Le Pr Yves Lacoste, géographe de renom, estime que le vide – en vue – au sommet de l’Etat algérien est vertigineux, au plan intérieur, et dangereux hors des frontières. Il redoute l' implosion (scénario de type syrien), des frayeurs sur la région qui compte, au moins, trois Etats fragiles ou en dérive, selon un article de Mondafrique.
Le flanc sud de l’Algérie correspond aux régions septentrionales du Mali ( Kidal, Gao, Tombouctou et Taoudenni). Une proximité, voire une imbrication qui n’est pas étrangère au repli des islamistes des GIA algériens dans les sanctuaires limitrophes du Mali, où ils ont fait la jonction et, parfois, la collusion avec les irrédentistes touaregs, dont certains ont longtemps servi dans des légions auxiliaires ou supplétives de l’armée libyenne du colonel Kadhafi.
Ce concentré de djihadistes, de rebelles, de condottiere et de trafiquants est certes surveillé, complètement infiltré, souvent manipulé et sporadiquement décimé par le DRS algérien.
Diplomatiquement, c’est Alger qui a assuré la médiation, abrité les négociations et parrainé l’Accord du 15 mai 2015, pour la paix et la réconciliation. La présidence du comité de suivi de cet accord est, d’ailleurs, confiée à l’ambassadeur d’Algérie à Bamako, Ahmed Boutache. ''Déduction logique et conséquence automatique : le Mali déjà éprouvé sera sûrement disloqué par l’implosion de son puissant voisin, lourdement associé à son futur voire tributaire de son destin'' , a indiqué le Pr Yves Lacoste.
En ce moment, la ministre des Affaires étrangères du Mali, Kamissa Camara, séjourne – malgré la crise – à Alger, à l’invitation du vice-Premier ministre et nouveau ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Un révélateur de l’étroitesse des rapports bilatéraux et géostratégiques entre les deux pays. A côté du maillon malien fêlé, survit cahin-caha le maillon faible burkinabè.
Un Burkina Faso affaibli et fatigué par les rodéos des djihadistes et les irruptions d’agresseurs inclassables qui répandent l’insécurité. Accrochages sans fin qui provoquent la fermeture des écoles et réduisent la présence de l’Etat dans toute la zone semi-désertique du Burkina Faso. ''Une montée des périls qui déboussole un régime orphelin de son stratège Salif Diallo, décédé le 19 août 2017'', fait-il constater.
La mobilité à la tête de l’état-major des Armées, les changements répétés des titulaires de la Défense nationale ainsi que d'autres facteurs mettent le Burkina Faso dans un prévisible scénario de regain de violences et de terreurs, et à l’échelle du Sahel. En cause, les contrecoups d’une éventuelle aggravation de la crise en Algérie.
Plus loin, c'est le Burkina Faso qui sécurise la Côte d’Ivoire, notamment sur l’axe Bobo-Dioulasso-Korhogo. Si le Burkina s’écroule, la Côte d’Ivoire, située en bordure du Sahel, vacillera.
Si Alger vacille, le Niger sera affecté. Les deux pays partagent une longue frontière commune difficilement contrôlée à partir de la base avancée de Madama, implantée dans le désert du Ténéré et empruntée par les terroristes qui convoient des armes et des hommes vers le nord-Mali. Certes, le Niger est intact, mais ses élites et son gouvernement sont alarmés silencieusement par les effectifs en augmentation constante d’armées étrangères (française, suédoise, allemande, américaine etc.).
Au train où vont les choses, les soldats non nigériens seront bientôt plus nombreux que tous les jeunes nigériens sous les drapeaux. C’est la souveraineté du pays qui s’effiloche ou s’étiole à vue d’œil. C’est dire combien le spectre d’un chaos algérien peut hanter le président Issoufou.
Pays sahélien, sans siège au G5 Sahel, le Sénégal suit et surveille la complexe conjoncture politique en Algérie, évalue ses répercussions dans son voisinage immédiat : le Mali et la Mauritanie. Deux Etats membres de l’OMVS – l’un est aussi un partenaire dans l’exploitation du pétrole –. La Mauritanie est militairement robuste, tandis que le Mali demeure branlant.
La '' syrianisation de l’Algérie post-Bouteflika correspondra à l’âge d’or ou à l’apogée du terrorisme dans le Sahel'', peut-on lire.
Et, en cas de défaillance ou de destruction du verrou mauritanien, l’armée sénégalaise sera au contact direct des djihadistes.