Le président malien a réuni, le 24 mars, un Conseil des ministres extraordinaire qui a destitué les chefs militaires et prononcé « la dissolution de l’association Dan Nan Ambassagou pour dire clairement aux uns et aux autres que la protection de la population restera le monopole de l’Etat », a indiqué le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga.
Les mesures ont été prises au lendemain du massacre de plus de cent trente Peuls dans le centre du pays. L’attaque de la milice dogon s’est produite en pleine visite d’une délégation du Conseil de sécurité dans le pays et au Burkina Faso, voisin. Elle est considérée comme la plus sanglante depuis la fin des principaux combats de l’opération lancée en 2013, à l’initiative de la France, pour chasser les groupes djihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du Mali.
Dans un communiqué, le gouvernement a justifié la dissolution de la milice, au fait que « depuis un certain temps », celle-ci « s’est écartée de ses objectifs initiaux, en dépit des mises en garde répétées des autorités administratives locales ».
Bamako a également annoncé le remplacement des chefs d’état-major des armées, de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air. Ces limogeages au sommet de la hiérarchie militaire interviennent également après l’attaque djihadiste, le 17 mars, contre un camp de l’armée à Dioura (centre), au cours de laquelle vingt-six soldats ont péri.
Pour la principale alliance djihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda, à laquelle appartient le groupe d’Amadou Koufa, la dernière opération avait pour but de venger de précédents « crimes odieux commis par les forces du gouvernement de Bamako et les milices qui le soutiennent contre (leurs) frères peuls ».
Evoquant la récente attaque, Baba Dakono, chercheur à Bamako pour l’Institut d’études de sécurité sur l’Afrique, a dit que « le drame d’Ogossagou-Peul est certes inédit, mais il n’était pas imprévisible ».
« L’ampleur dépasse l’entendement, mais les conditions pour qu’il arrive existaient et étaient connues », a-t-il souligné, évoquant les carences de l’Etat, « l’accès facile aux armes » et « l’instrumentalisation du facteur terroriste » par l’ensemble des protagonistes.
Ce qui vient de se passer « ne restera pas impuni », a assuré le ministre de la Justice, Tiéna Coulibaly, qui a conduit une délégation gouvernementale sur le lieu du drame.
"Les Nations unies choquées par le drame"
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « choqué et outré », par les violences qui se poursuivent au Mali. Il a appelé « les autorités maliennes à enquêter rapidement sur cette tragédie et à traduire ses auteurs en justice ».
Du côté de l’Union européenne, la réaction ne s’est pas fait attendre. L’organisation a appelé à des « mesures immédiates », dont « le désarmement et le démantèlement de l’ensemble des milices qui sévissent » dans le centre du Mali. La France également a salué « l’engagement du gouvernement malien à dissoudre les milices qui alimentent la terreur dans cette région et qui doivent être désarmées ».
Les affrontements se multiplient au centre du Mali, notamment entre la communauté peule et les ethnies Bambara et Dogon, pratiquant l’agriculture, depuis l’apparition, il y a quatre ans, dans le centre du groupe djihadiste du prédicateur Amadou Koufa, qui recrute prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs. Une situation qui a conduit les Dogons à créer leurs propres « groupes d’autodéfense », dont l’association « Dan Nan Ambassagou ».
L’ONU estime que ces violences avaient coûté la vie à plus de cinq cents civils en 2018. Rappelons que dans un rapport publié, le 5 mars, le secrétaire général de l’ONU saluait de récentes avancées dans l’application de l’accord de paix de 2015, mais regrettait que « la menace, qui continue de se propager du nord vers le centre du Mali, détourne l’attention de l’Accord et en complique la mise en œuvre ».