2017, elle avait indiqué qu'elle allait demander aux juges l'autorisation d'ouvrir une enquête sur des crimes de guerre présumés commis dans le cadre du conflit afghan, notamment par l'armée américaine. Les États-Unis s'étaient insurgés contre cette juridiction internationale chargée de juger les crimes de guerre et contre l'humanité, dont ils ne sont pas membres. En conséquence, Washington avait menacé, en septembre 2018, ses juges ou procureurs de sanctions s'ils s'en prenaient à des Américains ou à Israël. Or, cette demande d'enquête est toujours en cours, déplore Mike Pompeo.
"Si vous êtes responsable de l'enquête envisagée par la CPI sur des militaires américains en lien avec la situation en Afghanistan, vous ne devez pas vous attendre à avoir encore ou pouvoir obtenir un visa ni à être autorisé à entrer aux Etats-Unis", a-t-il soutenu. La CPI "continuera à faire son travail indépendamment, sans se laisser décourager, en accord avec son mandat ", a réagi l'institution judiciaire dans un communiqué. Le secrétaire d'Etat américain menace de prendre "des mesures supplémentaires, y compris des sanctions économiques, si la CPI ne change pas d'attitude".
Rappelons que la CPI est régie par le Statut de Rome, un traité entré en vigueur le 1er juillet 2002 et ratifié depuis par cent vingt-trois pays. Son procureur peut déclencher ses propres enquêtes sans permission des juges à condition qu'elles impliquent au moins un pays membre - c'est le cas de l'Afghanistan. Les Etats-Unis ont refusé d'y adhérer et ont tout fait, notamment par des accords bilatéraux avec de nombreux pays, pour éviter que des Américains puissent être visés par ses enquêtes.
Élue sur le slogan " American first (l'Amérique d'abord)", l'administration de Donald Trump a poussé à l'extrême la défiance à l'égard de plusieurs institutions multilatérales, et érigé la CPI en symbole d'un ordre mondial qu'elle souhaite chambouler. "Nous n'allons pas coopérer avec la CPI, nous n'allons pas lui fournir d'assistance, nous n'allons pas adhérer à la CPI. Nous allons laisser la CPI mourir de sa belle mort " car "pour nous, la CPI est déjà morte ", avait lancé, en septembre 2018, le conseiller présidentiel à la sécurité nationale, John Bolton.