Fondée le 4 avril 1949 à Washington, soit au début de la Guerre froide, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), qui comptait à l’origine douze pays fondateurs, dont dix d’Europe ainsi que les Etats-Unis et le Canada, est devenue la principale organisation militaire commune de défense avec vingt-neuf pays membres en Europe et en Amérique du Nord.
A sa création, l’Alliance avait pour objectif de contrer la menace soviétique et reposait sur le principe de solidarité mutuelle entre tous ses membres, défini dans l’article 5 : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties (...) ».
Aujourd’hui, soixante-dix ans après sa création, la « menace » russe est toujours sa raison d’être. Mais l’Otan, qui célèbre son anniversaire à Washington, est désormais confrontée à un autre défi : les critiques incessantes du président des Etats-Unis, Donald Trump, hôte des festivités organisées du 3 au 4 avril.
Lors d’une audition parlementaire à l’occasion de ces festivités, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a dit espérer que les alliés puissent « annoncer une autre série de mesures communes contre ce que la Russie fait en Crimée », la péninsule ukrainienne annexée en 2014.
Mais l’attention se portera surtout sur Donald Trump qui, depuis son arrivée à la Maison-Blanche début 2017, n’a eu de cesse de bousculer l’Otan, accusant les plus proches alliés des Etats-Unis de vivre, en matière de défense, aux crochets de Washington et de ses faramineuses dépenses militaires.
Le milliardaire républicain a encore fait la leçon à ses membres l’été dernier, à Bruxelles. En cause, l’objectif fixé en 2014 que chaque gouvernement porte ses dépenses militaires à 2% de son produit intérieur brut, une cible encore très lointaine pour plusieurs pays, à commencer par l’Allemagne, première économie européenne.
Festivités modestes
Au-delà, le président américain entretient régulièrement le doute sur son attachement à ce pilier des relations avec l’Europe, comme lorsqu’il s’est demandé si cela valait vraiment la peine de défendre un petit pays membre comme le Monténégro.
Mike Pompeo a défendu la position américaine, assurant qu’il s’agissait de « faire en sorte que l’Otan soit encore là dans 70 ans ». « Quand je parle à mes homologues, ils commencent par dire l’Amérique doit faire X et Y en raison de la menace russe », a affirmé le chef de la diplomatie américaine, lors d’un forum à Washington. « Mais quand on leur demande ce qu’ils sont prêts à faire eux-mêmes, ils répondent c’est difficile, nos électeurs n’aiment pas qu’on dépense de l’argent pour la défense », a-t-il ajouté en riant, désignant une nouvelle fois Berlin parmi les mauvais élèves.
Les célébrations du 70e anniversaire, au simple niveau ministériel, s’annoncent modestes. Un contraste saisissant avec le cinquantenaire, fêté en grande pompe en 1999 sous la houlette du président américain, Bill Clinton.
« L’inquiétude, c’est Donald Trump »
Derek Chollet, membre de l’administration de l’ex-président démocrate, Barack Obama, estime que les ministres devraient mettre en avant les avantages de l’Alliance. « Mais l’inquiétude, c’est Trump » dont l’ombre « plane » sur son avenir, relève celui qui est aujourd’hui vice-président du cercle de réflexion German Marshall Fund of the United states. Qu’ils l’aient « entendu directement, à huis clos, ou lu dans la presse », les dirigeants des pays membres savent que le président de la première puissance mondiale « pense que l’Alliance n’est pas utile aux Etats-Unis », a-t-il indiqué. « Et ils s’inquiètent de voir que le membre fondateur est devenu le plus imprévisible, voire le moins fiable ».
Alors que la droite populiste multiplie les attaques contre l’Otan, une partie de la gauche pacifiste dénonce aussi de longue date son existence et entend manifester à Washington en marge de l’anniversaire.
« Au XXIe siècle, l’Otan aurait dû prendre sa retraite plutôt que de devenir un élément de domination », a estimé Joseph Gerson, de l’American friends service committee, une organisation pacifiste chrétienne. Sans vouloir se montrer indulgent à l’égard de Vladimir Poutine, il juge que les alliés auraient dû s’attendre à voir la Russie « riposter » face à l’élargissement de l’organisation à ses frontières. « Nous voulons aussi que les gens comprennent que l’Otan est devenue une alliance globale très éloignée de la simple défense de l’Europe », a-t-il poursuivi.
Donald Trump a de fait proposé d’accueillir dans ses rangs le Brésil, dont le nouveau président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, a été reçu avec les honneurs dans le Bureau ovale. Et l’Otan est déployée depuis dix-sept ans en Afghanistan.
Bien que la Russie reste la principale menace pour l’Alliance, Derek Chollet s’attend à voir ses membres discuter de plus en plus des défis présentés par la Chine. « Malgré ses problèmes, l’Otan est un atout unique, qui n’a jamais vraiment existé auparavant et dont les Etats-Unis doivent s’estimer heureux », a-t-il dit, soulignant que Moscou et Pékin ne peuvent pas se targuer d’avoir autant de partenaires prêts à se défendre mutuellement dans l’esprit « un pour tous, tous pour un ».