Le chef du gouvernement libyen d’union nationale, reconnu par la communauté internationale, a accusé son rival et homme fort de l’est d’avoir commis des forfaits dans le pays, après des tirs de roquettes ayant fait trois morts à Tripoli, le 16 avril.
Dénonçant « la sauvagerie et la barbarie » du maréchal Khalifa Haftar qu’il a qualifié de « criminel de guerre » dans une vidéo publiée par son service de presse, le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) a ajouté : « Nous allons présenter demain tous les documents à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Il a estimé qu’il était « de la responsabilité juridique et humanitaire du Conseil de sécurité (de l’ONU) et de la communauté internationale, de tenir ce criminel responsable de ses actes ».
Répondant à Fayez-al Sarraj, dans un communiqué, l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar a démenti être à l’origine des tirs, et rejeté la responsabilité sur « les milices terroristes qui contrôlent la capitale ». Le commandement général de l’ANL a notamment accusé des « milices terroristes qui contrôlent la capitale de tirer aveuglement des roquettes de type Grad et des obus » sur la capitale, tout en dénonçant des « actes terroristes ».
L’ANL compte, par ailleurs, légitimer son offensive sur la capitale en la présentant comme une guerre contre le « terrorisme ». « Nous nous battons pour toute l’humanité, pas seulement pour la Libye. Nous voulons débarrasser la capitale des terroristes », a martelé son porte-parole, Ahmad Al-Mesmari. Ce que le camp de Fayez-al Sarraj a démenti, accusant le maréchal Haftar de vouloir « vendre son agression » à la communauté internationale en la présentant comme une guerre contre le terrorisme.
La procureure de la CPI a dit, le même jour, suivre de près la situation en Libye. Dans un communiqué, Fatou Bensouda a prévenu qu’elle « n’hésitera pas » à élargir ses enquêtes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans ce pays. « Personne ne doit douter de ma détermination à cet égard », a-t-elle insisté.
Selon des témoins, de puissantes explosions ont secoué le centre de Tripoli, le 16 avril. Et des colonnes de fumée s’élevaient peu après au-dessus du quartier d’Abou Slim.
La communauté internationale divisée sur l’offensive du maréchal
Les violences en Libye avaient déjà conduit, le 25 juillet 2017, Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar sur la table des négociations. Les deux personnalités, réunies en région parisienne sur l’initiative de l’actuel président français, Emmanuel Macron, s’étaient alors engagées à œuvrer pour sortir le pays du chaos. Et en mai 2018, ils s’étaient accordés à collaborer pour organiser des élections à la fin de l’année. Mais celles-ci n’auront pas lieu, puisque l’homme fort de l’est avait boycotté une conférence internationale sur la Libye, qui devait se tenir en novembre dernier. Le 20 mars, l’ONU avait annoncé une « conférence nationale » à la mi-avril à Ghadamès (centre) pour sortir de la crise, mais celle-ci n’a pas non plus eu lieu du fait des combats qui opposent les troupes du GNA et celles de l’ANL.
Depuis le début de l’offensive de Khalifa Haftar, le 4 avril, vers la capitale libyenne, les combats font rage au sud de Tripoli. Des sources concordantes notent qu’il n’y a pas d’avancées ni du côté du maréchal Khalifa Haftar ni de celui du GNA, même si l’homme fort de la Cyrénaïque évoque quotidiennement des percées. En ce qui concerne le bilan, après deux semaines de combats, l’Organisation mondiale de la santé estime que le conflit a déjà fait au moins cent soixante-quatorze morts et plus de dix-huit mille déplacés.
Pour l’heure, notons que la communauté internationale reste divisée sur l’offensive lancée par le maréchal Khalifa Haftar sur Tripoli, siège du GNA. Un projet de résolution sur la Libye, soumis par le Royaume-Uni, le 15 avril, réclamant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combats près de la capitale, ne fait toujours pas l’unanimité, selon des diplomates de l’ONU.
Si au Conseil de sécurité et selon un diplomate « tout le monde veut éviter une guerre civile longue avec beaucoup de victimes civiles, le maréchal Khalifa Haftar ne veut pas entendre parler d’un cessez-le-feu ». Quant à Fayez al-Sarraj, il refuse tout processus politique, s’il n’y a pas au préalable un cessez-le-feu et un retrait sur les lignes d’avant le début de l’offensive. « Des positions irréconciliables », poursuit le diplomate.