La septième édition de l’Africa CEO Forum, rendez-vous international du secteur privé africain, s’est ouverte ce 25 mars à Kigali, avec l’ambition clairement affichée de faire avancer la création du marché commun africain.
L’intégration économique, un an après la Zone de libre-échange continentale (Zlec), est le grand sujet de cette septième édition de l’Africa CEO Forum à laquelle participent quatre chefs d’Etat (Rwanda, République démocratique du Congo, Ethiopie, Togo), le Premier ministre de Côte d’Ivoire, des délégations et chefs d’entreprise venus de soixante-dix pays. Tous présents à Kigali pour passer des messages forts. À commencer par Paul Kagame qui, saluant le travail remarquable mené par le groupe Jeune Afrique organisateur de l’événement, a d’emblée donné le ton des débats : « La zone de libre-échange est sur le point d’entrer en vigueur, cependant comme nous le savons tous, c’est là que commence le travail ardu ».
Dans son discours, le président rwandais a rappelé avec force le rôle de la politique dans le développement économique, appelant à « une gouvernance ouverte, réactive et responsable » et à une implication forte du secteur privé. « Le moment est venu pour les dirigeants du secteur privé de réfléchir à ce qui doit être changé et amélioré. Pour que nous ayons une situation où le secteur privé et le secteur public vont se lancer des défis et se pousser mutuellement à faire plus que des progrès, » a-t-il fait savoir.
Il y a urgence à agir. En moins d’une génération, l’Afrique devrait compter sur la plus grande main-d’œuvre du monde : 1,1 milliard d’Africains en âge de travailler, soit plus que la Chine ou l’Inde. Et la moitié sera des femmes. « Tant que les femmes se heurteront à des obstacles inutiles pour utiliser pleinement leurs talents, nous continuerons de payer un lourd tribut en termes de richesse perdue », a insisté le président rwandais appelant aussi avec insistance à une prise en compte de la jeunesse. « Nous n’avons pas de temps à perdre à faire le nécessaire pour que cette statistique devienne le plus grand atout de l’Afrique, et non un fardeau pour notre continent et pour le monde », a estimé Paul Kagame.
Du message de Paul Kagamé, on retiendra la nécessité de changer les mentalités : « Le facteur clé dans tout cela est la mentalité. Le changement de mentalité est-il coûteux ? Je ne pense pas. La mentalité n'a pas de prix, mais rien n'a plus de valeur ». Le président rwandais, sur ce sujet, n’a pas mâché ses mots pointant du doigt l’Ouganda voisin où stagnent les containers malgré l’accord des autorités, où les ressortissants rwandais ne sont pas souhaités. Incompréhensible pour le pays qui a largement ouvert ses frontières.
Mais il reste que créer ce marché commun nécessite une harmonisation des politiques intérieures avec, pour les nations, la crainte de perte de souveraineté ou encore la réduction des recettes douanières.
Là est sans doute la clé et la grande difficulté de ce grand projet comme l’a souligné Carlos Lopes, ancien secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique, rappelant qu’aujourd’hui il est plus coûteux et plus long d’importer des produits d’un pays à un autre en Afrique que de l’extérieur.
Coordonner les tarifs douaniers notamment pour ne pas ralentir l’élan créé par cette ratification est à inscrire dans les priorités. Ce qui revient à dire qu’il convient de dépasser les seules communautés régionales.
« Nous ne pourrons pas prospérer sans cette Zlec, nous devons affronter ces défis et nous avons besoin que des politiques nationales soient mises en œuvre et dépassent les craintes de manque à gagner », a lancé la présidente d’Ethiopie, Sahle-Work Zewde, rappelant que cette détermination est nécessaire avec l’implication de tous au côté des Etats, le secteur privé qui a un rôle important à jouer, la Banque mondiale dans l’accompagnement des projets.
Philippe Le Houérou, PDG de la Société financière internationale, organisation du groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, a d’ailleurs confirmé l’engagement de l’organisation qu’il dirige tant auprès des gouvernements que des entreprises privées.
L’engagement des Etats dans un tel projet demeure bien là moteur de la mise en œuvre du libre-échange dans le continent. Et c’est clairement cette volonté politique et individuelle de chaque pays qui fera que le marché commun africain verra le jour.
L’essentiel de la Zlec
Mars 2018. Signature à Kigali par quarante-quatre pays de l’accord prévoyant la création de la Zone de libre-échange continentale (Zlec). Le Nigeria figure parmi les pays en attente de signature de l’accord.
Enjeu. Créer une zone douanière unique avec un seul point de contrôle à l’entrée du territoire. Permettre l’accès à des marchés plus vastes que les seuls marchés intérieurs, accélérer et augmenter les échanges entre les pays.
Objectif. Devenir un instrument de croissance, d’emploi et d’industrialisation.
Méthodologie. Suppression des droits de douanes, simplification des procédures administratives, construction des infrastructures routières, ferroviaires, aériennes, fluviales et maritimes. Création d’instances communautaires de dialogue, d’assistance, de contrôle, de règlement des conflits
Freins et difficulté de mise en œuvre. Hétérogénéité géographique, politique, sociale, économique du continent.
A propos de l'Africa CEO Forum
Depuis six ans, l'Africa CEO Forum rassemble décideurs et financiers du secteur privé africain. Pendant deux jours, 1 500 chefs d’entreprise, décideurs publics et investisseurs d’Afrique et du monde entier sont rassemblés autour de la thématique de la transformation nécessaire des champions africains face à la concurrence internationale. L'Africa CEO Forum est organisé par Jeune Afrique Media Group, éditeur de Jeune Afrique et de The Africa Report, et par Rainbow Unlimited, société suisse spécialisée dans l’organisation d’événements de promotion économique.
En savoir plus : www.theafricaceoforum.com