Le livre, outil indispensable dans le développement intellectuel de l’enfant, n’occupe plus sa place d’antan. Les raisons profondes de cette crise de la lecture sont à chercher dans le milieu scolaire et même universitaire. Parents, élèves, enseignants, tous coupables ? Sur cette question, les enquêtes, les sondages, les observations des enseignants et des bibliothécaires ont apporté des témoignages convergents.
La jeune génération préfère largement les autres procédés d’apprentissage, plus faciles et qui requièrent certainement moins d’effort tels la télévision et l’internet qui captivent l’attention de tous.
En effet, les jeunes apprenants préfèrent de loin l’image au livre. Tout au plus, ils préfèrent la lecture numérique qu’ils trouvent plus facile. En tout cas, le constat est général : les élèves ne lisent plus, ce qui impacte leur niveau de langue, avec un français malmené. Conséquences, les jeunes ne maîtrisent plus la conjugaison et les règles grammaticales.
Des jeunes lycéens et collégiens rencontrés ne savent pas quoi répondre. Ils se braquent… Ce n’est qu’après quelques moments d’hésitation que certains tentent, tant bien que mal, de passer aux aveux par des bouts de phrases. « Je n’aime pas lire », lance une élève en classe de première, au lycée Savorgnan-de-Brazza. « Je n’ai pas envie de lire. Je préfère jouer au foot ou aller sur Facebook ou WhatsApp », renchérit un autre élève, en classe de terminale, Série D. « Je n’aime pas lire et je ne sais même pas pourquoi », explique une collégienne en classe de 3e. « J’ai beaucoup d’exercices, je n’ai pas de temps pour lire », souligne un autre lycéen, inscrit en classe de terminale C, au lycée Chaminade.
Ces témoignages, loin d’expliquer la crise de la lecture, montrent une conjonction de facteurs et de prétextes que ces apprenants mettent en avant pour justifier leur désamour pour la lecture.
Les raisons évoquées
Pour Elenga, élève en classe de terminale au lycée technique industriel 5-février, la question « Pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne lisent plus ? » trouve sa réponse dans le fait qu’ils ne se retrouvent pas dans les livres. Il estime que les ouvrages proposés racontent l’histoire d’une société bien précise, une culture qui leur est étrangère. « En général, les livres qu’on nous propose à l’école ne traduisent pas notre réalité. C’est trop occidental, je ne me reconnais pas dans les histoires qu’ils racontent », se défend-il.
Une écolière rencontrée dans la rue, évoque une autre contrainte. Massala, qui fait la quatrième dans une école privée, souligne qu’elle est très débordée par les tâches ménagères qui lui prennent son temps de lecture. « J’aimerais avoir la possibilité de beaucoup lire, mais les travaux domestiques me prennent une grande partie de mon temps », se justifie-t-elle.
Bayétela, élève au lycée technique 1er -mai, rejette pour sa part la faute sur les médias et les films qui, selon lui, sont à l’origine de cette situation. « Tout ce qu’on doit lire, on le voit à la télé, sauf que le petit écran ne nous propose pas beaucoup d’émissions relatives à la littérature », soutient-il.
Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, la lecture classique comprise comme étant le fait de lire un texte imprimé n’est plus à la mode chez les jeunes. Ces derniers pratiquent, de plus en plus, ce qu’on appelle la « lecture numérique », c’est-à-dire lire directement sur l’écran d’ordinateur, de smartphones, des tablettes…
« Je n’ai pas besoin de lire les œuvres au programme. Il me suffit juste d’aller sur internet pour avoir tout ce dont j’ai besoin avec le résumé », nous explique Lysa, élève en classe de 3e. Elle révèle que le fait de lire l’œuvre intégrale est une véritable perte de temps. « Je télécharge toutes les parties du livre qui m’intéressent sur mon téléphone et je gagne du temps », confie-t-elle.
Néanmoins, ces élèves interrogés admettent tous que la lecture numérique n’apporte pas autant de connaissances que la lecture classique. Mais elle est plus facile.
Le point de vue des enseignants
Selon des enseignants de lycées et de collèges rencontrés, le désamour des élèves pour les livres est lié au décalage entre le programme qu’on leur propose et leur temps, leur culture. C’est du moins l’avis de Thérèse, professeure de français au lycée Chaminade. Elle indexe les programmes scolaires qui, depuis longtemps, n’ont pas été révisés. « Les jeunes ne lisent plus parce que tout simplement les livres qu’on leur propose ne sont adaptés ni à notre culture ni à notre temps », explique-t-elle.
A en croire l’enseignante, la littérature africaine qui est enseignée dans des écoles souffre, elle aussi, des mêmes contrariétés. Des livres trop éloignés du temps présent chargent le programme tout au long du premier et du second cycle.
M. Djon, un autre professeur de français, analyse la situation par rapport à son expérience. Selon lui, il se pose un problème de niveau tout simplement. « Un élève qui ne sait ni déchiffrer ni décoder un texte ne peut pas lire et n’aura pas envie de lire», admet-il.
Le livre illustré est un bon moyen pour éveiller le goût de la lecture chez les enfants. Pour M. Mahoua, un ancien pédagogue, «il faut habituer à l’enfant l’objet livre. Dès la maternelle, donnez-lui des livres de bandes dessinées qu’il aura envie de feuilleter, ensuite de lire petit à petit ».
Mieux, la lecture doit être un sujet de conversation à la maison. D’après lui, le fait que les parents discutent avec les enfants des œuvres au programme peut beaucoup les encourager à aimer et à vouloir les découvrir. Les parents sont les premiers responsables qui doivent amener les enfants à lire.
En dehors des parents et enseignants, les autorités ont aussi leur part de responsabilité dans cette « crise de la lecture » chez les jeunes élèves. Cette responsabilité de l’Etat peut se situer au niveau de l’élaboration des programmes scolaires où la lecture n’occupe pas la place qui lui revient.